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NÉHÉMIE (LIVRE DE)


attribuait la fin du livre d’Esdras, qui comprenait, les deux livres d’Esdras du canon actuel. Voir t. n r col. 140, 1938. La considération du texte lui-même confirmait à première vue ces sentiment. Le titre, i, 1, annonçait un écrit de Néhémie. Le récit, qui débutait à la première personne du singulier, se terminait par la prière si confiante : « Sauvenez-vous de moi, Seigneur, » qui était pour ainsi dire la signature finale de l’auteur, an, 31. Le caractère de compilation du livre ne faisait pas une grave objection à cette conclusion. Néhémie lui-même avait inséré dans ses Mémoires les documents qui confirmaient ou complétaient son récit, et les critiques modernes concèdent qu’il en est certainement ainsi pour la liste des rapatriés du temps de Zorobabel, vii, 6-73, et probablement pour l’autre listé, xi, 1-36. Les arguments des premiers critiques, qui distinguèrent les sources, étaient réfutés, et le plus grave, celui qui est fondé sur la liste des grands-prêtres, xii, 10-11, 22-23, dont le dernier, Jeddoa (Jaddus), était Contemporain d’Alexandre le Grand, disparaissait par le fait que l’on tenait cette énumération comme une addition faite à l’œuvre primitive par une main étrangère. F. Vigouroux, Manuel biblique, loc. cit. Dès lors que le livre entier, sauf quelques additions postérieures, était considéré comme écrit par Néhémie, sa date était approximativement fixée. Il ne pouvait être que de peu postérieur aux événements relatés dans le dernier chapitre. Comme le second gouvernement de Néhémie commença avant la fin du règne d’Artaxerxès I er (461-425), les Mémoires qui le racontaient avaient donc été rédigés dans la seconde moitié du Ve siècle avant Jésus-Christ, vers 425. 2° Mais les critiques récents, qui ont poussé plus loin l’analyse des sources, ne reconnaissent pour l’œuvre même de Néhémie que ses Mémoires personnels, c’est-à-dire les récits où il parle à la première personne du singulier, et les morceaux plus anciens qu’il y avait insérés. Ils y placent donc les Ichstùcke, i, 1-vn, 5 ; xui, 4-41, avec les listes et récits qui s’y rattachent, vii, 6-73 ; xi, 1-24 (pour la plus grande partie, car le texte actuel a été retouché) ; xii, 27-32, 37-40, 43, 44. (L’accord toutefois n’est pas fait pour quelques détails.) Ces Mémoires de Néhémie ont été rédigés vers 425. On rapporte à la même date, ou même un peu auparavant, les morceaux que l’on croit avoir été extraits des Mémoires d’Esdras, ou, au moins, des Mémoires contemporains, viii, 1-x, 39 ; xii, 1-27 (au moins en partie), et pour quelques-uns, xiii, 1-3. Cornill, Einleitung in[das A. T., 3e et 4e édit., Fribourg-en-Brisgau, 1896, p. 133, pense, en outre, que les Mémoires de Néhémie et d’Esdras ont été retouchés par un écrivain qui vivait un siècle après leur composition. Cette retouche était peut-être le did-ti rc* tsd.

Neh., xii, 23. Bertholet pense aussi que les modifications rédactionnelles du texte sont en grande partie antérieures à la compilation définitive. Le dernier rédacteur aurait utilisé cette retouche, en combinant les documents dans l’ordre actuel, en remaniant quelques versets, i, 1 ; iv, 1 ; vii, 5, 7, 68, 69 ; viii, 4, 7, 8, quelques mots, 9-11 ; a, 4, 5, 29a ; xi, 10b, 11, 13, 17, ’22 (en partie), 25-36 ; xii, 1-11, 33-36, 41, 42, 45, 56 (il aurait ajouté xii, 1-26, en retravaillant cette liste) ; encore xiii, 1-3 (selon les uns). Pour ces critiques, le dernier rédacteur des livres d’Esdras et de Néhémie serait le chroniste de Jérusalem, ou l’auteur des Paralipomenes.Voirt.il, col. 1934-1935, 1938-1939. Attribuant donc au chroniste la rédaction actuelle du livre, ils la placent aux environs de l’an 330 avant Jésus-Christ, puisque c’est à lui qu’ils attribuent la mention du grand-prêtre Jeddoa, xii, ll, 22, contemporain d’Alexandre le Grand, selon Josèphe, Ant. jud., XI, vii, 2 ; viii, 2. Voir Paralipomènes. Écrivant après la fin de la domination perse, en Palestine, il a dit : « Darius le Perse, » xii, 22, tandis que Néhémie disait simplement « le roi », i, 11 ; ii, 1-9, 18, 19 ; v, 4, 14 ;

