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NOUVEAU TESTAMENT


être pour eux une cause d’infériorité et d’insuccès, devint au contraire favorable à la propagation de leur œuvre. Celle-ci, en effet, saisit les Juifs et les Asiatiqnes par son tour sémitique, et les Grecs par la forme relativement classique qu’elle était obligée de revêtir. Le Nouveau Testament réalisa ainsi ce que saint Paul tâehait d’être lui-même, « débiteur vis-à-vis des ignorants eomme des savants, » Rom., i, 4, et « tout à tous ». ï Cor., ix, 22.

5° Son contenu incomplet. — Le caractère occasionnel des écrits du Nouveau Testament ne permet pas de dire qu’il contient d’une manière complète la révélation transmise aux Apôtres par Notre-Seigneur. Saint Jean termine son Évangile en déclarant qu’il a laissé de côté beaucoup d’autres choses accomplies par le Sauveur. Joa., xxi, 25. Cette déclaration porte sur les récits des synoptiques aussi bien que sur son propre Évangile, puisque saint Jean avait leur œuvre sous les yeux et qu’il parle de livres sans nombre qu’on pourrait encore écrire en utilisant ce qu’il omet.Dans les Épitres, les Apôtres ne font que traiter certaines questions, pour répondre aux difficultés qui leur ont été posées, ou expliquer certains points du dogme et de la morale dont l’intelligence ou la pratique laissaient à désirer parmi les destinataires de leurs lettres. Aussi le concile de Trente, sess. IV, dont les termes sont reproduits par celui du Vatican, Const. de fide, ii, déclara-t-il que la vérité révélée par Notre-Seigneur est « contenue dans les livres écrits et dans les traditions non écrites qui, reçues de la bouche du Christ par les apôtres, ou transmises de main en main par les apôtres eux-mêmes, sous la dictée du Saint-Esprit, sont arrivées jusqu’à nous ». On n’est pas en droit de dire que la tradition ne fait que répéter ce qui est déjà dans les écrits sacrés. Saint Paul recommande à son disciple d’enseigner et de faire transmettre par des hommes capables, non ce qu’il a lii, mais ce qu’il a entendu. II Tim., ii, 2. En effet, tout ce qui a été enseigné n’a pas été inséré dans les livres du Nouveau Testament, et la tradition contient bien des choses dont l’Écriture ne fait pas mention. Cf. Franzelin. De divin, tradit. et Scriptura, Rome, 1875, p. 245-260. Le Nouveau Testament écrit ne reproduit donc pas dans son intégralité la révélation évangélique.

6° Son utilité relative. ~ Le Nouveau Testament écrit n’a pas été nécessaire à la propagation primitive de la foi. Les premiers fidèles ont été convertis sans le secours d’aucun écrit, et ceux qui les ont suivis n’ont connu qu’assez tardivement les différents livres du Nouveau Testament. La doctrine évangélique a donc été connue par tradition avant de l’être par les écrits inspirés. Cf. Franzelin., Op.cit., p. 261-267. Aujourd’hui encore, comme du temps de saint Irénée, ’„ Corei. hœr., III, iv, 1, 2, t. vii, col. 855, beaucoup s’en rapportent à l’enseignement de la tradition, parmi ceux « qui croient au Christ, en ayant le salut écrit par le Saint-Esprit dans leur cœur sans parchemin ni encre, et en gardant avec soin l’antique tradition ». Quelque précieux et quelque utiles que soient les écrits du Nouveau Testament, la tradition peut les suppléer et les supplée en réalité pour beaucoup d’âmes, qui ne sont dépourvues malgré cela ni de la connaissance de Jésus-Christ ni de sa grâce. Il en a été ainsi pour la majeure partie des premières générations chrétiennes.

