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MORALE


crimes sont commis par Siméon et Lévi, Gen., xxxiv, 25-31, et d’indignes libertés sont prises par Juda et Thamar, Gen., xxxviii, 13-26, sans que la pensée de Dieu arrive à contrebalancer l’influence de passions violentes. De plus, c’est à ces ancêtres d’un peuple à tête dure que remontent la polygamie et le divorce, dont la loi mosaïque sera obligée de tolérer l’usage.

3° Sous les Juges. — Dès l’époque des Juges, après la disparition de la génération qui avait vu les merveilles dont avait été accompagnée la conquête du pays de Chanaan, il s’éleva d’autres générations oublieuses de Jéhovah et de ses œuvres. Jud., H, 10. Les patriarches n’avaient servi que le vrai Dieu ; ils s’étaient détournés fidèlement des fausses divinités adorées par leurs ancêtres ou leurs voisins. Des Chananéens idolâtres et grossièrement immoraux, qui continuèrent à vivre au milieu d’eux, les Israélites reçurent les pires exemples ; ils ne furent que trop portés à les imiter. L’idolâtrie entra rapidement dans leurs goûts et dans leurs mœurs. Les châtiments répétés qu’elle leur attira ne les corrigèrent point. Le culte des idoles entraîna naturellement les plus lamentables conséquences pour la moralité des Israélites. Le crime de Gabaa, Jud., xix, 22-30, mit en mouvement toute la nation. Les Benjamites n’hésitèrent pas à prendre parti pour l’auteur de l’attentat, qui était de leur tribu ; les autres Israélites entrèrent en lutte contre eux et exterminèrent presque totalement la tribu. La loi de Moïse ne réussissait pas à prévenir tous les crimes ; les interventions divines elles-mêmes n’amenaient que des conversions momentanées. La conduite impie et avare des fils d’Héli et la coupable inertie de leur père montrent que, même parmi les membres les plus qualifiés du sacerdoce, la moralité était descendue à un degré inférieur. Iîteg., ii, 12-17, 22-29. Toutes ces circonstances étaient peu favorables au progrès de la morale. L’historien sacré résume cette époque en disant que « chacun faisait ce qui lui semblait bon ». Jud., xxi, 24. Ces paroles, sans doute, caractérisent l’état social. Mais on peut, au moins dans une certaine mesure, les appliquer aux mœurs, que devaient régler la loi naturelle et la loi mosaïque, mais dont aucune autorité vivante ne corrigeait efficacement les écarts et ne relevait le niveau.

4° Sous les rois. — Avec Samuel, modèle de religion et d’intégrité, I Reg., xii, 3-6, la loi morale reprit faveur en Israël. Samuel inaugurait le ministère que tant de prophètes devaient continuer après lui. Ce ministère exerça sur les mœurs d’Israël une efficace et heureuse influence, qui aurait encore été augmentée par la centralisation religieuse et administrative, si les exemples donnés par les rois n’avaient souvent produit un effet tout opposé. Samuel affirma solennellement la nécessité de l’obéissance à Jéhovah, en appuyant cette obéissance par la promesse des récompenses et l’indication des châtiments. Il prit soin que le roi ne concentrât pas dans ses mains le pouvoir politique et le pouvoir sacerdotal, ce qui eût pu mettre la morale à la merci du prince. I Reg., xiii, 13, 14. Il rappela à Saùl, en lui signifiant la sentence qui le rejetait, qu’aux yeux du Seigneur « l’obéissance vaut mieux que le sacrifice », I Reg., xv, 22, principe qui établissait péremptoirement la prééminence de la loi morale sur la loi cérémonielle. Le roi David avait certainement des idées morales très élevées, comme le prouvent beaucoup de ses Psaumes : Voir David, t. ii, col. 1323. Il n’en commit pas moins de grands crimes, sous l’empire de la passion. Il resta près d’une année entière sans prendre souci de ses forfaits. Il fallut une intervention du prophète Nathan pour qu’il se décidât à dire : « J’ai péché. >> II Reg., xi, 2-xii, 13. On doit admettre, en cette conscience royale, non l’ignorance de la loi morale, puisque David prendtoutes les précautions pour cacher sa conduite, mais une inconcevable faiblesse de volonté devant les sommations de la passion. Néanmoins, en David apparaît ce qu’on n’a pas

