Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome IV.djvu/628

Cette page n’a pas encore été corrigée
1203
1201
MOÏSE


on comprendrait difficilement que Moïse, au lieu de choisir une femme de son peuple, ait pris une étrangère. Aussi d’autres commentateurs pensent-ils que cetle femme est la Madianite Séphora, naguère ramenée au camp par Jéthro. Ils estiment ou que le nom de « Couschite » pouvait désigner une Madianite, ou que Séphora avait des Éthiopiens parmi ses ancêtres, et ils supposent que cette femme ayant pris de l’influence et de l’autorité sur Moïse, Marie et Aaron en conçurent de la jalousie et firent ressortir qu’eux aussi avaient reçu des oracles divins. Moïse, qui était le plus doux des hommes, ne vengea pas son autorité contestée ; mais Dieu intervint, affirma la supériorité de Moïse, à qui il parlait face à face, et punit Marie de la lèpre. Aaron avoua sa faute, et Moïse intercéda pour sa sœur. Mais Dieu voulut que Marie, comme lépreuse, demeurât sept jours hors du camp. Num., xii, 1-15. Voir col. 776-777.

Au désert de Pharan, Dieu ordonna à Moïse d’envoyer en Chanaan des explorateurs constater les forces et les richessesdupays.Auboutdequarantejours ils revinrentà Cadès et rendirent au peuple rassemblé compte de leur voyage. Si le pays était riche, il était occupé par de fortes races. Aussi la foule commença-t-elle à murmurer contre Moïse. Caleb essaya en vain de la calmer. Les autres explorateurs exagérèrent la taille et la puissance des Çhananéens. Talmud de Jérusalem, traité Taanith, iv, 5, trad. Schwab, Paris, 1883, t. vi, p. 187-188. Le peuple se mit à crier et pleura toute la nuit. Il se révolta contre Moïse et Aaron, et voulut se donner d’autres chefs pour retourner en Egypte, Moïse et Aaron se prosternèrent devant lui, Cabeb et Josué tentèrent de calmer son effervescence ; ils auraient été lapidés, si Dieu ne s’était montré dans sa gloire. Le Seigneur irrité voulait faire périr tous les rebelles. Moïse intercéda pour Israël coupable ; il fit appel à l’honneur de Dieu qui serait compromis aux yeux des païens par la mort de son peuple de choix ; il en appela aussi à sa miséricorde. Dieu mitigea sa sentence de mort et décida que tous les Israélites murmurateurs, depuis l’âge de vingt ans, sauf Caleb et Josué, mourraient dans le désert et n’entreraient pas dans la Terre Promise. Leurs enfants seuls y pénétreront après 40 années de vie errante dans le désert. Les explorateurs coupables moururent, frappés par le Seigneur, et le peuple reçut avec douleur la sentence qui le condamnait. Num., xiii, 1-xiv, 39 ; Deut., i, 19-45 ; Ps. cv, 24-27 ; Heb., iii, 8-10, 15-19. Voir t. ii, col. 57. Le lendemain, malgré les remontrances de Moïse, les Israélites tentèrent d’avancer vers le pays de Chanaan et attaquèrent les Amalécites et les Çhananéens. Moïse et l’arche n’allèrent pas au combat, et les Israélites furent battus et repoussés. Num., xiv, 40-45.

Dieu communiqua alors à Moïse de nouvelles lois.Num., xv. Survint bientôt la révolte de Coré, de Dathan et d’Abiron. Les révoltés rejetaient l’autorité de Moïse et d’Aaron. Moïse en appela au jugement de Dieu. Dathan et Abiron refusèrent de s’y rendre. Moïse irrité supplia Dieu de ne pas agréer leurs sacrifices. Coré et’sa troupe de lévites se présentèrent avec leurs encensoirs. Dieu ordonna au peuple de se séparer de Dathan et d’Abiron, qui furent engloutis en terre avec leurs familles et leurs biens, parce qu’ils avaient blasphémé contre le Seigneur. Les lévites furent brûlés dans le feu, et leurs encensoirs furent réduits en lames, qui demeurèrent attachées à l’autel comme un monument de la vengeance divine. Num., xvi, 1-40 ; Deut., xi, 6 ; Ps. cv, 16-18. Voir t. ii, col. 969-972. Cf. Talmud de Jérusalem, traité Sanhédrin, x, 1, trad. Schwab, Paris, 1889, t. xi, p. 42-43. Le lendemain, le peuple murmura contre cette punition et reprocha à Moïse et à Aaron de faire périr le peuple de Dieu. Moïse et Aaron s’enfuirent au tabernacle, et aussitôt la gloire du Seigneur s’y manifesta. Dieu était décidé à exterminer le peuple entier que déjà le feu dévorait ; mais Moïse envoya Aaron avec son encensoir

se placer entre les vivants et les morts et grâce à cette intervention, le châtiment cessa, après avoir atteint 14700 hommes. Num., xvi, 41-50. Dieu confirma encore l’honneur sacerdotal d’Aaron par le miracle de sa verge fleurie. Num., xvii. Voir t. i, col. 7-8. Il régla alors les droits et les devoirs des prêtres et des lévites, Num., xviii, ainsi que la manière de se purifier de l’impureté contractée au contact d’un cadavre. Num.,

XIX.

