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    1. MYTHIQUE##

MYTHIQUE (SENS)

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ses discours ; il leur a fait toucher ses plaies de la main, et il a pris de la nourriture avec eux. Quel parti pris étrange que d’éliminer tous ces traits, précisément parce qu’ils accusent l’objectivité des visions ! —Il est très vrai que les impressions sensibles, perçues par les témoins, ne pouvaient correspondre adéquatement aux réalités surnaturelles du corps ressuscité de Jésus ; mais cela n’empêche point ces impressions d’avoir été réelles et objectives. Elles ont dû être provoquées véritablement par le corps glorieux du Christ, bien que ce corps n’ait pu leur apparaître selon les pleines réalités de sa gloire, mais seulement dans une condition appropriée aux exigences de leurs sens naturels. — Enfin, la découverte du tombeau vide confirme elle-même la réalité de la résurrection corporelle de Jésus, et par conséquent l’objeclivité de ses apparitions : étant données, en effet, les circonstances, la disparition du corps du Sauveur ne saurait avoir d’explication raisonnable que par le fait de la résurrection corporelle.

6° Influence des mythes païens. — Si nous étudions maintenant les rapprochements suggérés entre certains faits évangéliques et les mythes religieux de l’antiquité païenne, nous voyons qu’ils ressemblent souvent à des jeux d’imagination ou à des combinaisons arbitraires ; d’autres fois, qu’ils sont fondés sur des analogies fort simples, qui ne requièrent aucunement l’hypothèse d’une dépendance véritable ni d’un emprunt. — M. Gunkel esquisse un tableau du syncrétisme religieux qui aurait eu cours en Orient antérieurement à l’ère chrétienne et il y place l’idée de la conception virginale du Messie. Mais, oulre que cette dernière idée pourrait fort bien être dérivée de la prophétie d’Isaïe. et que cela ne serait pas pour nuire le inoins du monde à la réalité du fait historique par rapport au Sauveur, il faut bien dire que M. Gunkel emprunte les traits de son tableau, non à des documents purs de toute influence chrétienne, mais aux écrits de la gnose, si largement pénétrés par le christianisme. Sa conjecture semble donc pécher par la base. — Que la naissance de Jésus ait été rapportée au 25 décembre parce que les nouveaux convertis auraient eu coutume de fêter au solstice d’hiver le soleil renaissant, que pareillement le jour du Seigneur ait été fixé au dimanche, pour remplacer ce jour-là le culte du soleil, ce sont des choses qui a priori peuvent paraître vraisemblables : l’Église primitive aurait fort bien pu substituer aux anciens cultes solaires le culte du Christ, vraie lumière du monde. Ce qui néanmoins fait suspecter même ces simples rapprochements, c’est que la résurrection du dhrist se trouve également placée vers la Pâque, donc vers l’équinoxe du printemps : or, cette circonstance n’a évidemment pas le moindre rapport, au point de vue de l’histoire, avec le mythe solaire. De même, la fixation du jour du Seigneur au dimanche semble historiquement motivée par ce fait que la résurrection eut lieu le lendemain du sabbat. Le rattachement même de la résurrection au lendemain du sabbat ne paraît inspirée en aucune façon par le mythe solaire : on ne saurait voir, en effet, dans les jours écoulés entre la mort et la résurrection les trois mois et demi de l’hiver, ni les trois mois qui séparent l’équinoxe d’hiver de l’équinoxe du printemps, puisqu’il n’est question ni de trois jours et demi, ni de trois jours pleins. — Pour consentir à voir dans le Christ un reflet du dieu solaire Mardouk, dans les douze Apôtres une allusion aux douze signes du zodiaque, dans la mère du Sauveur un souvenir d’Istar, il faudrait avoir oublié que J.-B. Pérès, Comme quoi Napoléon n’a jamais existé, 1827, a clairement démontré que Napoléon n’est pas autre qu’Apollon, le dieu du soleil ; que sa mère Letitia est Latone ; ses trois sœurs, les trois Grâces ; ses quatre frères, les quatre saisons de l’année ; ses douze maréchaux, les douze signes du zodiaque ; que le brillant début de son règne par la campagne d’Egypte et sa fin lamentable par l’exil de Sainte-Hélène, après

