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NÉERLANDAISES (VERSIONS) DE LA BIBLE


de saint Matthieu, traduit par Jean Pelt, et imprimé à Amsterdam chez Doen PieterSŒn, probablement en 1522, avait été proscrit comme hétérodoxe par un placard de Charles-Quint, daté du 23 mars 1524. Guillaume Vorsterman publia à Anvers six éditions de la Bible complète-in-folio (1528, 1532, 1533, 1544, 1545, 1546), six autres du Nouveau Testament (1528, 1529, 1530 deux fois, 1531, 1534) et une de l’Ancien Testament (1543). Il avait pris pour base l’édition de Van Liesveldt (Anvers, 1526), qui suivait la traduction allemande de Luther, pour autant qu’elle avait déjà paru, mais il l’avait fait corriger avec soin par des savants catholiques de Louvaïn. Néanmoins, plusieurs de ces éditions, soit de la Bible entière soit du Nouveau Testament, ont été frappées de condamnation, parce que les typographes, par incurie ou par mauvais vouloir, avaient négligé les corrections, en suivant de trop près l’édition dé Van Liesveldt. Du reste les presses catholiques d’Anvers n’avaient plus de repos. Nous connaissons deuxSéditions catholiques du Nouveau Testament de Michel Hillen van Hoogstraten (1530, 1533), trois autres de Matthieu Crom (1538, 1539, 1541), cinq de Henri Peters van Middelburg (1541, 1542, 1544, 1546, 1548), deux de sa veuve (1553, 1556), et deux de Jean van Loe (1546, 1548 ?). Ajoutons la double édition, in-f » et in-8°, de Corneille Heynrickz à Delft (1533), celles de Pierre Warneson à Kampen (1543) et de Jean van Remunde à Zwolle (1546) — les Psaumes de Heynrickz (1534) et la Bible complète in-folio de Henri Peters van Middelburg (1535). Une autre édition du même imprimeur, celle de 1541, a été condamnée : c’était probablement une reproduction d’une des Bibles de Vorsterman. Même en pays allemand, à Cologne, se publia en 1548 chez Jasper van Gennep une nouvelle version néerlandaise de la Bible entière, ouvrage d’Alexandre Blanckart, 0. C. Les passages qui ailleurs avaient donné lieu à des condamnations étaient soigneusement ; rendus conformes à l’édition de la Vulgate, que le Père Hentenius, 0. P., venait de publier à Louvain (1547). Cependant l’ouvrage n’eut pas de succès. Dans la même année 1548 parut à Louvain chez Barthélémy van Grave une autre traduction de la Vulgate de Hentenius par Nicolas van Winghe. C’est cette version, qui supplanta chez les catholiques des Pays-Bas toutes les versions précédentes. Après au moins dix-sept éditions complètes et une cinquantaine d’éditions du Nouveau Testament, elle fut corrigée sur la Vulgate clémentine, et devint ainsi la célèbre « Bible de Moerentorf ». Depuis que Cet imprimeur anversois en donna la première édition, en 1599, elle n’a cessé d’être reproduite en Belgique jusqu’au xix 8 siècle, avec des corrections purement orthographiques et grammaticales.

C’était encore à Anvers qu’avaifparu en 1523, chez Adrien van Bergen, le premier Nouveau Testament protestant, c’est-à-dire dépendant de la version de Luther. Et depuis cette époque jusque vers la moitié du xvi « siècle, presque chaque année vit paraître des éditions semblables, soit du Nouveau Testament, soit de la Bible entière. Surtout à Anvers où se publiaient vers le même temps des versions ayant plus ou moins une teinte de luthéranisme, en français, en espagnol, en anglais, en danois. Les éditeurs les plus connus sont Adrien van Bergen, Jean van Ghelen, Hans van Buremunde, Martin de Keyser, Christophe van Buremunde, Govert van der Haghen, et surtout le fougueux Jacques van Liesveldt, qui, en 1545, paya de sa vie ses attaques incessantes contre le catholicisme. À Amsterdam travaillait pour la « Réforme » Doen Pietersoen, à Leyde Pierre Janszoon et Pierre Clæssen, à Kampen Etienne Joessen, à Déventer Dirk van Borne, tandis qu’à l’étranger des textes néerlandais semblables sortaient des presses d’Adam Pétri van Langendorff à Bàle, de Pierre Etienne à Genève, et de Hiero Fuchs à Cologne. Il est vrai que dans ces divers textes la dose d’hérésie n’était pas