Ces événements s’étaient produits à Cadès. Voir t. ii, col.13-22. Les Israélites y demeurèrent longtemps. Deut., i, 46. Comme ils y manquaient d’eau, ils se mutinèrent de nouveau contre Moïse et Aaron, qui supplièrent leSeigneur de désaltérer son peuple. Dieu ordonna à Moïse de frapper le rocher, de sa verge miraculeuse, devant le peuple assemblé. Moïse interpella les rebelles et levant la main, frappa deux fois de sa verge le rocher. Il en sortit une grande abondance d’eau. Dieu cependant reprocha à Moïse et à Aaron de n’a voir pas eu en lui assez de confiance pour le glorifier devant le peuple, et en punition de ce manque de confiance, il déclara qu’ils n’introduiraient pas eux-mêmes les Israélites dans la terre de Chanaan. Num., xx, 2-12 ; Deut., xxxii, 51. En quoi a consisté leur faute ? Est-ce parce que Moïse a frappé deux fois le rocher, comme si un seul coup n’eût pas suffi ? H semble plutôt que son discours, Num., xx, 10 ; trahit quelque défiance, non pas sans doute à l’égard de la toute-puissance divine, mais plutôt à l’égard de sa miséricorde, comme s’il craignait qu’à cause des murmures du peuple, Dieu ne voulût plus faire de prodiges pour lui. Moïse irrité parla inconsidérément, dit le psalmiste. Ps. cv, 33. Voir t. i, col. 8. Le P. de Hummelauer, Numeri, Paris, 1899, p. 154-220, a supposé à cet endroit du livre des Nombres une lacune provenant de la suppression du récit de ce qui s’était passé à Cadès-Barné pendant 37 années de séjour. Par respect pour Moïse et pour le peuple juif, on a fait disparaître l’histoire de la mésaventure du législateur d’Israël et d’une longue apostasie de la masse des Israélites. Moïse aurait frappé le rocher deux fois, non pas le même jour, mais à 37 ans d’intervalle. La première fois, l’eau ne coula pas, et le peuple, croyant qu’il avait perdu sa puissance, s’éloigna de lui et abandonna le culte du Seigneur. Après 37 années d’égarement, il revint à Moïse et au Seigneur. Moïse frappa une seconde fois le rocher et les eaux coulèrent en abondance. Le P. de Hummelauer a accumulé en faveur de son sentiment une longue série d’arguments qui sont loin d’être concluants. Laissant de côté les détails étrangers, recueillons seulement ce qui concerne le séjour des Israélites à Cadès-Barné.

Le P. de Hummelauer croit avoir trouvé une preuve de cette longue apostasie dans Amos, v, 25, 26. Le prophète demande aux Israélites si pendant les 40 années de leur séjour dans le désert, ils ont offert des sacrifices à Dieu et il leur reproche d’avoir pratiqué l’idolâtrie. Saint Etienne répète les mêmes accusations. Act., vii, 42-43. Josué fut obligé de faire circoncire tous les Israélites, parce que tous ceux qui étaient nés dans le désert n’avaient pas reçu ce signe de l’alliance. Jos., v, 4-7. Le P. de Hummelauer interprète encore dans ce sens Ps. lxxx, 8, et il pense que les lévites seuls étaient restés fidèles à Moïse durant cette longue et universelle apostasie ; c’est pourquoi le sacerdoce leur fut maintenu. Deut., xxxiii, 8-10. Le Talmud de Jérusalem, traité Taanith, m, 4, trad. Schwab, Paris, 1883, t. vi, p. 168, dit aussi « que durant les 38 ans du séjour d’Israël au désert, ce peuple mis pour ainsi dire au ban n’a pas parlé à Moïse ». Quoi qu’il en soit, il est certain que l’histoire de ces 38 années n’est pas racontée en détail dans le Pentateuque. L’auteur du Deutéronome, ii, 14, la résume en disant que ces 38 années se passèrent’dans les stations qui eurent lieu depuis le départ de Cadès-Barné jusqu’à l’arrivée au torrent de Zared. Cf. ii, 1-13. