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NÉHÉMIE


réponse donnée. Une cinquième fois, Sanaballat envoya à Néhémie une lettre dans laquelle il rapportait le bruit, répandu par Gossem, que la reconstruction des murs de Jérusalem était une révolte contre le roi perse. Néhémie voulait se déclarer lui-même roi des Juifs, et il avait suscité des prophètes qui proclamaient la nécessité de reconnailre sa royauté. Le roi de Suse devait être averti de ce bruit public, et Sanaballat invitait Néhémie à venir en délibérer avec lui. Néhémie envoya un courrier répondre qu’il n’y avait rien de vrai en tous ces bruits et que Sanaballat inventait ces fausses nouvelles à dessein. Ces démarches n’avaient d’autre but que d’effrayer Néhémie et de lui faire cesser les travaux. Comme il persévérait, au contraire, dans son dessein, ses adversaires ourdirent de nouvelles intrigues, et eurent recours à la faction juive qui leur était favorable. Néhémie était entré en secret dans la maison du prophète Séméias pour le consulter. Celui-ci lui suggéra de s’enfermer dans le Temple, afin d’échapper aux coups des conjurés qui devaient venir de nuit pour le tuer. Néhémie refusa noblement de se cacher et de fuir ainsi le danger, et il comprit que Dieu n’avait pas inspiré à Séméias ce dessein, mais que celui-ci, soudoyé par Tobie et Sanaballat, avait feint d’être inspiré ; il était payé pour l’intimider et lui faire commettre une faute qu’on pourrait justement lui reprocher. La prophétesse Noadia et d’autres prophètes avaient cherché aussi à l’épouvanter. Néhémie s’en remet à Dieu de leurs actes et de leurs embûches dressées contre lui par Tobie et Sanaballat, VI, 1-14. Cependant, les murailles furent achevées le 25 du mois d’élul. Les travaux avaient duré 52 jours. Quand ils l’apprirent, les adversaires des Juifs en furent consternés ; ils y reconnurent la main de Dieu. Ils avaient été favorisés par plusieurs des principaux Juifs, qui correspondaient avec Tobie et qui avaient juré d’être de son parti, parce qu’il était allié, lui et son fils, à des familles juives. Ils venaient le louer devant Néhémie, et ils transmettaient à Tobie les paroles de Néhémie, vi, 15-19.

6° Peuplement de la ville et dédicace des murs. — Les murs achevés et les portes posées, Néhémie fit le recensement des portiers, des chantres et des lévites. Puis, il donna à Hanani, son frère, et à Hananias, chef d’une famille de Jérusalem, ses ordres concernant la garde de la ville : les portes en seraient fermées de nuit et on ne les ouvrirait que lorsque le soleil serait déjà chaud. Ce soir-là, on les ferma et on les barra en leur présence, et les habitants de Jérusalem veillèrent tour à tour, chacun devant sa maison. La ville était étendue, mais elle contenait peu d’habitants et de maisons bâties, vti, 1-4. Elle n’était pas encore reconstituée comme cité. Dieu suggéra à Néhémie de faire le recensement des habitants rassemblés. Le gouverneur voulait donner à Jérusalem une population suffisante de véritables Israélites, afin d’avoir une cité réellement nationale, à l’exclusion d’éléments étrangers. Il retrouva la liste des familles revenues de Babylone avec Zorobabel, vu, 5-73, et reproduite I Esd., ii, 1-70 ; III Esd., v, 7-39. Quelques familles, même des familles sacerdotales, n’avaient pu faire la preuve de leur origine juive ou aaronique. Néhémie reproduisit cette liste dans ses Mémoires, parce qu’elle contenait le nom des familles israélites officiellement reconnues. Le recensement projeté était dès lors inutile et ne fut pas exécuté ; à l’aide de cette liste, le gouverneur pouvait discerner les personnes capables de prendre rang dans la population nouvelle de la ville sainte. Il ne restait plus qu’à les grouper et à les séparer entièrement de tout élément étranger.

