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MOÏSE


le gendre de Jéthro, prêtre de la contrée sinaïtique. Pour quelques critiques, Moïse serait aussi l’inventeur de l’oracle sacerdotal par urinï et lummim, qui permettait de consulter Jéhovah dans toutes les circonstances de la vie ordinaire. Moïse aurait aussi organisé le culte et il faudrait lui attribuer l’ancienne fête de Pàque, qui n’était que l’offrande des premiers-nés des animaux et des prémices des fruits, et l’institution des néoménies ou nouvelles lunes. Moïse, qui fut le fondateur de la nation autant que de la religion israélite, dut donner à son peuple quelques règlements qui furent considérés comme provenant de Dieu. À cette époque, on ne faisait encore aucune différence entre le droit humain et le droit divin. Toutes les ordonnances étaient des préceptes ou des défenses divines ; on ne connaissait que des péchés et pas de délits. Mais les ".ritiques sont en désaccord au sujet de savoir si l’ancienne tradition avait conservé le souvenir d’une loi morale édictée par Moïse et si notamment le décalogue avait été promulgué par Moïse durant le séjour d’Israël au désert. Wildeboer n’hésite pas à attribuer à Moïse la promulgation du décalogue. Mais plus généralement les critiques nient que le décalogue en tout et même en partie puisse remonter si haut. La principale raison qu’ils en donnent, c’est que les rédacteurs des documents élohiste et jéhoviste, qui reproduisent chacun un teste un peu différent des dix préceptes moraux, en relatant l’ancienne tradition, rapportent bien que Moïse a brisé les tables de la loi, mais ne disent pas qu’il en a fait de nouvelles ; dans leurs récits, la restauration de ces tables est une addition rédactionnelle. Les critiques cherchent par suite à fixer l’âge de la rédaction du décalogue ; ils n’aboutissent pas à des conclusions identiques. Le P. Lagrange, qui admet les résultats des critiques au point de vue de la composition littéraire du Pentateuque, est loin d’accepter toutes leurs conclusions. Aussi n’éprouve-t-il aucune difficulté à reconnaître que le code de l’alliance, code à la fois civil, criminel, moral et religieux, Exod., xx, 1-xxm, 33, peut être aussi ancien que Moïse. La méthode historique, 2e édit., Paris, 1904, p. 175-176. D’ailleurs, il estime que le document élohiste, qui contient ce code, est un « document voisin des faits et véritablement historique ». Revue biblique, 1899, t. viii, p. 632.

Les critiques accordent encore un certain fondement historique aux événements qui se sont passés au désert, par exemple, aux révoltes et aux murmures dont la tradition avait gardé le souvenir. Ces faits s’expliquent par la difficulté de grouper en un unique corps social les éléments divers de la population. Le long séjour à Cadès, le plus loin possible de l’Egypte dans le désert, servit à l’organisation du peuple. Quelques-uns y rattachent la construction de l’arche faite à l’imitation des temples égyptiens, pour remplacer dans le camp la montagne de Jéhovah dont on s’était éloigné. Plus généralement, on pense que les Israélites, tout en continuant à mener encore la vie pastorale, s’y livraient de plus en plus à l’agriculture et s’y habituaient à la vie sédentaire. Ils y formèrent finalement un peuple, une nation ; et ayant conscience de leurs forces, ils attaquèrent les tribus chananéennes, leurs voisines, et battirent les rois Og et Séhon. Ils firent peu à peu la conquête de la Palestine, mais Moïse était mort et Josué, le chef guerrier, est le héros légendaire de l’expédition.

La mort de Moïse, comme celle de tous les grands hommes, a été entourée de circonstances extraordinaires. En particulier son dernier cantique, Deut., xxxii, et la bénédiction des tribus d’Israël, Deut., xxxiii, sont des morceaux poétiques dont la composition est postérieure au séjour des Israélites dans les plaines de Moab. Si Dillmann rapporte le dernier cantique à l’époque des luttes d’Israël contre les Syriens au IXe siècle, les autres critiques le rabaissent d’un ou - de deux siècles, en le rapportant aux guerres ou des

Assyriens ou même des Chaldéens. La bénédiction des tribus est regardée par Dillmann et Kittel comme antérieure à l’écrivain élohiste qui l’a insérée dans son œuvre. Reuss l’attribue au contraire au document jéhoviste et en place la composition à la fin du re « siècle ou au commencement du vme. Kuenen y voit l’œuvre d’un lévite, qui ne peut pas être plus ancienne que le VIIIe siècle. Cornill J’attribue à un Israélite du royaume du nord de la première moitié du vne siècle. Cf. H. Holzinger, Einleitung in den Hexateuch, p. 236-242 ; Cornill, Einleitung in das A. T., p. 63-65 ; Steuernagel, Deuteronomium und Josua, Gœttingue, 1900, p. 114, 122-123.

Sur l’ensemble des vues des critiques, voir H. Ewald, The History of Israël, trad. anglaise, Londres, 1883, t. ii, p. 35-42 ; J. Wellhausen, Israël, dans Encyclopâdio, britannica, reproduite la suite de Prolegomena to the History ef Israël, trad. anglaise, Edimbourg, 1885, p. 429-440 ; E. Konig, The religions history of Israël, trad. anglaise, Edimbourg, 1885, p. 27-40 ; B. Stade, Geschichte des Volkes Israël, Berlin, 1881, t. i, p. 113141 ; Id., Die Entstehung des Volkes Israël, 3e édit., Giessen, 1899, p. 7-15 ; Id., Biblische Théologie des A. T., Tubingæ 1905, t. i, p. 28-46 ; E. Renan, Histoire du peuple d’Israël, 6e édit., Paris, 1887, t. i, p. 154-210 ; R. Smend, Lehrbuch der alttestamenllichen Religionsgeschichte, 2e édit., Fribourg-en-Brisgau, 1899, p. 32-45, 280-285 ; K. Budde, Die Religion des Volkes Israël bis zur Verbannung, Giessen, 1900, p. 1-35 ; H. Cornill, Der isrælitische Prophetismus, 4° édit., Strasbourg, 1903, p. 16-27.

La réfutation de ces vues exigerait de nombreuses pages. Nous signalerons seulement l’arbitraire de la méthode. Après avoir traité de légendaire toute l’histoire de Moïse, les critiques rationalistes extraient de la légende ce qui leur paraît possible ou vraisemblable et abandonnent le reste comme inadmissible. Or on voudrait savoir quel critérium leur sert à frire ce départ. Ils n’en ont le plus souvent d’autre que leu. » propre sentiment, fondé sur une conception spéciale de l’histoire et de la religion des peuples anciens en général et d’Israël en particulier. Ce n’est pas là la vraie critique. Ce qui est rationnel, c’est d’accepter la tradition d’Israël sur ses origines historiques et religieuses, quelle que soit d’ailleurs l’époque de sa rédaction que nous n’avons " pas à étudier ici. Voir Pentateuque. Supposé même que la critique des sources pût servir à élaguer quelques détails ou à interpréter quelques événements, elle ne pourrait suffire à elle seule à contredire l’ensemble de la tradition israélite sur Moïse, le libérateur du peuple choisi et son législateur civil et religieux.

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