Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome IV.djvu/76

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
135
136
LAVEMENT DES PIEDS — LAVER (SE) LES MAINS

les églises des Gaules et de Milan, de laver les pieds des néophytes, avant ou après la cérémonie du baptême. Ce lavement des pieds se faisait le jeudi-saint, en souvenir de l’exemple donné par Notre-Seigneur. Saint Augustin, Ep. lit, ad Januar., 7, 10, t. xxxiii, col. 204, attribue à ce rite un but purement physique. Comme le bain était incompatible avec le jeûne du carême, il convenait que le catéchumène eût les pieds lavés avant de descendre dans le baptistère. Saint Ambroise, De myster., 6, t. xvi, col. 398, fait au contraire du lavement des pieds un rite complémentaire du baptême, et il ajoute même que le baptême remet les péchés personnels, et le lavement des pieds les péchés héréditaires, ce qu’on entend de la concupiscence qui provient du péché originel et qui est atténuée par ce rite religieux. Cf. Franzelin, De sacrament. in gen., Borne, 1873, p. 290-293. La coutume de laver les pieds avant ou après le baptême n’existait guère en dehors des Gaules et de Milan. On ne la suivait certainement pas à Rome. Cf. De sacrament., iii, 1, 4, 5, dans les œuvres de saint Ambroise, t. xvi, col. 432-433. Les Grecs tentèrent d’imposer le lavement des pieds comme rite obligatoire et même lui attribuèrent une efficacité sacramentelle. En 306, le concile d’Elvire, can. 48, mit l’Occident en garde contre cette exagération en prohibant le rite lui-même. Saint Augustin, Ep. lv, ad Januar., 18, 33, t. xxxiii, col. 220, atteste que, de son temps, beaucoup s’abstenaient du lavement des pieds liturgique et le combattaient, pour bien marquer qu’il ne tenait en rien au sacrement de baptême. Cf. Kraus, Hist. de l’Église, trad. Godet-Verschaffel, Paris, 1891, t. i, p. 366. Néanmoins, le rite persista dans l’Église et même s’étendit partout comme mémorial de ce que le Sauveur avait accompli le jeudi-saint et comme leçon de charité envers le prochain et surtout l’étranger. Dans le passage de sa lettre liv Ad Januar., citée plus haut, saint Augustin dit que le lavement des pieds du jeudi-saint était aussi considéré comme préparation à la communion qui allait suivre, et que, cet acte emportant la rupture du jeûne, beaucoup communiaient dès le matin de ce jour. L’évêque lui-même faisait le lavement des pieds et rappelait la leçon de charité fraternelle qui ressort de cette cérémonie. L’auteur du Sermo cxlix, 1, attribué à tort à saint Augustin, t. xxxix, col. 2035, dit que le lavement des pieds peut effacer, chez celui qui l’accomplit avec humilité et charité, même les péchés graves. En 694, un concile de Tolède, can. 3, constatant que le lavement des pieds le jeudi-saint tombait en désuétude, ordonna de le rétablir partout. Cf. Chardon, Histoire des sacrements, Paris, 1874, p. 60, 61, 140 ; Martigny, Diction. des antiq. chrétiennes, Paris, 1877, p. 3-4 ; Duchesne, Origines du culte chrétien, Paris, 1899, p. 314. Dans la liturgie romaine, cet acte liturgique prit le nom de Mandatum, premier mot d’une phrase qui résume la pensée de Notre-Seigneur à ce sujet. Joa., xiii, 34. Dans le Liber responsalis attribué à saint Grégoire le Grand, t. lxxviii, col. 848, les répons à chanter pendant la cérémonie commencent, comme dans la liturgie actuelle, par les mots : Mandatum novum do vobis. On y rappelle même le lavement des pieds du Sauveur par les larmes de Marie-Madeleine, la veille des Rameaux. Ce dernier souvenir était plus spécialement célébré, dans la province ecclésiastique de Rouen, par un lavement des pieds qui se faisait solennellement le samedi d’avant les Rameaux. Cf. t. lxxviii, col. 887. Les Ordines romani, x, 12 ; xi, 41 ; xii, 25 ; xiv, 84 ; xv, 69, t. lxxviii, col. 1013, 1041, 1074, 1207, 1311, parlent souvent du lavement des pieds fait par le pape à douze sous-diacres. À l’exemple du pape, l’empereur de Constantinpple lavait les pieds à douze pauvres le jeudi-saint. Beaucoup de princes chrétiens ont depuis agi de même. Le Mandatum se célèbre actuellement dans toutes les églises catholiques. Ce qui se chante pendant cette cérémonie rappelle d’abord l’acte accompli par le Sauveur la veille de sa mort, et ensuite fait ressortir d’une manière très instante la leçon de charité et d’union fraternelle qui en découle. Cf. Missal. roman., In Cœn. Dont.

