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MYTHIQUE (SENS)


celui de la naissance virginale ». La génération diyine, supposée d’abord réalisée au baptême, fut reportée à l’origine de sa vie ; on s’imagina que Jésus avait dû être Fils de Dieu dès sa naissance, donc qu’il avait dû naître, non d’un homme, mais de Dieu. D’après M. Schmidt, « cette conception mythique, qui se trouvait largement répandue dans l’antiquité, semblé être une tradition tardive, formée dans l’Église chrétienne de la gentilité. »

6) D’après H. Vsener. — Un autre critique allemand, collaborateur de YEncyclopsedia biblica, H. Usener, art. Nativity, § 14-20, t. iii, col. 3348-3352 ; cf. Id., Religionsgeschichlliche Untersuchungen, 1889, p. 69 sq. ; i, Dos Weihnachtsfest, expose la même idée sous une forme plus complète : « Les plus anciennes rédactions évangéliques, dit-il, connaissaient seulement Jésus comme né à Nazareth, de Joseph et de Marie. Mais elles enseignaient aussi qu’il était le Messie prédit par les prophètes ; » ce fut « le germe qui devait donner naissance au dogme de la divinité du Chrisi, et même à celui de la préexistence du Fils de Dieu ». D’après la croyance juive, « le Messie devait être un descendant de David et l’élu de Dieu. De ce principe découla peu à peu, comme une première et inévitable conséquence, que Jésus avait dû avoir pour père un descendant de David et qu’il avait dû naître à Béthléhem. Une deuxième Conséquence nécessaire fut que l’élu de Dieu devait être mis en relation étroite avec Dieu ; il était né et avait grandi comme homme : il fallait donc une consécration divine qui l’eût investi de son office de Messie ; de là le baptême au Jourdain. » Cependant, « l’idée de la divinité gagnait toujours du terrain, il devint de plus en plus impossible de retarder jusqu’à sa trentième année son adoption comme Fils de Dieu ; on sentit qu’il avait dû être dès sa naissance l’instrument choisi du ciel. Ainsi naquit l’histoire de la nativité. »

La première forme de ce récit ne contenait pas l’idée de la naissance surnaturelle : Jésus y était présenté comme le premier né de Joseph et de Marie, investi dès sa naissance de la vocation messianique. C’était une « représentation purement judéo-chrétienne de la naissance du Messie ». On retrouve cette forme primitive du mythe dans le chapitre I er de Luc, si l’on a soin d’en enlever les versets 34-35, qui renferment l’idée de la virginité de Marie, cf. J. Hillmann, Die Kindheitsgeschichte Jesu nach Luc, dans les Jahrbùclier fur protestantliche Théologie, 1891, p. 231 sq., et qui sont probablement un emprunt à la tradition de Matthieu. Cf. A. Harnack, Zu Luc, i, 34 f., dans la Zeitschrift fur die Neutest. Wissenschaft, 1901, p. 53 sq.

Une deuxième forme élaborée dans les milieux païens, fit valoir l’idée de la conception virginale. D’après Usener, c’est cette deuxième forme que reproduit directement l’Évangile de saint Matthieu. « Cette narration, dit-il, est entièrement dominée par l’idée que Jésus a été conçu par la vertu de l’Esprit Saint dans le sein de la vierge Marie. » « Ici nous entrons sûrement dans un cercle d’idées païennes. » Le thème général a élé illustré par les épisode de l’étoile, des mages, du massacre des Innocents, et « la broderie vient de la même source que la chaîne et la trame ». « À toute l’histoire de la naissance et de l’enfance, et pour chacun des détails que rapporte Matthieu, on peut trouver un substratum païen. L’histoire a donc dû se former dans les cercles chrétiens de la gentilité, probablement dans ceux de la province d’Asie. » Et c’est ainsi que le récit de la naissance de Jésus « a été mis en rapport avec les demandes de la foi ». Cf. P. W. Schmiedel, art. Mary, % 11-16 ; ïbid., t. iii, col. 2960-2964 ; H. J. Holtzmann, Lehrbuch der Neutest. Théologie, Fribourgen-B. , 1897, t. i, p. 414 sq.

