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NABUGHODONOSOR


Les parties septentrionale et orientale de l’empire ninivite étaient échues à Cyaxare, roi des Mèdes, qui avait coopéré à la destruction de l’empire assyrien. Sa puissance était redoutable, et Nabuchodonosor avait épousé sa fille. La paix fut donc ininterrompue de ce côté. Les seules complications devaient venir de l’ouest où, sous l’action incessante de l’Egypte, avide de ressaisir son ancienne influence en Asie et de s’en faire un rempart contre les empires mésopotamiens, toutes les nations palestiniennes éprouvaient de continuelles velléités d’indépendance. La Judée était particulièrement le théâtre de toutes ces luttes : les prophètes continuaient à prêcher la subordination envers Babylone comme ils l’avaient prêchée envers l’Assyrie : mais la cour et le peuple subissaient toujours l’attraction égyptienne, quoique le Pharaon eût coutume de ne donner à ses alliés qu’un secours peu énergique et généralement trop tardif, restant toujours le « le roseau sur lequel on ne peut s’appuyer sans se déchirer la main ». Is., xxxvi, 6.

Jçakim ne tarda pas à en faire l’expérience : deux ou trois ans après sa première soumission, la huitième année de son règne, il essaya de secouer le joug. Nabuchodonosor, à cause de l’i mportance de la Palestine dans la lutte séculaire entre la Mésopotamie et l’Egypte, vint en personne rétablir son autorité (601). IV Reg., xxiv, 1-2. Joakim n’opposa pas sans doute grande résistance, et Nabuchodonosor lui laissa le trône, se contentant probablement d’alourdir son tribut annuel. Malheureusement trois ans plus tard, la onzième année de son régne, Joakim céda encore aux mêmes influences, et comptant sur le secours de l’Egypte et d’Ithobal, roi de Tyr, secoua le joug babylonien ; Nabuchodonosor reparut, et les Juifs se préparèrent à soutenir le siège de Jérusalem, mais Joakim mourut avant ou pendant les opérations. Le livre des Rois ne donne sur sa fin aucun détail ; les Paralipomènes disent qu’il fut chargé de chaînes par Nabuchodonosor qui voulait cette fois l’envoyer prisonnier à Babylone : la Vulgate et les Septante insinuent que la volonté du monarque babylonien fut réalisée, ce qui ne cadre pas avec le récit de sa sépulture hors de Jérusalem. Jer., xxii, 19 ; IV Reg., xxiv, 6. Josèphe enfin nous donne une dernière version d’après laquelle ce prince aurait reçu Nabuchodonosor sans résistance, mais celui-ci l’aurait fait mettre à mort avec les principaux de ses sujets. On se demande si Josèphe, à l’occasion de quelques erreurs ou variantes numériques du texte sacré, n’a pas multiplié plus que de raison les interventions des Babyloniens en Palestine ; en tout cas le récit de IV Reg., xxiv, 1-6, paraît beaucoup plus simple. — Joachin^Jéchonias, son fils, lui succéda et soutint le siège trois mois encore ; après quoi, jugeant toute résistance impossible, il se rendit à Nabuchodonosor avec sa mère et toute sa cour. Celui-ci l’envoya, avec dix mille de ses sujets, en captivité à Babylone, mais sans lui infliger aucun mauvais traitement ni détruire Jérusalem (597). Il lui donna pour successeur son oncle Mathanias, fils de Josias, dont le nom fut changé en Sédécias. Durant cette nouvelle crise, l’Egypte n’avait donné aucun secours à Juda. Sédécias, qui devait son trône au vainqueur, et que Jérémie exhortait à la soumission, garda longtemps fidélité à son suzerain, mais il finit, après une dizaine d’années, par céder à l’influence du parti égyptien. En Egypte régnait alors Éphrée, Ouakab-Hd, voir t. H, col. 1882, l’armée avait été renforcée et aguerrie par plusieurs campagnes en Afrique, l’occasion parut favorable, Juda, Tyr et les Ammonites secouèrent le joug. Nabuchodonosor revint de nouveau à la tête d’une armée nombreuse composée de Babyloniens, de Chaldéens et des contingents des royaumes tributaires, et pour empêcher la jonction des coalisés, se résolut à faire bloquer Tyr d’un côté, et de l’autre à faire assiéger Jérusalem par

