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MORALE


à consacrer à Dieu et de la manière d’employer ce temps. J.e Décalogue n’est pas le seul endroit des Livres Saints où il soit question de lois naturelles. Les Livres sapientiaux en particulier les rappellent fréquemment. Job, ’xxxr, i-34, énumère différents devoirs à remplir vis-àvis de soi et vis-à-vis du prochain, la chasteté, la justice, la charité, la sincérité, etc. Les Proverbes forment un code assez détaillé de morale naturelle ; on y trouve consignés les principaux devoirs envers Dieu, envers le prochain, envers soi-même, ceux de la vie domestique et de la vie civile, les exhortations à la fuite des vices, etc. Cf. Lesêtre, Le livre des Proverbes, Paris, 1879, p. 38-44. Il en faut dire autant des Psaumes, de l’Ecclésiaste, de la Sagesse, de l’Ecclésiastique, et même des Prophètes, dans lesquels il est fait très souvent mention de préceptes de îa loi naturelle et des conséquences graves que leur violation entraîne pour les individus et pour les sociétés. En permettant que ces préceptes tiennent une si grande place dans la Sainte Écriture, Dieu a voulu montrer qu’il ne jugeait pas indigne de lui de rappeler aux hommes que ces préceptes, si simple qu’en soit parfois l’objet, ont à ses yeux une très grande importance et qu’en somme ils Constituent la base première et indispensable de toute la vie morale. Aussi, en plusieurs circonstances, les prophètes déclarent-ils que la pratique des vertus naturelles, justice, bonté envers le prochain, etc., l’emporte sur les préceptes de la morale positive. Is., lviii, 3-7 ; Ose., vi, <3 ; Eccle., iv, 17 ; Matth., rx, 13 ; xii, 7. Saint Jacques, i, 27, dira même que la vraie religion, aux yeux de Dieu, consiste à prendre soin des orphelins et des veuves, et à se préserver pur de ce monde, par conséquent à pratiquer surtout deux préceptes naturels, la charité envers les deshérités et la fuite de la corruption.

2° La morale positive. — Elle comprend des préceptes ajoutés à la loi naturelle par la libre volonté de Dieu. A vrai dire, Dieu n’a jamais laissé l’homme en face de la seule loi de la nature ; mais il a pu arriver souvent que ses préceptes positifs fussent ignorés et que leur transgression n’entrainât par conséquent qu’une responsabilité atténuée sinon nulle. Trois législations successives ont manifesté la volonté divine imposée aux hommes.

— 1. La législation primitive. Un premier précepte positit fut imposé à nos premiers parents, celui de ne pas toucher au fruit de l’arbre défendu, et ils le transgressèrent. Gen., ii, 17 ; iii, 6. Après la chute, Dieu prescrivit à Adam le travail, que la loi naturelle lui imposait déjà ; mais la volonté divine intervint à ce sujet, parce qu’au travail s’ajoutait désormais la peine, et par conséquent une certaine répugnance de la nature. Il faut également attribuer à une volonté positive de Dieu l’institution et la réglementation des sacrifices, qui apparaissent dès Gain et Abel, Gen., iv, 3, 4, ainsi que l’invocation du nom de Jéhovah, mentionnée dès l’époque d’Énos, fils de Seth. Gen., iv, 26. Au temps de Noé existe déjà la distinction des animaux purs et impurs, au point de vue des sacrifices. Gen., viii, 20. Dieu intervient après le déluge pour ordonner à Noé et à ses entants de se multiplier et de remplir la terre, leur permettre de se nourrir des animaux, et leur défendre cependant de manger la chair contenant encore le sang. Gen., ix, 1-4. Cette défense n’eut cependant pas

! e caractère de l’universalité et de la perpétuité, bien

que les Israélites l’aient observée rigoureusement et que les Apôtres en aient rappelé l’obligation. Act., xv, 29. Dieu manifesta encore ses volontés particulières à Abraham et aux patriarches, tantôt pour commander au père du peuple choisi des choses qui le concernaient personnellement et requéraient son obéissance en vertu de la loi naturelle elle-même, Gen., xii, 1 ; xxii, 2, 12, tantôt pour prescrire des institutions qui devaient s’imposer à toute sa race. Gen., xvii, 11-14. — 2. La législation, mosaïque. Ce fut celle que Dieu fit promulguer par Moïse. Elle ne concernait que le seul peuple

