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OSEE


Jéroboam passèrent sur le trône. Ils furent d’ailleurs presque tous des usurpateurs violents et criminels. Voir Hsevernick, Einleitung in das Alte Testament, t. ii, 2, p. 278. Il est probable que Jéroboam lui-même n’est mentionné qu'à la façon d’une date : pour Osée, qui insiste sur ce fait que la maison de David était seule en possession légitime de la royauté, cf. Ose., iii, 5, ce prince aussi était un usurpateur, et la vraie liste royale était celle des monarques de Juda. Hengstenberg, Christologie des Alten Teslam., t. iii, p. 3 ; Krabbe, Qusestiones de Hoseæ vaticin., p. 18 ; F. Keil, Einleitung in das Alte Testament, p. 276-277 ; en sens contraire, Driver, An lntrod. to the Literature of the Old Testament, p. 283 ; Wildeboer, Die Litteratur des Alt. Test., p. 117 ; W. Nowack, Der Prophet Hosea, p. x sq.

On ajoute, pour prouver que la donnée chronologique Ose., i, 1, est inexacte, que le prophète parle de Galaad comme d’une province qui faisait encore partie du royaume d’Israël, cf. Ose., v, 1 ; vi, 8 ; xii, 11, tandis que, d’après I Par., v, 26, Phul ou Théglathphalasar III en avait d’assez bonne heure déporté les habibants en Assyrie. On fait aussi valoir Vargumentume silentio, si aisé, mais si faible d’ordinaire : Osée ne signale pas l’alliance conclue contre Juda entre les rois Phacée d’Israël et Rasin de Syrie, IV Reg., xvi, 5-6 ; Is., vii, 1, non plus que la ruine de Samarie ; d’où l’on déduit qu’il n’a pas prophétisé si tardivement que l’indique le titre. On voit combien tout cela est peu concluant. Au surplus, le livre lui-même réfute en partie ces raisonnements, puisque sa seconde partie, chap. m-xiv, ne se rapporte plus au règne de Jéroboam II, mais à ceux de ses successeurs : le titre signifierait donc peu de chose, s’il fallait regarder comme une interpolation tout ce qui y concerne les rois de Juda.

III. Histoire personnelle d’Osée. — Nous n’en savons que ce que le prophète nous apprend lui-même dans les trois premiers chapitres de son livre, car il n’est parlé de lui dans aucun autre écrit biblique. Cette histoire se ramène à quelques faits domestiques d’une nature très intime, à un très cuisant chagrin de famille, dans lequel Osée, divinement éclairé, vit l’image des relations qui existaient alors entre le royaume d’Israël et le Seigneur. Sur l’ordre de Dieu, il épousa une femme aux mœurs légères, Gomer, fille de Diblaïm (Vulgate, « Deblaïm » ), qui ne tarda pas à le tromper. Ose., i, 2. Elle eut successivement trois enfants, auxquels, sous l’inspiration du ciel, Osée donna des noms symboliques : un fils, lzre"êl (Vulgate, « Jezrahel » ) ; une fille, Lô'-ruhâmâh, pas aimée, et un second fils, Lo'-'ammi, pas.mon peuple. Ose., i, 4, 6, 9. Ces noms n’exprimaient que trop bien la tension des rapports qui existaient entre Jéhovah et les Israélites du nord. Un ordre analogue fut adressé plus tard au prophète, d’après le chap. m : il devait prendre une femme perdue de mœurs et lui imposer une vie de réclusion, pour la faire rentrer en elle-même et l’amener à se convertir. Cette tragédie domestique est exposée simplement, noblement, sans que l'écrivain sacré songe un seul instant à mettre en relief ses souffrances personnelles. Il insiste, en revanche, cf. i, 4-11 ; ii, 1-24 ; iii, 3-5, sur le sens de cette double action symbolique : Israël, *et[e épouse mystique du Seigneur, ne cesse pas de lui être infidèle ; Dieu le châtiera sévèrement ; puis, pressé par un amour qui n’a jamais défailli malgré les ingratitudes de son peuple, il lui pardonnera, dès que le coupable témoignera qu’il se repent de sa triste conduite.

