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MORALE


et à la pénitence effective, mais toujours en considération du châtiment à craindre. Il veut qu’on prie pour obtenir le pardon, et fait intervenir dans cette prière la notion déjà plus désintéressée de la gloire de Dieu : « Épargnez votre peuplé, » car les autres diraient : « Où est leur Dieu ? » Joël, II, 17 ; cf. Ps. CXV (cxm), 1, 2. De fait, il ajoute immédiatement : « Jéhovah a été ému de jalousie pour sa terre. » Joël, ii, 18. — 3. Avec Jonas s’introduit, d’une manière très concrète, cette autre idée, que Dieu s’intéresse au sort de tous les hommes et qu’il est sensible à leur repentir, quels que soient d’ailleurs leurs méfaits, leur nationalité, leur croyance. Jonas est personnellement rebelle à l’acceptation de cette idée de la pitié divine envers tous ; il faut que Dieu lui fasse sévèrement la leçon, Jon., iv, 10, 11. — 4. Amos remet en lumière la pensée déjà formulée par Samuel, 1 Reg., xv, 22, que l’obéissance ponctuelle aux préceptes liturgiques ne signifie rien et ne sauve pas du châtiment, si l’on n’y joint la pratique des vertus morales. Am., iv, 4-12 ; v, 4-6, 21-25 ; vi, 12. — 5. Osée va plus loin ; il montre que le culte lui-même est profané, spécialement par les prêtres et les chefs du peuple, qu’on ne saurait par conséquent compter sur lui pour suppléer aux vertus absentes. Ose., IV, 1-v, 12 ; vii, 3-7. Et pourtant, observe-t-il, Dieu a témoigné à son peuple un amour incomparable, Ose., XI, 1-4 ; ce peuple ne devrait-il pas comprendre l’obligation d’aimer ce Dieu qui l’a prévenu depuis Abraham et Jacob ? Ose., xii, 5-7. — G. Isaïe proclame lui aussi la supériorité de la loi morale sur la loi cérémomelle. 1s., i, 10-20. Il provoque la reconnaissance d’Israël envers un Dieu qui a tout fait pour lui. Is., v, 1-7. Tout en annonçant les châtiments prochains, il fait entrevoir le Messie futur, modèle de bonté et de justice, Is., xi.il, 1-4, sauveur de son peuple et de tous les habitants de la terre, Is., xlv, 14-25, par ses souffrances et sa mort volontaire etexpiatrice. Is., Lin, 1-12. Tel est le divin idéal placé sous les yeux d’Israël ; pour en approcher, il faut se rendre digne de la rédemption par la pénitence qui expie, par la pratique loyale de la justice et delà charité, Is., lviii, 5-7, et par cette largeur de vue qui, loin de restreindre aux seuls Israélites la possibilité du salut, l’étend à toutes les nations et à tous les hommes ; Is., lx, 4-9. Avec le grand prophète, la morale commence donc déjà à être éclairée de quelques-unes des lueurs de l’Évangile. — 7. Après avoir attiré l’attention des grands et des riches sur la responsabilité que leurs exemples pervers leur font encourir, Michée, vi, 8, reprend le thème dé ses prédécesseurs sur l’insuffisance des observances rituelles et conclut que Jébovah demande avant tout à son peuple « de pratiquer la justice, d’aimer la miséricorde et de marcher humblement avec son Dieu ». — 8. Ces prophètes ont écrit pendant la période des invasions assyriennes. Ils travaillaient à élever le niveau des idées morales, mais ne paraissent pas avoir été toujours compris. — 9. Pendant la période des invasions chaldéennes, Sophonie, ii, 3, annonce encore les châtiments, mais recommande aux humbles du pays, restés fidèles à la loi divine, de rechercher la justice et l’humilité, afin d’échapper à la colère de Jéhovah. — 10. Cependant les mœurs ne s’amendent pas. Jérémie, vii, 1-28, reproche à ses compatriotes leur vaine confiance dans leur Temple et dans leurs sacrifices. Leur grand crime est d’avoir foi en l’homme et non en Jéhovah. Jer., xvii, 5-7. Un temps viendra cependant où Dieu mettra sa loi au dedans d’eux, l’écrira sur leur cœur et sera leur Dieu comme ils seront son peuple. Jer., xxxi, 30. Ce sera le temps du Messie, par l’action duquel la morale atteindra sa perfection. Cf. II Cor., iii, 3-11. — 11. Ézéchiel, xviii, 25-29, établit cette règle que « la voie du Seigneur » procure seule la justice et la vie, même pour le pécheur, et que ce n’est pas à l’homme à opposer sa prétendue rectitude à celle de Dieu. Dans sa description du royaume