H. Lesêtre.

LAVER (SE) LES MAINS (hébreu : šâlaf yâdâv ; Septante : τὰς χεῖρας νίπτειν ; Vulgate : lavare manus suas), se passer les mains à l’eau pour les nettoyer.

1° Dans l’Ancien Testament, cet acte est prescrit en quelques circonstances. Aaron et ses fils, par conséquent les prêtres leurs successeurs, doivent se laver les mains avant de remplir leur office dans le sanctuaire. Exod., xxx, 19, 21. Ce soin leur est même prescrit sous peine de : mort. Le Seigneur y attachait donc grande importance, moins sans doute à raison de la pureté extérieure que de la pureté intérieure signifiée par la première. Exod., xl, 29. Cf. I Tim., ii, 8. Tout homme touché par un autre homme atteint d’impureté devait se laver les mains, sous peine d’avoir à laver ses vêtements, à se laver lui-même et à rester impur jusqu’au soir. Lev., xv, 11. De ses mains non lavées la souillure pouvait en effet passer à ses vêtements et à toute sa personne. Dans le cas où un homicide avait été commis par un inconnu, les anciens de la localité la plus voisine devaient immoler une génisse dans des conditions déterminées, et se laver les mains au-dessus d’elle en disant : « Nos mains n’ont point répandu ce sang. » Deut., xxi, 6, 7. Voir Homicide, t. iii, col. 742. C’était une manière de se déclarer pur du meurtre. Cette action symbolique entra dans les usages du peuple hébreu. Se laver les mains constituait en certains cas une protestation d’innocence. Ps. xxvi (xxv), 6 ; lxxiii (lxii), 13. Bien que la signification d’un tel acte soit naturelle et que d’autres peuples l’aient employé parfois dans des circonstances analogues, c’est très vraisemblablement à l’usage juif que Pilate se réfère, quand il se lave les mains devant le peuplé et dit : « Je suis innocent du sang de ce juste. » Matth., xxvii, 24. La formule dont il se sert ressemble trop à celle du Deutéronome pour que le procurateur n’ait pas eu l’intention de suivre ici le rite mosaïque, qu’il avait dû voir souvent pratiqué par ses administrés.

2° Dans le Nouveau Testament, l’usage de se laver les mains avant le repas apparaît revêtu d’une importance extraordinaire aux yeux des Juifs. Un jour, des pharisiens et des scribes s’aperçoivent que les disciples de Notre-Seigneur s’abstiennent de se laver les mains avant de prendre leur nourriture. « Car les pharisiens et tous les Juifs ne mangent pas sans s’être lavé les mains, conformément à la tradition des anciens ; et, quand ils viennent du dehors, ils ne mangent qu’après des ablutions. » Ils s’adressent donc à Notre-Seigneur et lui disent : « Pourquoi vos disciples transgressent-ils la tradition des anciens ? En effet, ils ne lavent pas leurs mains pour manger leur pain. » Matth., xv, 1, 2 ; Marc, vii, 1-4. Une autre fois, un pharisien qui reçoit chez lui le Sauveur s’étonne qu’il ne se soumette à aucune ablution avant le repas. Luc, xi, 38. Pour prescrire cette formalité, les docteurs juifs s’appuyaient sur le texte du Lévitique, xv, 11, qui vise un cas tout particulier. Tout le traité talmudique Yadaim est consacré à expliquer la manière de se laver les mains. Le Talmud comprend plus de six cents ordonnances à ce sujet. Négliger l’ablution des mains, c’était encourir l’excommunication et la lapidation. Babyl. Berachoth, 46, 2. Si peu qu’on eût d’eau pour se désaltérer, il fallait en garder une partie pour se laver les mains. Le rabbin Akiba aima mieux mourir de soif que de se dispenser de l’ablution traditionnelle. Des démons particuliers nuisaient aux transgresseurs de ce devoir, etc. Cf. Yadaim, i, 1-5 ; ii, 3 ; Berachoth, viii, 2-4 ; Chagiga, ii, 56 ; Eduioth, iii, 2 ; Taanith, xx, 2; Schürer, Geschichte des jüdischen Volkes ira Zeilalt. J. C., Leipzig, t. ii, 1898, p. 482-483. On comprend qu’il soit bon de se laver