douze ans, représentent la marche du soleil, qui se lève à l’Orient, pour disparaître dans les mers d’Occident, après les douze heures du jour, pendant lesquelles il brille à l’horizon. — Enfin, les rapprochements entre les récits de l’enfance de Jésus et les légendes bouddhiques ne laissent pas d’être fort suspects. Les écrits bouddhiques sont loin d’avoir une histoire littéraire ^ussi assurée que nos Évangiles ; leur première origine fût-elle ancienne, les manuscrits que nous en possédons sont d’époque relativement récente ; il est difficile d’en contrôler l’état antérieur ; bien des légendes ont pu être introduites, ou fortement remaniées, sous l’influence du christianisme, prêché de bonne heure en Orient. D’ailleurs, beaucoup de ces analogies avec les légendes bouddhiques, comme avec les légendes persanes et autres, sont purement extérieures et de surface ; elles n’impliquent aucunement une dépendance mutuelle, se trouvant en quelque sorte dans l’ordre ordinaire et naturel des choses.

7° Le quatrième Évangile. — L’interprétation proposée, touchant le quatrième Évangile, semble se rapporter beaucoup plus à la question du symbolisme qu’à la question du mythe. Cependant, à cause de l’analogie, relevée par Strauss lui-même, nous ne pouvons nous dispenser d’en dire un mot. La théorie de MM. Hollzmann et Héville, adoptée dans son sens le plus absolu par M. Loisy, Le quatrième uvangïte, Paris, 1903, paraît fondée principalement sur l’esprit de système. — Parmi les sentences du Christ johannique, il en est plusieurs qui ont une signification nettement symbolique : telles les sentences sur le corps de Jésus considéré comme temple, ii, 19, sur la nourriture spirituelle, iv, 82, et vi, 32, la moisson des âmes, iv, 35, le sommeil de la mort, xi, 11. Or, il est très remarquable que l’Évangéliste lui-même prend soin de signaler la portée figurative de chacune de ces sentences, ou bien la fait marquer très clairement par Jésus. Cela semble d’abord indiquer qu’il n’y a pas lieu de chercher de l’allégorie dans les autres endroits où l’auteur n’en signale pas, et où de fait on ne voit pas clairement qu’il en existe. À coup sûr, cela garantit bien qu’il n’a point songé à dissimuler partout dans son écrit un symbolisme profond, dont « un petit groupe d’initiés s seul aurait eu la clef à l’origine, Loisy, op. cit., p. 95, 131, et que les critiques du xxe siècle n’arriveraient à découvrir qu’à grand effort. Il n’est pas moins significatif, d’autre part, que ces sentences, proposées comme figuratives, ont précisément dans les Synoptiques leur analogue, sinon leur parallèle. Cf. Joa., ii, 19, et Marc, xix, 58 ; Matth., xii, 6 ; Joa., iv, 32, etMatth., iv, ’4, xvi, 6 ; Joa., iv, 35, et Luc, x, 32 ; Joa., xi, 11, et Marc, v, 39. — Si l’on veut maintenant vérifier sur les récits mêmes le principe du symbolisme, il est intéressant de s’adresser tout d’abord aux passages que le quatrième Évangile a en commun avec les trois premiers. Or, il suffit de soumettre à cet examen les récits de la multiplication des pains, de la marche sur les eaux, de l’onction de Béthanie, pour se rendre compte, premièrement, que saint Jean ne peut dépendre simplement des Synoptiques, mais représente plutôt une tradition parallèle ; secondement, qu’il n’en exploite pas du tout les données selon les principes de l’allégorie, les divergences qu’il présente avec eux, additions, omissions, modifications de détails, ne s’expliquant absolument pas par l’intention symbolique. — Que l’on lasse également la comparaison au point de vue des personnages, on ne voit pas que ceux du quatrième Évangile soient des types symboliques plus que les autres. Dans saint Jean, pas plus que dans les Synoptiques, la mère de Jésus n’est figure de « la synagogue » ou de « la communauté d’Israël », Loisy, op. cit., p. 125, 275, etc. ; ni les frères du Sauveur, « figures du judaïsme, s p. 101, etc. ; ni Jean-Baptiste, symbole de l’ancienne alliance, p. 81 ; ni saint Pierre,