hébreu, quant à ses dispositions positives, et perdit son caractère d’obligation après l’accomplissement de la rédemption. Voir Loi mosaïque, col. 329-347. — 3. La législation évangélique. Promulguée parNotre-Seigneur, elle fixa la forme définitive que devait avoir la morale pour conduire l’homme au salut. Voir Loi nouvelle, col. 347-353. Cette morale comprend à la fois dçs préceptes auxquels tous sont rigoureusement tenus d’obéir sous peine de péché, voir Péché, et des conseils dont la pratique ne s’impose pas à tous, mais qui sont destinés à mener les âmes à une plus haute perfection. Voir Conseils évangéliques, t. ii, col. 922-924.

III. Le progrès des idées morales. — 1° À l’origine.

— Il ressort des premiers récits de la Genèse que la morale n’est pas le résultat d’une évolution de la conscience humaine, prenant peu à peu possession d’ellemême et s’imposant des lois d’abord rudimentaires, puis plus élevées et plus compliquées. Le premier homme apparaît au contraire comme le sujet intelligent d’un Dieu qui lui commande et qui châtie sa désobéissance, tout en lui ménageant le moyen de se relever. L’atteinte à la vie humaine, crime dont le premier fils d’Adam se rend coupable, n’a pas du tout le caractère d’un acte demi-inconscient, comme celui de la brute qui lutte pour la vie sans se soucier du droit que les autres ont à vivre eux aussi. Cf. Horace, Sat., i, iii, 99-114. Caïn homicide n’a agi qu’après délibération consciente, Gen., IV, 5-7 ; il cherche à dégager sa responsabilité en quelque manière, Gen., iv, 9, mais il se rend très bien compté de sa culpabilité et se reconnaît digne du châtiment. Gen., iv, 13, 14. Aussitôt Dieu intervient pour formuler ce principe de haute moralité, qu’à lui seul appartient l’exercice suprême de la justice, et que l’homicide commis par Caïn n’autorise personne à ravir la vie à qui que ce soit. Gen., iv, 15. Ainsi, au point de vue de la moralité, l’homme n’est pas un sauvage qui s’élève peu à peu des régions de l’inconscience et de l’irresponsabilité ; c’est un être intelligent, recevant dès le premier instant la loi de son Créateur, y contrevenant ensuite librement, se dégradant lui-même par cette première transgression, mais gardant toujours la claire notion du bien et du mal, avec la possibilité, ménagée par la grâce divine, de maintenir ou de relever sa vie morale à un niveau supérieur.

2° À l’époque patriarcale. — Pendant que, chez les peuples idolâtres, le niveau de la morale ne cessait de s’abaisser, Sap., xiv, 22-31, pour aboutir à des excès dont la conscience ne’savait même plus s’émouvoir, cf. de Broglie, La morale sans Dieu, Paris, 1886, p. 1-65, des idées plus pures et plus élevées sur la nature et l’action de Dieu maintenaient chez les patriarches, ancêtres du peuple hébreu, une moralité bien supérieure. « Marche devant ma face et sois irréprochable, » Gen., xvii, 1, fut-il dit à Abraham. Se conduire en toutes choses avec la conscience d’être vu par Dieu constituait, en effet, une excellente règle de vie morale. Mais encore cette règle n’était-elle pas capable de déterminer et d’em<pêcher à elle seule dans le détail tout ce que le regard divin pouvait approuver ou réprouver. Aussi, à côté de la grande foi et de l’obéissance des patriarches, la Sainte Écriture signale-t-elle dans leur histoire des actes ou des pratiques répréhensibles. Telles sont les dissimulations d’Abraham à son voyage en Egypte, Gen., xii, 11-16, et pendant son séjour à Gérare, Gen., xx, 2. 3 ; les procédés employés par Rébecca pour assurer à Jacob la bénédiction d’Isaac, Gen., xxvii, 13-27 ; les fourberies de Laban à l’égard de Jacob, Gen., xxix, 21-30 ; la conduite des fils de Jacob envers leur frère Joseph, Gen., xxxvii, 18-36, conduite dont la culpabilité n’éveille que tardivement les rpmords de leur conscience, Gen., xlii, 21 ; le meurtre par Moïse d’un Égyptien qui frappait un Hébreu, Exod., II, 11, 12, dernier cas qui comporte, il est vrai, des circonstances très atténuantes, etc. D’odieux