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NAZAREAT — NAZAREEN

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Cette abstention eût d’ailleurs été inconciliable avec sa vocation, puisque Samson était précisément appelé à mettre à mort en grand nombre les ennemis de son peuple. Jud., xiv, t. Quand Samson révéla à Dalila le secret de sa consécration à Dieu, dont sa longue chevelure était le signe, et que celle-ci eût été coupée par sa faute, cette infraction à la loi du nazaréat entraîna pour lui la suppression du secours divin et la perte de sa force extraordinaire. Jud., xvi, 17-20. Quand ensuite ses cheveux repoussèrent et que le repentir descendit dans son cœur, Samson retrouva sa force et l’assistance de Dieu. Jud., xvi, 22, 28. Josèphe, Ant. jud., V, viii, 11, ajoute au texte une remarque arbitraire et contraire à la réalité, quand il fait dire à Samson que sa force est en proportion de la longueur de sa chevelure.

2° Samuel fut également voué au nazaréat par sa mère, Anne, qui prit cette détermination de son propre mouvement. Elle stipula seulement que les cheveux de son fils ne seraient jamais coupés, et qu’il serait consacré au Seigneur. I Reg., i, 11, 22. Ces conditions supposaient le nazaréat complet.

3° Amos, ii, 11, 12, dit que le Seigneur a suscité parmi les Israélites des jeunes hommes qui se sont voués au nazaréat, mais qu’on leur a fait boire du viii, au mépris de leur vœu solennel. — Les versions mentionnent encore les nazaréens dans trois passages de l’Ancien Testament. Dans la bénédiction de Jacob, il est dit de Joseph : « Que les bénédictions descendent sur la tête de celui qui est nâzîr, « prince, » entre ses frères. » Gen., xlix, 26. Les Septante traduisent : « Sur la tête de Joseph, et sur la tête des frères dont il est le chef. » Il n’y a donc pas lieu d’admettre ici la traduction de la Vulgate : « Sur la tête de celui qui est nazaréen entre ses frères. » Rien en eifet ne permet de supposer que Joseph ait fait le vœu du nazaréat. La même expression se trouve reproduite dans la bénédiction de Moïse. Deut., xxxiii, 16. Elle doit être interprétée comme dans la bénédiction de Jacob. Dans les Lamentations, iv, 7, il est aussi parlé des nezîrim d’Israël. Les Septante traduisent par vaÇipctïot et la Vulgate par naiarsei. Malgré l’autorité de ces deux versions, on s’accorde à reconnaître, d’après le contexte, qu’il s’agit dans ce passage de princes et non de nazaréens, le mot nazîr s’appliquant à l’un et à l’autre.

4° Quand Judas Machabée vit que Jérusalem était aux mains des gentils et que le culte sacré y avait cessé, il rassembla les Juifs fidèles à Maspha, et faisant comparaître les nazaréens qui avaient terminé leur temps, il dit : « Que ferons-nous d’eux ? Où les conduire ? » I Mach., iii, 49, 50. C’est en effet au Temple, alors inabordable, que devaient se célébrer les sacrifices qui terminaient le nazaréat. — Plus tard, le roi Alexandre Jannée et Siméon ben Schétach donnèrent neuf cents têtes de bétail pour subvenir aux sacrifices de trois cents nazaréens. Cf. Gem. Hier. Nazir, 54, 2 ; Midrasch Koheleth, 107, 3. Le nazaréat ne cessait donc pas d’être en assez grand honneur parmi les pieux Israélites.

5° En annonçant la naissance de saint Jean-Baptiste, l’ange Gabriel dit qu’il ne devra boire ni viii, ni liqueur enivrante et qu’il sera rempli de l’Esprit-Saint. Luc, i, 14, 15. Il n’est point parlé de la chevelure à laisser pousser, et quelques auteurs en concluent qu’il ne peut être question ici de nazaréat. Mais l’ange n’était pas tenu de faire une énumération complète. Il omet ce qui regarde la chevelure, de même que la mère de Samuel a omis ce qui concernait le vin et les liqueurs fermentées. Les omissions se suppléent d’elles-mêmes. Saint Jean-Baptiste a été nazaréen dans le sens le plus éminent par sa sanctification surnaturelle et sa vie mortifiée. Cf. Knabenbauer, Evang. sec. Luc, Paris, 1896, p. 49.