7° Son caractère définitif. — La révélation contenue dans l’Ancien Testament a été bornée, progressive et finalement incomplète ; en dehors des écrits sacrés, il n’existait pas de tradition authentique de cette révélation. La révélation évangélique est définitive et totale, non pas en ce sens que Dieu a révélé tout ce qu’il pouvait révéler, mais en ce sens qu’il a révélé tout ce qu’il jugeait à propos de révéler pour le sàlut de l’humanité. L’Esprit devait enseigner aux Apôtres « toute vérité ». Joa, , xvi, 13. Bien que les livres du Nouveau Testament

n’aient pas un contenu aussi riche que la tradition, ils renferment cependant les points principaux de cette révélation, avec une multitude d’indications utiles à la croyance et aux mœurs chrétiennes. De cette révélation, l’Église tire, par voie de développement, des vérités qui s’y trouvaient implicitement contenues ; mais rien ne peut être ajouté au trésor primitif. Le progrès n’est possible que par une perception plus explicite de la vérité déjà possédée, et non, comme dans l’Ancien Testament, par des additions successives à la vérité antérieurement révélée.

8° Son développement historique. — Il importe enfin de remarquer que, d’après les écrits du Nouveau Testament, les Apôtres sont en possession des articles fondamentaux de la foi chrétienne dès qu’ils commencent leur prédication évangélique, et que le développement qui apparaît dans la doctrine à travers les écrits sacrés n’a rien que de naturel et de logique. Ces articles fondamentaux de la foi chrétienne sont l’existence de la Trinité divine, l’incarnation et la divinité de Jésus, Fils de Dieu, la rédemption de l’homme par sa mort volontaire, la nécessité pour l’homme de croire en lui et de recevoir de lui a vie de l’âme pour pouvoir atteindre sa fin, l’éternité bienheureuse. Or, dès les premiers discours des Apôtres, tels que les rapportent les Actes, ces points de doctrine apparaissent aussi nettement définis qu’on peut l’attendre, étant données les circonstances. La divinité de Jésus-Christ, en particulier, y est affirmée d’une manière formelle. Act., iii, 15 ; iv, 11, 12 ; v, 31 ; x, 36, 42, etc. « L’absence de toute trace d’une théorie générale concernant la personne du Christ est une des marques d’historicité que présentent les premiers chapitres des Actes. Mais les descriptions qu’ils offrent du caractère et de l’œuvre absolument uniques du Christ me paraissent tout à fait inconciliables avec l’hypothèse d’une personne purement humaine. » Stevens, The Theology of the N. T., 1901, p, 267. Les Épitres de saint Paul, dont les premières au moins sont indépendantes de tout Évangile écrit, à raison même de leur date, rappellent quelques faits que raconteront les synoptiques, mais surtout démontrent que l’Apôtre « connut non pas seulement la doctrine mais la vie publique et certains discours du Sauveur. À vrai dire il n’en indique rien que les points saillants ; mais avec assez d’autorité pour laisser entrevoir qu’ils possède pleinement tout le reste, tout, depuis la préexistence divine de Jésus et sa naissance d’une femme jusqu’à sa mort et à sa résurrection, depuis l’angoisse de Gethsémani jusqu’à l’apothéose dans le ciel. Il parle de sa vie pauvre et humiliée, de son caractère doux et miséricordieux, de son pouvoir sur la nature, de son enseignement si nouveau et si surprenant, de son rôle de médiateur et de législateur souverain, de son sacrifice expiatoire, et si, une fois ou l’autre, il veut entrer dans le détail, on voit qu’il sait très bien, et que l’on ne racontera pas mieux que lui ». Le Camus, La vie de N.-S. J.-C, Paris, 1901, t. i, p. 19. Toute la substance du Nouveau Testament est donc déjà dans les écrits de saint Paul, comme elle était dans l’enseignement oral des autres apôtres. C’est l’application ferme de ladoctrine du Sauveur et l’adaptation de ses leçons et de ses exemples à la pratique de la vie chrétienne. Les synoptiques paraissent ensuite, sous une forme purement historique qui tranche fortement avec le caractère dogmatique et parénitique des écrits de saint Paul. Ils font connaître le détail des faits et des enseignements que l’Apôtre n’ignorait pas et qu’il supposait arrivés déjà, par voie orale, à la connaissance des chrétiens, au moins dans leurs éléments principaux. Mais ici et là, c’est toujours le même Christ, la même doctrine, la même règle de vie, la même espérance. Les Épitres des autres Apôtres s’inspirent des circonstancespour mettre en lumière certains détails de l’enseignement évangélique et de la règle des mœurs nouvelles.