VI, 7 ; xiii, 6. Il parlait du temps de Néhémie et d’Esdras comme d’une époque lointaine, xii, 26, 46. Ces conclusions sont admises en tout ou en partie par des critiques catholiques. Voir Kaulen, Einleitung in die heilige Schrift, 2e édit., Fribourg-en-Brisgau, 1890, p. 212 ; Pelt, Histoire des livres de l’A. T., 3e édit., Paris, 1902, t. ii, p. 377 ; Gigot, Spécial introduction to the study of the Old Testament, NewYork, 1901. t. i, p. 323 ; C. Holzhey, Die Bûcher Ezra und Nehemia, Munich, 1902, p. 59-64. S’ils n’admettent pas explicitement tous que ce rédacteur soit le chroniste, ils attribuent la dernière rédaction du livre à un compilateur inconnu des environs de 330. Voir Torrey, The composition and historical value of’Ezra-Nehemiah, Leipzig, 1896.

IV. But. — Il diffère un peu selon que l’on considère les Mémoires de Néhémie et la dernière rédaction du livre qui les contient. — 1° Néhémie, en écrivant ses Mémoires, ne s’était pas proposé de composer une sorte d’autobiographie, puisqu’il ne parle ni de sa famille ni de ses antécédents. Il voulait seulement faire connaître la part qu’il a prise à la restauration complète et à l’achèvement des murs de Jérusalem, nonobstant l’opposition des tribus voisines aidées par la connivence d’une faction adverse dans la ville elle-même, à la repopulation de cette ancienne capitale du royaume de Juda, et à la répression, pendant son second gouvernement, des abus religieux qu’il avait constatés à son retour.

— 2° Quant au compilateur ou dernier rédacteur, il a voulu donner l’histoire complète de la reconstitution religieuse de la communauté Israélite ; c’est pourquoi il a joint aux Mémoires de Néhémie des Mémoires contemporains, provenant d’Esdras ou d’un autre écrivain et racontant l’activité commune des deux réformateurs pour la promulgation de la loi mosaïque et son accomplissement exact dans la vie publique des Israélites rapatriés. Il se préoccupait donc spécialement de tout ce qui concernait la religion et le culte ; mais il aurait pensé aussi à polémiser contre les Samaritains et à justifier leur exclusion de la communauté juive. C’est pourquoi il aurait inséré le récit de Néhémie touchant les obstacles qu’ils avaient soulevés contre le relèvement des murailles de Jérusalem. D’ailleurs, si ce rédacteur a été l’auteur des Paralipomènes, son but sera précisé davantage à l’article Paralipomènes.

V. Langue et style. — Les Mémoires de Néhémie sont écrits en hébreu et dans un style facile et naturel. On y remarque cependant quelques mots récents et des tournures tardives : ii, 6, ]m ; iv, 17, f>N avec le nominatif ; v, 7,-frai ; v, 15, ’oVi’; xiii, 6, ypb ; xiii, 24, nyi D7. Toutefois, ces expressions modernes sont moins fréquentes que dans l’œuvre du chroniste. La syntaxe de Néhémie est aussi plus classique que celle de ce dernier. On a relevé quelques expressions souvent répétées dans ses Mémoires : « mon Dieu, » « notre Dieu, » n, 8, 12, 18 ; v, 19 ; vi, 14 ; vii, 5 ; xiii, 14, 22, 29, 31, qui ne sont jamais employées par le chroniste ; Elohé has-samaim, i, 4, 5 ; ii, 4, 20 (dénomination divine usitée seulement après la captivité) ; <c gens de Juda, » ir, 16 ; iv, 8, 13 ; v, 7 ; vii, 5 ; usage fréquent de-wx, etc. Rappelons encore la formule caractéristique : « Souvenez-vous de moi, Seigneur, etc., » déjà citée. — 2° l ?our les particularités du style du chroniste, cf. C. Holzhey, Die Bûcher Ezra, und Nehemia, p. 6568. Voir Paralipomènes.

VI. Autorité historique et divise lu livre. — Les Mémoires de Néhémie sont d’une ?uthenticité indiscutable et respirent une sincérité d’accent qui rend très sympathique un écrivain racontant avec simplicité ce qu’il a fait. Les autres Mémoires contemporains présentent le même degré de vérité. Aussi n’a-t-on jamais discuté les faits historiques qu’ils racontent ; on a discuté seulement sur la date à laquelle ils s’étaient produits. Voir Néhémie 2. Les critiques estiment cepen-