c) D’après A. Réville. — Cette interprétation donnée aux premiers chapitres de saint Matthieu et de saint

Luc n’est bien, sous une forme d’apparence plus critique, que l’interprétation mythique mise en avant par Strauss. A. Réville, Jésus de Nazareth, Paris, 1897, t. i, p. 365, l’exprime nettement, lorsqu’il résume ainsi sa pensée : « Il nous paraît certain que les récits, conservés dans les évangiles de Luc et de Matthieu, concernant la naissance de Jésus, rentrent à peu de chose près dans la catégorie de ces traditions légendaires où les idées qu’on veut exprimer tiennent plus de place que la réalité des faits racontés. » Cf. p. 386. — L’explication que donne ce dernier critique du récit de la fuite en Egypte est particulièrement dans la manière de Strauss. « Son séjour en Egypte, dit-il, p. 402, fait partie, avec la visite des mages, d’une légende inspirée par le genre d’universalisme qui s’accorde avec le point de vue judéo-chrétien. » Ce que nous exprimerions en disant : « L’Évangile fut porté en Egypte dès les premières années de la période apostolique, » se serait traduit dans l’esprit et le langage de la légende mythique sous cette forme : « le Christ dès les premiers jours fut porté en Egypte, » p. 400 ; « les mages, représentants du monde païen, ont reconnu la royauté sur le monde entier du Messie juif. » P. 396.

d) D’après O. Holtzmann. — O. Holtzmann, Leben Jesu, Fribourg-en-B., 1901, p. 68, note 1, résume tout ce point de vue mythique dans cette conclusion : « Le charme de ces histoires de la Nativité ne dépend pas de leur vérité historique, mais de leur signification intérieure : elles expriment la joie du monde divin aux approches du salut de l’humanité ; l’attente du Rédempteur, l’hommage des grands de la terre à celui qui, étant dans la pauvreté, leur octroie à tous la vraie richesse ; la protection de Dieu à l’égard du Saint que le monde cherche à faire périr. Puisque toutes ces idées sont vraies, nous ne sommes pas obligés de déclarer ces récits faux, alors même qu’ils sont, historiquement parlant, non conformes à la réalité. »

B) Récits de la Tentation. — C’est encore dans le mythe que M. Réville, op. cit., t. ii, p. 19, cherche l’explication de la tentation du Christ au désert. « Nous n’avons incontestablement ici, dit-il, que le développement mythique d’un fait historique. La paradosis a fait rentrer dans cette retraite au désert les combats intérieurs qui se livrèrent dans l’âme de Jésus, à plusieurs reprises, avant et pendant le cours de son action publique. » « Le chiffre précis de quarante jours semble typique, en rapport avec les quarante ans de séjour du peuple d’Israël dans le désert. » P. 13. « Les bêtes sauvages sont les passions dévorantes qui déchaînent les révolutions violentes ; les anges conseillent et donnent les armes pures de la persuasion et de l’appel aux consciences. Selon cette explication que nous croyons vraie, il y a déjà quelque chose de mythique dans la brève et mystérieuse description du second Évangile. » P. 14.

C) Déclarations messianiques et prédictions de la Passion. — D’après W. Wrede, Dos Messiasgeheimnis in den Evangelien, Gœttingue, 1901, il faudrait aussi attribuer au travail de la pensée chrétienne sous les influences de la foi, en d’autres termes, au mythe, les prophéties qui sont prêtées à Jésus touchant sa mort et sa résurrection, et même les déclarations de sa qualité de Messie qui se trouvent placées dans sa bouche ou sont censées lui être adressées par les démons ou ses disciples. — Jésus, de son vivant, ne se serait aucunement donné pour le Messie, et il n’aurait nullement prédit ni sans doute prévu sa mort tragique. Après sa mort, ses disciples, ayant acquis l’assurance qu’il était ressuscité, de quelque manière que se soit formée leur conviction sur ce point, furent persuadés qu’il était devenu Christ par cette résurrection. Étant le Messie depuis sa résurrection, il leur parut qu’il avait dû être, pendant sa vie, un Messie en expectative, caché et ignoré. De là ce mélange de lumière et d’obscurité, de publicité et de réserve, avec lequel la tradition postérieure finit