6° Josèphe, Ant. juçi., XX, vi, 1, raconte qu’Hérode Agrippa, arrivant à Jérusalem avec le titre de roi, fit offrir de nombreuses victimes et couper les cheveux

d’un grand nombre de nazaréens, ce qui doit s’entendre probablement en ce sens qu’il fournit ce qui était nécessaire pour que ces nazaréens pussent offrir leur sacrifice final. Il raconte ailleurs, Bell, jud., II, xv, 1, que Bérénice, sœur du roi Agrippa, vint à Jérusalem, sous le procurateur Florus, pour accomplir un vœu de nazaréat. Il remarque à cette occasion qu’on se vouait au nazaréat pour trente jours, pendant lesquels on priait dans l’espérance d’obtenir la guérison d’une maladie ou la délivrance d’un péril. Enfin, la Mischna, Nazir, m, 6, dit que la reine Hélène d’Adiabène fit vœu de nazaréat pour sept ans, si son fils revenait heureux de la guerre. Cette condition ayant été remplie, la reine Hélène commença son nazaréat, sur la fin duquel une souillure annula ce qu’elle avait fait ; elle recommença, et subit le même accident sur la fin de la seconde période ; elle dut recommencer encore, de sorte que son nazaréat dura en tout vingt et un ans.

7° À la fin de sa troisième mission, saint Paul se trouvant en Grèce et tenant à se rendre à Jérusalem, fit un vœu de nazaréat, et, avant de s’embarquer à Cenchrées, coupa ses cheveux. Act., xxiii, 18. Régulièrement, les cheveux du nazaréen devaient être coupés dans le Temple. Mais il est probable que, quand le vœu avait été fait à l’étranger, on pouvait se couper les cheveux là où l’on se trouvait à l’expiration du vœu, à charge de les porter à Jérusalem et d’y accomplir les rites prescrits. Saint Paul, qui se savait si jalousement surveillé par les Juifs, n’aurait pas voulu se permettre la moindre infraction aux usages reçus en pareille matière. Il avait fait ce vœu soit par reconnaissance pour la protection divine qui l’avait préservé de tant de dangers, soit aussi afin de rendre irrévocable son départ pour Jérusalem. Cf. Fouard, Saint Paul, ses missions, Paris, 1892, p. 268 ; Knabenbauer, Aclus Apost., Paris, 1899, p. 317, 318. Saint Luc appelle le vœu de saint Paul eù-^v. Philon, De victimis, édit., Mangey, t. ii, p. 249, désigne le nazaréat sous le nom de r, eO/r, [isfâXir], « le grand vœu. »

8° Saint Jacques le Mineur, d’après Hégésippe, se serait astreint à toute la rigueur de la discipline des nazaréens. Cf. Eusèbe, H. E., ii, 23, t. xx, col. 197. C’est ce qui expliquerait la vénération que les Juifs eux-mêmes avaient pour lui et la facilité qui lui était laissée de pénétrer dans le Temple. Un Réchabite intervint en sa faveur au moment du martyre. Voir Jacques (Saint) le Mineur, t. iii, col. 1086, 1087. Les Réchabites s’abstenaient de viii, comme les nazaréens. Mais là s’arrêtait la ressemblance entre les uns et les autres. D’ailleurs les Réehabites pratiquaient cette abstinence en la rattachant, non pas à la loi mosaïque, mais à l’ordre de leur ancêtre Jonadab. Jer., xxxv, 6. Voir

Réchabites.

H. Lesêtre.

1. NAZARÉEN (hébreu : ndzir, « . séparé, consacré ; s Septante : EÎ)$â(ievoc, T^ytiévo ; dans les Nombres, vi, 2 sq., Na£ : p [Nocïtpaîoç, NaÏTjpatoî, NaÇetpaîoç, dans divers manuscrits], dans les Juges, xiii, 5, 7 ; xvi, 17 ; et dans I Mach., iii, 49 ; r l yiaa[i.evo ; , dans Amos, ii, 11, 12 ; Vulgate : Nazarœus), 1° celui qui était consacré à Dieu par le vœu du nazaréat. Voir Nazaréat. — 2° Le mot hébreu nâzîr a aussi le sens de « prince », dans Gen., xlix, 26, et Deut., xxxiii, 16, où il est dit de Joseph, « prince de ses frères, » et dans les Lamentations, IV, 7, où il est dit des princes de Juda. Dans ces trois passages, la Vulgate a traduit nâzîr par Nazarœus. — 3° Dans saint Matthieu, ii, 23, nous lisons : « [Joseph] vint habiter une ville nommée Nazareth, afin que s’accomplit ce qu’avaient dit les prophètes : Il sera appelé Nazaréen (grec : NaÇwpuîoç ; Vulgate : Nazarœus). » Certains commentateurs pensent, sans exclure la signification « habitant de Nazareth », que « Nazaréen » signifie ainsi ici « consacré à Dieu » par le nazaréat, mais cette explica-