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MORTE (MER)


se trouvent les sources thermales de Callirrkoé (voir Calurrhoé, t. ii, col. 69), Youadi Anazëh, Voiiadi Ghuéir. Enfin l’embouchure du Jourdain est située à peu près au milieu de la haie septentrionale, penchant du côté de l’est. La mer Morte reçoit ainsi toutes les eaux d’une région considérable ; son hassin présente un développement de 360 kilomètres dans sa longueur, avec une largeur qui va jusqu’à 100 kilomètres. Sur le pourtour de la mer Morte, voir 0. Kersten, Umwanderung des Todten Meeres, dans la Zeitschrift des Deutschen Palàstina Vereins, Leipzig, t. ii, 1879, p. 201-244.

3° Dépression. — Le niveau de la mer Morte, avons-nous dit, est de 392 à 393 mètres au-dessous dn niveau de la Méditerranée et de la mer Rouge. Ce phénomène géologique, unique au monde, n’avait été soupçonné ni par les anciens ni par les modernes jusqu’en 1837. Au commencement du xix « siècle, en 1806, Seetzen, explorant à l’ouest et à l’est les bords du lac, disait qu’il serait intéressant de savoir la hauteur de sa surface au-dessus de la Méditerranée. Cf. U. J. Seetzen, Reisen durch Syrien, Palàstina, édit., Fr. Kruse, Berlin, 1854, t. i, p. 425. Le premier, il a tracé une assez bonne esquisse de la carte. Voir le même ouvrage, à la fin du tome iv, la carte n° 2. Mais il n’a eu une connaissance exacte ni des dimensions de la mer, dont il exagère la largeur, ni de la forme de la Lisân, ni à plusforte raison de la profondeur des eaux. C’est H. Schubert, Reise in das Morgenland, Erlangen, 1840, t. iii, p. 87, qui, en 1837, a fourni la première indication de l’énorme enfoncement de la vallée en cet endroit. « Nous ne fûmes pas peu étonnés, dit-il, lorsque, déjà près de Jéricho, et encore plus sur les bords de la mer Morte, nous vîmes le vifargent de notre baromètre, qui n’était pas construit pour une pareille pression, dépasser de beaucoup la limite de l’échelle graduée. Nous fûmes obligés d’évaluer à vue d’œil la hauteur de la colonne de mercure ; et bien que nous eussions fait cette estime aussi juste que possible, à cause du résultat si inattendu qui en ressortait, la dépression de la mer Morte au-dessous du niveau de la Méditerranée se trouva cependant être au moins de 598 pieds et demi, ou, en chiffres ronds, 600 pieds français, c’est-à-dire environ 640 pieds anglais (195 mètres). Nous cherchâmes par tous les moyens imaginables à infirmer ce résultat. Nous voulûmes l’expliquer d’abord par une perturbation atmosphérique le jour de notre observation ; mais le violent orage de la veille aurait fait baisser plutôt que monter la colonne. Nous rejetâmes ensuite la prétendue faute sur le dérangement de notre baromètre lui-même, qui avait supporté tant d’épreuves ; mais pendant notre retour à Jérusalem, le mercure revint à la même hauteur moyenne qu’avant notre départ pour Jéricho. Ce n’est qu’après mon retour en Bavière et avec bien de l’hésitation, que j’osai rendre publique une mesure qui bouleversait tant les idées reçues… À peine cette publication était-elle faite, que la dépression extraordinaire de la mer Morte se trouva confirmée, d’abord par M. Beek, puis par M. Bussegger et d’autres observateurs ; et notre appréciation même, donnée avec tant de réserve, resta alors beaucoup au-dessous des autres. » En cette même année 1837, MM. Moore et Beek purent faire en bateau, pendant deux semaines, quelques expériences sur le lac. Ils arrivèrent au même résultat que Schubert, en ce qui concerne la dépression bien déterminée, mais la nature très peu certaine de leur moyen d’observation, l’ébullition de l’eau, ne leur donna qu’un chiffre même inférieur à celui de l’explorateur bavarois, c’est-à dire environ 500 pieds aoglais, équivalant à 152 mètres, soit 240 mètres de moins que le chiffre vrai. Un an plus tard, 1838, M. le comte de Bertou, doutant encore de la réalité du fait, de l’exactitude dçs chiffres que lui avait communiqués M. Moore, vint chercher sur les lieux mêmes la solution du problème. Les résultats barométriques qu’il obtint à Jéricho

