Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome IV.djvu/987

Cette page n’a pas encore été corrigée
4917
19
OSÉE

îê

sant va-et-vient des pensées, ce brusque passage d’une, figure à une autre, joints à sa grande concision dans I l’expression, le rendent parfois énigmatique, souvent difficile à interpréter. Il est, en tant qu'écrivain, un homme d'émotion plutôt que de logique et il contraste, sous ce rapport, avec son contemporain Amos, dont on aime à le rapprocher, el qui est le prophète de l’argumentation bien agencée. Sa tendresse égale par instants celle d’une mère ; sa tristesse est çà et là si poignante, qu’il pleure et gémit plutôt qu’il ne parle. On ne peut lire sans être soi-même vivement ému certains passages tragiques ou dramatiques, tels que vi, 4 ; vii, 13 ; îx, 10, 14 ; xi, 2-4, 8 sq.

Les traits qui suivent peuvent être cités comme caractérisant le style d’Osée d’une manière plus spéciale. — 1° Si les nombreuses images qu’il emploie sont souvent très suggestives (par exemple : Jéhovah, en tant que Dieu terrible et vengeur, est comparé à un lion, v, 14, à une panthère et à un ours, xiii, 7-8, à la teigne qui dévore les vêtements, v, 12, et, en tant que Dieu de bonté, à la pluie bienfaisante, vi, 3, et à la rosée, xiv, 6), il est rare qu’elles soient développées. Le prophète se contente fréquemment de les indiquer en quelques mots rapides. Cf. iv, 16 ; v, 14 ; vi, 3 b et 4 b ; vii, 4, 6, 7, 11, 16 ; viir, 7 ; ix, 10 ; x, 7 ; xiii, 3 ; xiv, 6, 7, 8. Quelques-unes de ces images sont peut-être extraordinaires et hardies ; mais beaucoup d’entre elles sont vraiment belles, originales et appropriées à l’idée qu’elles ont pour but de mettre en relief (par exemple, le bonheur futur du peuple théocratique représenté par le lis qui croît si abondamment dans la Palestine du Nord, parles solides racines du cèdre, xiv, 6, et par le pin toujours vert du Liban, xiv, 9). — 2° Osée a volontiers recours aux paronomases expressives. C’est ainsi qu’il joue sur les mots Jezrahel, i, 4, 11 ; ii, 22-23, Éphraïm, IX, 16 ; XIV, 9, Bethaven, nom ironique donné à Béthel, iv, 15 ; x, 5. Voir aussi, dans le texte hébreu, viii, 7 ; ix, 15 ; x, 5 ; xi, 5, xii, ll b, etc. Il aime les inversions, cf. vu, 8, 9 ; xi, 12 ; xii, 8, etc., les ellipses, ix, 4 ; xiii, 9, etc., les antithèses, iv, 10, 16, etc. — 3° Il emploie un nombre assez considérable d’expressions particulières, plus ou moins rares. On peut citer entre autres : o’sibnj, ii, 4 ; mbaj, ii, 12 ; nri’bn, ii, 15 ; yrh, iii, 2 ;

nm », v, 13 ; napy, vi, 8 ; npnT, vii, 9 ; noatf, viii, 6 ;

v :  : t-..- t : t t omn, viii, 13 ; nsratira, ix, 8 ; nrn, xiii, 1 ; n13<Nbn,

-nt " : - :  : xm, 5 ; nnl, xiii, 14 ; vnVnn, xiv, 1, etc. Voir F. Keil,

T ' T

Lehrbuch der historisch-kritischen Einleitung in die kanon^und apokr, Schriften des Alt. Testam., 1859, p. 277 ; W. Harper, À critical and exeget. Commentary on Amos and Hosea, Edimbourg, 1905, p. clxxii, clxxiii. — 4° Son vocabulaire est riche, varié ; aussi, quoiqu’il revienne constamment sur les mêmes thèmes, il trouve toujours des mots nouveaux pour exprimer sa pensée ; il ne se répète presque jamais. — 5° Parmi ses constructions favorites, on peut citer l’usage fréquent de 7>n, surtout avec la signification de. « sans » (cf. iii, 4 ; iv 1 ; v, 14 ; vii, 7, 11 ; xiii, 4), de îray, (cf. iv, 16 ; v, 7 ; vii, 2 ; viii, 13 ; x, 2), etc.