encore vu dans les âges précédents : un repentir profond et sincère, une émouvante expression de ce repentir dans les Psaumes, une résignation humble et constante pour accepter les épreuves qui sont la condition de l’expiation et enfin un effort énergique pour faire remonter sa vie morale au niveau qui convient. On voit que, si le mal est encore puissant, même sur les meilleures âmes, celles-ci comprennent qu’il faut s’en dégager et faire effort pour assurer en soi le triomphe de la loi, expression de la volonté divine. Sur le point de mourir, David exhorte son fils Salomon à la fidélité envers le Seigneur, mais il n’a pas d’autre motif à lui suggérer que celui de la prospérité temporelle. Puis, il lui recommande d’exercer après sa mort certaines vengeances dont lui-même a dû s’abstenir par serment. III Reg., ii, 3-9. De la part du « saint roi », instruit de son devoir, pieux, repentant, arrivé au terme d’une carrière dans laquelle l’action de Dieu avait tenu tant de place, il y a là des actes qui montrent que bien des délicatesses commandées par la morale n’étaient encore ni comprises, ni senties. Son fils, Salomon, objet de tant de faveurs singulières de la part du Seigneur, scandalise et démoralise ses sujets par son luxe et ses complaisances inexplicables envers l’idolâtrie étrangère. Après le schisme, les mœurs baissent sensiblement. La Sainte Écriture en fait porter la responsabilité aux rois impies qui ont « fait pécher Israël », Jéroboam, III Reg., xiii, 34 ; xiv, 16, etc. ; Raasa.

III Reg., xvi, 2 ; Éla, III Reg., xvi, 13 ; Zamri, III Reg., xvi, 19 ; Amri, III Reg., xvi, 26 ; Achab, III Reg., xxi, 22 ; Ochosias, III Reg., xxil, 53, et, en Juda, Manassé.

IV Reg., xvii, 21 ; xxi, 11. Sans doute, durant cette période, il ne manqua pas de vrais Israélites dont la vie eut une grande dignité morale. Chez plusieurs rois même, Josaphat, Joas, Azarias, Joatham, Ézéchias, Josias, pendant tout le cours ou la plus grande partie de leurrègne, on constate une piété et une vertu qui égalent celles de David ou ne s’en éloignent guère, sans connaître les graves écarts de ce dernier. Néanmoins, dans l’ensemble de la nation, la morale, peut-être mieux expliquée et mieux comprise, finit pourtant par être de moins en moins pratiquée.

5° Chez les prophètes. — C’est surtout dans les paroles ; et les écrits des prophètes que. l’on peut constater, durant la période royale, le mouvement progressif des idées morales chez les Hébreux. Les prophètes en sont constitués les gardiens et les promoteurs. « Empêcher la Loi de tomber dans l’oubli, en recommander sans cesse l’exacte observalion, réprimer l’idolâtrie et toutes les autres violations de la Loi, préparer ainsi Israël à la venue du Messie, qui est la fin de la Loi, telle était la mission des prophètes. Ils l’ont accomplie avec une parfaite impartialité ; n’ayant en vue que l’honneur de Dieu et le bien du peuple, ils s’adressaient aux grands et aux petits… Presque toujours ils avaient à braver l’opinion de leur temps ; mais ils étaient munis d’un courage invincible. n> J.-B. Pelt, Hist. de l’Ancien Testament, Paris, 4e édit., 1904, t. ii, p. 144. Dieu prit soin. de les envoyer aussi bien à Israël qu’à Juda.

1. Le prophète Elie, à une époque où l’idolâtrie exerce une influence prépondérante, a mission de restaurer le sentiment de la crainte de Dieu en annonçant ou en faisant exécuter les châtiments mérités. III Reg., xvii, 1 ; xviii, 40 ; IV Reg., 1, 16. En. même temps, il récompense magnifiquement la charité d’une pauvre femme du peuple, III Reg., xvii, 14, 23, et a des ménagements pour le repentir momentané d’Achab. III Reg., xxi, 29. Elisée continue le ministère d’Élie, de manière à confirmer l’idée des conséquences temporelles attachées par Dieu au bien, IV Reg., iv, 5-7, 35 ; v, 14, ou au mal. IV Reg., v, 27, etc. — 2. Les prophètes écrivains insistent également sur l’idée de la sanction temporelle qui suit le bien ou le mal, surtout quand il s’agit des nations. Joël, i, 13-15, invite les pécheurs au repentir-