partout la même. Parfois on ajoutait en marge les variantes de la « Bible de Delft » ou d’autres éditions catholiques ; parfois on mêlait au texte même de Luther des corrections de ce genre, tirées du texte d’Érasme ou des versions franchement catholiques, soit pour éviter les rigueurs de la justice, soit pour tromper des lecteurs catholiques, soit plutôt pour de simples raisons pratiques de libraire. Ce qui n’empêcha pas, du reste, que bon nombre de ces éditions ne fussent proscrites par l’autorité compétente, guidée le plus souvent par la Faculté théologique de Louvain. Voir Van Druten, Geschiedenis, t. ii, p. 370437 ; Chr. Sepp, Verboden lectuur, Leyde, 1889, p. 67-70, 124, 192, 194. En face de cette confusion immense on comprend mieux que partout ailleurs la nécessité des mesures, prises par l’Eglise au Concile de Trente et depuis, pour assurer aux fidèles un seul texte latin authentique, et pour empêcher la lecture des traductions en langue vulgaire, non approuvées par l’autorité ecclésiastique.

Il est vrai que dans la seconde moitié du xvi 5 siècle, parmi les protestants aussi la confusion allait en diminuant. Les diverses sectes, déjà constituées plus ou moins régulièrement, commençaient à publier des textes officiels pour leurs adeptes. Les luthériens avaient, au moins dès l’année 1558, une version, faite d’après la traduction en bas-allemand de Bugenhagen, et publiée à Embden. Là aussi était imprimée la Bible des Mennonites (1560), qui en somme n’était guère qu’une reproduction de la précédente, avec subdivision des chapitres en versets. L’Église « réformée » (calviniste), qui fut bientôt l’Église dominante en Hollande, avait elle aussi reçu des éditeurs mêmes de la Bible luthérienne sa Bibel in duyts (1556), et d’un autre éditeur (Gellius Ctematius — Gilles van den Erven) le Nouveau Testament de Jean Utenhove (1556), un autre de Godefroi van Winghen (1559) et l’Ancien Testament du même traducteur (1562). Les Bibles luthérienne et mennonite ont été plusieurs fois revisées et réimprimées en Hollande, la première exclusivement d’après la version allemande de Luther. Une édition mennonite du Nouveau Testament, publiée en 1554 à Amsterdam par Matthieu Jacobszoon, a pareillement été reproduite plusieurs fois. Les Calvinistes, tout en reconnaissant les défauts de la Bible de G. van Winghen, ne parvinrent, pendant plus d’un demi-siècle de pourparlers stériles, qu’à modifier leurs notes exégétiques. Ce n’est qu’en 1618 que le synode calviniste de Dordrecht résolut de faire élaborer une révision radicale d’après les textes originaux. Le travail ne commença qu’en 1628. Pour fixer la forme grammaticale de leur version, les auteurs composèrent d’abord * une espèce de grammaire néerlandaise. Les livres protocanoniques de l’Ancien Testament étaient l’ouvrage de Baudart, Bogerman, Bucer et Thysius, et les livres deutérocanoniques et le Nouveau Testament celui de Hommius, Boland et "Walæus. À la traduction, qui ne manque pas de mérite, ils ajoutaient des introductions, des résumés de chapitres, et des notes marginales. Ainsi le fameux Statenbybel s’imprima à Leyde en 1636, mais la publication fut différée jusqu’après l’approbation des États-Généraux qui date du 29 juillet 1637. Cette même année vit encore deux autres éditions, à Amsterdam et à Gouda, et depuis elles se succédaient d’année en année. Une liste officielle de corrections typographiques parut en 1655. Depuis environ un siècle et demi on s’est souvent appliqué à renouveler l’orthographe et les formes grammaticales, d’après les changements survenus dans la langue, mais sans modifier le sens. Et après tout la langue retient encore beaucoup de cetle saveur antique qui semble faire les délices et’l'édification des pieux calvinistes.

IV. Depuis la. fin du xvie siècle. — Depuis cette époque, c’est la Bible de Moerentorf (ou Moretus) plusieurs fois réimprimée qui a dû. suffire presque seule