Le texte primitif d’Osée ne nous est malheureusement parvenu que sous une forme assez imparfaite, pomme l’admettent la plupart des hébraïsants. Des passages assez nombreux ont été visiblement altérés par les copistes ; quelques-uns, sans doute, d’une manière irrémédiable : entre autres, iv, 4, 18 ; v, 2 ; 7, 11 ; vi, 7 ; vu, 4 ; viii, 10 b, 13 ; ix, 8, 13, etc. La seconde partie du livre a souffert plus que la première, parce qu’elle est en général plus difficile à comprendre. Néanmoins, quoi qu’on ait dit en sens contraire, le texte massorétique est encore de beaucoup supérieur à celui des Septante, <r dont les leçons ne méritent qu’exceptionnellement la préférence. » Von Orelli, Das Buch Eze chiel und die zwôlf kleinen Proph., p. 201. Pour la critique du texte hébreu, voir Strack, Hosea et Joël prophétie ad fidem codicis Babylonici Petropolitani, Saint-Pétersbourg, 1875 ; Tœttermann, Varianten %um Proph. Hosea, Helsingfors, 1878 ; Bser, Liber duodecim Prophet., Leipzig, 1878, p. 59 sq. ; Oort, dans le Theol. Tijdsehrift, 1890, p. 365 sq., 480 sq. ; Patterson, dans Hebraica, t. va, p. 190 sq. ; Harper, l. c, p. clxxiii sq. Les conjectures faites par les critiques pour améliorer le texte sont très souvent dénuées de bases solides.

VII. Authenticité et canonicité du livre d’Osée ; son intégrité. — 1° L’authenticité est si bien démontrée par les preuves extrinsèques accoutumées, qu’elle est admise à peu près unanimement aujourd’hui, même par l'école rationaliste la plus avancée. En effet, indépendamment des témoignages de la Synagogue (voir J. Fûrst, der Kanon des Alt. Testam., nach den Ueberlieferungen in Talmud, Leipzig, 1868, p. 28-29 ; L. Wogue, Histoire de la Bible et de l’exégèse biblique, Paris, 1881, p. 36 sq.) et de l'Église chrétienne (voir F. Vigouroux, Manuel biblique, t. i, n. 34-36), qui lui ont toujours accordé une place dans le canon des Saints Livres, des descriptions si vivantes, si caractéristiques que celles qu’on trouve dans cet écrit, ne peuvent dater que du temps auquel elles se rapportent ; elles sont le fruit immmédiat des douloureuses circonstances qu’elles exposent en termes émus et dramatiques. Un témoin oculaire était seul capable de tenir un pareil langage. En outre, les allusions fréquentes qui sont faites à l’histoire contemporaine nous conduisent à la même conclusion, car elles supposent récents et connus de tous, les événements qu’elles signalent. Or, on ne voit guère à quel écrivain on pourrait attribuer tout cela, sinon à celui qu’une tradition constante et le livre luimême, cf. Ose., i, 1 ; iii, 1, désignent très clairement comme Fauteur. On le comprend sans peine, le résumé de ce qui avait été prêché pendant une période de cinquante ans (au moins) put difficilement être entrepris par un autre que le prédicateur lui-même, surtout, comme c’est ici le cas, lorsque ce résumé porte le sceau d’un caractère si individuel.

2° L’emploi que plusieurs écrivains sacrés, postérieurs à Osée, ont fait de son livre est aussi un garant de son ancienneté, de son authenticité, en même temps que de sa canonicité. Nous avons vu plus haut (col. 1914) que Jérémie lui a fait plusieurs emprunts. Il est permis de conjecturer, d’après des ressemblances assez frappantes, qu’Isaïel’a également connu. Cf. Ose., i, 3, et Is., viii, 3 ; Ose., ii, 17, et Is., ii, 14 ; Ose., iv, 9, et Is., xxiv, 2, etc. ; voir A. Stolz, Commentai', p. xxx, Le Nouveau Testament le cite jusqu'à neuf fois ; ce qui est beaucoup pour des pages si courtes. Cf. Matth., ii, 15, et Ose., xi, 1 ; Matth., ix, 13, et Ose., vi, 6 ; Matth., xii, 7, et Ose., vi, 6 ; Luc, xxlli, 30, et Ose., x, 8 ; Rom., ix, 25-26, et Ose., m 24 ; ICor., xv, 55, et Ose., xiii, 14 ; Heb., xiii, 15, et Ose., xiv, 3 ; I Pet., ii, 10, et Ose., ir, 24 ; Apoc, vi, 16, et Ose., x, 8.

3° M. Nowack écrivait en 1880, dans son premier commentaire sur le prophète Osée, p. 27 : « L’intégrité du livre est aujourd’hui partout admise ; la tentative isolée de Redslob, qui prétend que le passage Ose., vii, 4-10, a été plusieurs fois interpolé, doit être abandonnée comme tout à fait avortée. » Voir Redslob, Die lntegritàt der Stelle Hosea ir, 4-10, Hambourg, 1842. Et pourtant, M. Nowack lui-même, moins de vingt ans plus tard (1897), affirme dans son commentaire abrégé des petits Prophètes, p. 11, que les chapitres iv-xiv n’ont pas été arrangés par Osée lui-même, bien qu’ils soient de lai pour l’ensemble, et qu’ils contiennent des fragments rapportés, sans liaison avec le contexte (entre autres, vi, 5 ; vii, 3, 8 ; IX, 7, 10, 15 ; xii, 11-13). Il en serait de même, dans la première partie du livre (chap. i-in).