et à la mer Morte lui causèrent la plus grande surprise. « J’étais préparé, dit-il, à reconnaître une dépression assez considérable ; mais j’étais loin de penser qu’elle pût être de 273 mètres dans la première localité et do 406 mètres dans la seconde. Je fus donc conduit à penser que les différences de niveau n’étaient pas les seules causes qui agissaient sur la colonne de mercure, et que peut-être les circonstances atmosphériques, modifiées par d’abondantes évaporations, pouvaient y jouer un rôle important. De retour à Jérusalem, je pus me convaincre que mon baromètre n’avait pas cessé d’être exact, car le mercure y reprit le niveau auquel il s’était maintenu avant que je l’eusse transporté à la mer Morte, et je savais que ce niveau différait peu de celui que d’autres voyageurs avaient remarqué précédemment. » Cf. Bulletin de la Société de Géographie, Paris, octobre 1839, p. 113 ; tirage à part, p. 6. M. de Bertou contrôla, l’année suivante, ce premier nivellement par une seconde opération, qui l’amena à la même conclusion, avec une légère exagération du chiffre, 419 mètres. En regard des évaluations données par les explorateurs plus récents, dans des conditions d’exactitude bien supérieures, celles du savant français ne gardent plus qu’une valeur historique. Les observations barométriques du lieutenant Lynch, de la marine des États-Unis, en 1848, donnèrent 401 mètres 15. M. Vignes, de l’expédition du duc de Lujnes en 1864, après des expériences faites à Jaffa, au bord de la mer, à Jérusalem et à Ain Feschhhah, au bord de la mer Morte, conclut au chiffre de 392 mètres. Cf. Duc de Luynes, Voyage d’exploration à la mer Morte, Paris, t. ii, p. 4. Enfin, peu après, le capitaine Wilson et les officiers de YOrdnance Survey, par une suite de nivellements géodésiques de la Méditerranée à Jérusalem et de Jérusalem à la mer Morte, fixaient le niveau à 1292 pieds anglais, ou 393 mètres. Cf. Survey of Western Palestine, Mernoirs, Londres, 1881, carte, 1. i, p. 23.

4° Niveau. — Il est clair que ce niveau n’est pas invariable. Nous verrons plus tard ce qu’il fut dans les temps préhistoriques et historiques. Aujourd’hui ses variations dépendent des saisons pluvieuses ou sèches. Comme la mer Morte n’a pas d’issue, il n’est autre chose que la balance qui s’établit entre la quantité d’eau déversée et la quantité d’évaporation. Or, le Jourdain, à lui seul, verse journellement dans ce bassin, au moins à certaines époques de l’année, 6 500 000 tonnes d’eau. Ajoutons à cela un volume à peu près égal fourni par tous les torrents réunis qui y aboutissent de l’ouest, du sud et de l’est, et nous aurons ainsi douze ou treize millions de tonnes d’eau qui y arrivent chaque jour. D’autre part, la chaleur intense qui règne, en été, dans cette profonde dépression, fermée à l’est et à l’ouest par de hautes parois de rochers, fait du lac une sorte de chaudière dont l’évaporation est extrêmement puissante. Lorsque, à certains moments, on l’observe des hauteurs de Bethléhem et de Jérusalem, on voit pendant le jour d’immenses masses de vapeurs blanchâtres s’en dégager continuellement et se dissoudre lorsqu’elles sont arrivées dans l’atmosphère sèche des régions supérieures. M. Lortet, La Syrie d’aujourd’hui, dans le Tour du monde, t. xliii, p. 174, estime cette évaporation à au^ moins 6500000 tonnes d’eau par jour, c’est-à-dire la quantité fournie par le Jourdain. Mais elle est naturellement moins forte en hiver, alors qu’au contraire les torrents, nourris par des pluies plus ou moins abondantes, donnent un apport plus considérable. Le niveau monte donc généralement de décembre à ami. Il baisse progressivement dans l’autre partie de l’année, où les ouadis sont presque toujours à sec et les rayons du soleil brûlants. Les anciens voyageurs ont jugé, d’après les lignes de bois flotté qu’on trouve sur le rivage, que la crue pouvait aller de quatre à six mètres. Des observations faites en ces derniers temps, au moyen