J. Nikel, Die Wiederherstellung des jùdischen Gemeinivesens nach dem babylonischen Exil, Fribourgen-Brisgau, 1900, p. 196, tient pour vraisemblable que, nonobstant l’éloignement du récit transporté, xii, 27-’t6,


la fête de la dédicace des murs de Jérusalem eut lieu peu après l’achèvement de leur reconstruction. Le récit, dont le début n’est pas relié aux précédents, semble hors de sa place naturelle. Tous les lévites et les chantres furent rassemblés à Jérusalem. Les prêtres et les lévites, s’étant purifiés, purifièrent le peuple, les portes et les murailles. Néhémie fit monter les princes de Juda sur les murs, et il constitua deux chœurs de chantres qui, suivis chacun d’une partie de la foule, partirent du même point en sens opposé pour se rejoindre, après avoir fait le tour de la moitié des murs, devant le Temple. Néhémie suivait le second chœur. Les prêtres offrirent de nombreux sacrifices au milieu de la joie universelle. Ce même jour, on établit des chefs pour veiller à la conservation des offrandes, des prémices et des dîmes, destinées à l’entretien des prêtres et des lévites. Cependant, la dédicace des murs a fort bien pu suivre les réformes religieuses et civiles, prises en commun par Néhémie et Esdras, le récit se trouverait alors à sa place chronologique. Quoi qu’il en soit, le scribe Esdras y figurait à la tête des prêtres qui sonnaient de la trompette, XH, 35.

7° Réformes religieuses opérées en commun par Néhémie et Esdras. — Les chapitres vai-xii, qui relatent ces réformes, constituent dans le récitactuel un tout lié et expressément rapporté au premier séjour de Néhémie à Jérusalem. Tandis que la majorité des commentateurs maintient cette date, quelques critiques replacent les faits dans un autre cadre historique. Schlatter, Zur Topographie und Geschichte Palàstinas, Stuttgart, 1893, p. 405, a prétendu que les événements racontés, vm-x, se seraient produits du temps de Zorobabel et que leur récit aurait primitivement fait partie d’un document qui décrivait la réorganisation de la communauté juive après le retour de la première caravane. Néhémie l’aurait reproduit dans ses Mémoires, parce qu’il contenait la charte religieuse de la restauration israélite. Oncrutpar suite que les événements ainsi encadrés s’étaient produits de son temps, et on fut ainsi amené à lui donner un rôle à lui-même et à Esdras. Ainsi le nom de Néhémie aurait été inséré, viii, 9, où le texte primitif ne présentait que le titre d’athersatha convenant à Zorobabel. Cf. III Esd., ix, 50. Au même passage, les mots : « Esdras et les lévites, » paraissent être une addition, puisque le verbe est au singulier. Au verset 13, les mots : « auprès d’Esdras et, » semblent avoir été interpolés, tant la construction actuelle de la phrase est étrange. Les prêtres et les lévites qui signent l’alliance, x, 3-27, sont en grande partie les mêmes que ceux du temps de Zorobabel, xii, 1-21. L’assemblée tenue à Jérusalem convient mieux à la situation de l’époque de Zorobabel qu’à celle de Néhémie. Les circonstances mentionnées s’y rapportent plus naturellement, ainsi la tristesse du peuple, viii, 9 ; cf. I Esd., iii, 12 ; la découverte de la loi concernant la fête des Tabernacles, viii, 14. Le jeûne du 24e jour du 7e mois, ix, 1, est le jour de pénitence institué au début de la captivité en expiation du meurtre de Godolias, et peu probablement usité encore à l’époque de Néhémie. Cf. Zach., viii, 19. Enfin, tes résolutions prises sur les mariages mixtes et l’entretien du culte supposent le début de la restauration et se rapportent à la première réorganisation de la communauté.

Ces arguments ne suffisent pas à prouver l’hypothèse.

II n’y a aucune raison de considérer le nom de Néhémie comme interpolé, viii, 9 ; x, 2 ; dans le premier de ces deux passages, ce serait plutôt le titre : athersatha, exprimé dans une pbrase incidente, qui aurait été ajouté, et il manque dans la version des Septante. Ed. Meyer, Die Enstehung des Judenlums, Halle, 1896, p. 200.

III Esd., îx, 50, n’a pas conservé le texte primitif ; c’en est plutôt un remaniement, dont l’auteur omet le nom du gouverneur dans un récit consacré tout entier

IV.

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