Ce mariage d’Osée a donné naissance à toutes sortes d’opinions, qu’on trouvera résumées dans Marck, Diatribe de uxore fomicationum, Leyde, 1696, dans H. Kurtz, Die Ehe des Propheten Hosea, Dorpat, 1859, et dans A. Rohling, Die Ehe des Proph. Hosea (Theol. Quartalschrift de Tubingue, 1867, p. 555-602). Voir aussi Hengstenberg, Christologie des Alt. Test., t. iii, p. 1-136 ;

Schmoller, Die Propheten Hosea, Joël und Amos, p. 16-22 ; F. Vigouroux, Les Livres Saints et la critique rationaliste, 5e édit., t. v, p. 229-231 ; les commentaires de A. Scholz, Nowack et Knabenbauer. Les deux questions principales que soulève ce passage, sont certainement les suivantes : 1° Les faits racontés furent-ils réels, objectifs ? ou bien ne devonsnous y voir qu’une simple allégorie, ou qu’un phénomène interne, qui se serait seulement passé dans l'âme du prophète ? 2° Les récits des chapitres î et m. sont-ils relatifs à deux mariages distincts, ou à un seul et même mariage ? Ces deux points ont de tout temps partagé les interprètes, qui ont émis, sans distinction d'écoles, des avis divers à leur sujet.

Pour ce qui est du premier problème, la paraphrase chaldaïque, quelques rabbins, saint Jérôme (qui, du reste, adopte aussi à l’occasion le sentiment contraire), et d’assez nombreux commentateurs plus ou moins récents se déclarent partisans de l’interprétation figurée (parmi les plus connus nous pouvons citer Maimonide, Kimchi, Calvin, Hitzig, MM.Keil, Reuss, Kœnîg, Wùnsche). Ils allèguent les raisons suivante^ : — - a) Si les faits avaient eu lieu d’une manière concrète, littérale, Dieu aurait placé Osée dans une situation choquante, pour ne pas dire scandaleuse, et le scandale aurait été encore plus grand dans l’hypothèse d’un double mariage. — 6) Les incidents que raconte le chap. i sr exigent un intervalle de plusieurs années ; le peuple n’aurait donc été que fort peu frappé de leur signification symbolique. — c) Les prophètes, dit-on, reçurent plus d’une fois de Dieu l’ordre d’accomplir des actes qui, par leur nature même, étaient d’une exécution difficile (on cite comme exemple Ezech., iv, 4-8), et qui, pour ce motif, ne s’accomplissaient pas à la lettre, mais surtout d’une façon idéale. Les chap. i et m ne contiendraient donc qu’une sorte de mâéal ou parabole.

Il est aisé de réfuter ces arguments. — a) Si les actes commandés au prophète avaient été contraires à la morale, Dieu ne les lui aurait pas même suggérés en vision, et ils n’auraient pas pu servir de base à une allégorie. En fait, l’ordre donné à Osée, loyalement expliqué, ne contenait en lui-même rien qui fût indigne de Dieu ou de son représentant. — 6) Pour que la narration orale des faits par Osée fût capable d’impressionner la foule, il fallait qu’ils correspondissent à la réalité historique, et on ne conçoit pas que le prophète se soit mis en scène comme un homme soumis à la plus rude épreuve domestique, si la conduite de sa femme avait toujours été honorable. — c) Les prophètes recevaient parfois de Dieu l’ordre d’accomplir des actions symboliques très réelles, quoique très difficiles en elles-mêmes. Cf. Jer., xiii, 1-7 ; Ezech., iv, 9-17, etc.

Les raisons pour lesquelles d’autres commentateurs très nombreux (dans l’antiquité, saint Irénée, saint Éphrem, Théodoret de Cyr, saint Cyrille d’Alex., saint Augustin et plusieurs autres Pères ; dans les temps modernes, Estius, Cornélius a Lapide, etc. ; de nos jours, les PP. Cornely et Knabenbauer, MM. Vigouroux, A. Scholz, Pusey, Ewald, Kuenen, Wellhausen, Nowack, Marti, etc., et, en somme, la plupart des interprètes les plus récents) admettent la réalité du mariage d’Osée sont surtout les suivantes : — 1° Rien, dans la narration de l'écrivain sacré, n’indique qu’il parle en termes allégoriques, et qu’Use borne à exposer un phénomène interne, subjectif ; au contraire, il donne à son récit une forme tout objective, appuyant sur le caractère extraordinaire de l’ordre qu’il reçoit, citant le nom de la femme et celui de son père, cf. I, 2-3 ; on a essayé vainement de donner à ces noms une signification symbolique, l’ordre irrégulier des naissances (un fils, I, 3 ; une fille, i, 6, et de nouveau un fils, I, 8), etc. D’ordinaire, les auteurs inspirés fournissent à leurs lecteurs quelque moyen pour reconnaître qu’il s’agit seulement de visions ou