ses généraux, lui-même restant au nord, à Riblah (Reblatah ) sur l’Oronte au pays d’Hamath, afin de surveiller les opérations et de se porter où sa présence pourrait devenir nécessaire. L’armée babylonienne commença par dévaster toute la Palestine, puis vint mettre le siège devant Jérusalem. Cette fois l’Egypte donna signe de vie : Éphrée apparut aux environs de Gaza. Mais cette diversion, qui ranima un instant les espérances des assiégés, n’eut pas grand succès : les Chaldéens se hâtèrent d’aller à sa rencontre ; et de gré ou de force, contraint par une défaite ou par la seule disproportion de ses forces, Éphrée comme l’avait annoncé Jéré mie, rebroussa chemin et rentra en Egypte. Le siège fut alors mené avec une nouvelle vigueur, à laquelle les Juifs opposèrent une résistance héroïque : malgré la maladie et la famine, ils tinrent bon pendant un an et demi, après quoi, Je onzième mois delà onzième année de Sédécias, les Chaldéens pratiquèrent une large brèche dans les murailles et se rendirent maîtres de la ville (587). Quant au roi, il cherchait à s’évader avec quelques troupes à la faveur de la nuit, lorsqu’il fut arrêté dane sa fuite aux environs de Jéricho, et emmené à Riblah, où Nabuchodonosor prononça sur son sort et sur celui de Jérusalem : il fit égorger les fils de Sédécias, puis crever les yeux à ce dernier et l’envoya dans les prisons de Babylone. Quant à la ville, elle fut brûlée et rasée, ses richesses et celles du Temple furent dirigées vers Babylone, les habitants furent emmenés en captivité, on n’y laissa que les pauvres et les cultivateurs, sous le gouvernement de Godolias, fils d’Ahicam et ami de Jérémie.

Quant au siège de Tyr, il traîna en longueur : pour plus de facilité, les Chaldéens l’avaient rattachée au continent par une digue, mais ils furent impuissants à la bloquer totalement du côté de la mer : de sorte qu’après treize années, Ithobal III se décida à traiter et à reconnaître la suzeraineté de Nabuchodonosor ; à ce prix les Babyloniens se retirèrent, et lui conserva son trône. Ézéchiel, xxix, 18-20, nous atteste que cette suzeraineté fut assez précaire en réalité.

La chute de Jérusalem et le blocus, puis la soumission de Tyr, laissaient à Nabuchodonosor la voie libre pour aller attaquer l’Egypte ; c’était une vengeance nécessaire, en même temps que l’unique moyen d’avoir une paix définitive de la Méditerranée à la vallée du Jourdain ; de plus Babylone, héritière de Ninive, devait revendiquer la domination que cette dernière avait fini par s’arroger sur la vallée du Nil. Le fait de la conquête de l’Egypte par Nabuchodonosor, prophétisé par Jérérémie et Ézéchiel, est indéniable : outre l’accord de Bérose, Mégasthène et Josèphe, nous possédons une inscription, malheureusement très mutilée, dans laquelle Nabuchodonosor racontait l’invasion de l’Egypte, la défaite du pharaon A-mâ-m, Ahmès=Amasis II, et son retour avec les dépouilles ou le tribut de l’Egypte ( ?) et plaçait cette campagne la trente-septième année de son règne, vers 568. Il semble même que cette invasion n’ait pas été la seule : une autre l’aurait précédée sous Oua/ta6-.Râ=Apriès = Éphrée, prédécesseur d’Amasis II, si toutefois l’on peut appliquer aux Babyloniens la désignation d’Amu et de Schasu de l’inscription funéraire de Nes-Hor, lequel, étant gouverneur d’Éléphantine, protégea contre eux la Haute-Egypte et la Nubie. Paul Pierret, Records of the Peut, I™ sér., t. vi, p. 79-84. A rencontre de Wiedemann, Brugsch, Maspero’ne voient dans ce texte qu’une répression des auxiliaires révoltés : on sait que l’armée égyptienne renfermait alors des Grecs et des Sémites. D’après Josèphe, une première invasion de l’Egypte aurait eu lieu quatre ans après la reddition de Tyr, la vingt-troisième année de Nabuchodonosor, c’est même le monarque babylonien qui aurait ôté la couronne à Apriès et l’aurait donnée à Ahmès. À la vérité, Hérodote, ii, 162, édit. Didot, p. 126