messianique, il montre Dieu paissant lui-même son troupeau avec justice, Ezech., xxxiv, 15, 16, 31, le sauvant « par pitié pour son saint nom », donnant à ses enfants un cœur nouveau et un esprit nouveau, Ezech., xxxvi, 16-27, et régnant dans la cité restaurée qui s’appellera : « Jéhovah est là. » Ezech., xlviii, 35. C’est l’annonce de la loi de grâce, qui comportera la résidence du Dieu Sauveur au milieu de son peuple et dans le cœur même de ses enfants.

6° De la captivité au dernier prophète. — 1. Au sein de la captivité, Daniel élève très haut par ses exemples l’idéal de la morale. On le voit refuser les mets de la table royale pour ne pas se souiller, Dan., i, 8, prendre en main, avec une singulière énergie, la défense de la justice, Dan., xiii, 48-62, garder fidélité à la loi de ses pères au péril de sa vie et prier trois fois le jour en se tournant vers Jérusalem. Dan., VI, 6-17, etc. Au milieu des grandeurs, le prophète reste un vrai serviteur de Jéhovah, soumis à la loi mosaïque, entendue dans son vrai sens, mais en même temps zélé pour la pratique des grandes vertus morales, charité, justice, humilité, détachement des biens de ce monde, etc. Le même idéal inspire ses trois compagnons, ainsi que Joakim et sa femme Susanne, comme il avait inspiré déjà Tobie et bien d’autres, sans doute,

— 2. Zacharie rappelle que les pratiques extérieures, comme le jeûne, n’ont de valeur morale que si elles sont accompagnées d’une vraie justice et d’une charité sincère envers tous. Zach., vii, 4-10 ; vni, 14-17, Il promet la venue de l’esprit de grâce et de supplication, et la purification des âmes que procurera le Messie, Zach., xii, 10 ; xiii, 1. —3. Enfin Malachie revient encore sur l’inutilité de rites cultuels que n’accompagne pas la pratique des grandes vertus morales ; Dieu n’en veut décidément plus, et il se prépare un sacrifice qui sera digne de lui. Mal., i, 6-14 ; III, 1-4. — 4. Ainsi tout l’effort des prophètes tend à un double but : donner aux œuvres légales et liturgiques, qui sont commandées par Dieu, la valeur qu’elles comportent en y joignant la pratique sérieuse des vertus morales, sans lesquelles rien ne peut plaire à Dieu ; puis, montrer dans le règne messianique l’idéal religieux et moral vers lequel doivent tendre les âmes.

7° Du dernier prophète à l’Évangile. — 1. Pendant le temps qui s’écoula entre le dernier prophète et la venue du Sauveur, les appels à une vie morale supérieure furent entendus par beaucoup d’Israélites, qui ne se laissèrent détourner du progrès spirituel ni par les exemples que donnaient les plus qualifiés de leurs compatriotes, ni par les séductions ouïes violences des étrangers. Dans l’Ecclésiastique, le fils de Sirach rappelait avec autorité les préceptes de la morale traditionnelle et citait en exemple les Israélites illustres qui en avaient fait la règle de leur Yie. L’auteur de la Sagesse montrait un idéal encore plus élevé, en entr’ouvrant plus largement les horizons de l’autre vie. Enfin, les Machabées, animés par le zèle de la Loi, pratiquaient certaines vertus au degré héroïque et sacrifiaient leur vie pour assurer à la fois l’indépendance de leur nation et leur liberté religieuse. Ce qui donne le mieux l’idée de ce que pouvait être la morale théorique et pratique chez les pieux Israélites des derniers temps, c’est le spectacle admirable que présentent tant de personnages qui apparaissent dans l’Evangile, après avoir été élevés sous la Loi ancienne, Zacharie et Elisabeth, Joseph, Siméon, Anne, sans parler de Marie et de Jean-Baptiste ; puis, plus tard, Nicodème, Nathanaël, Lazare et ses sœurs, et d’autres en grand nombre dont la loi de grâce perfectionna la vertu. D’Abraham et de David à Jean-Baptiste, on sent que d’énormes progrès ont été opérés, bien que l’influence évangélique en prépare de plus grands encore. — 2. D’autre part, tous les efforts des maîtres en Israël tendirent, durant cette période, à confondra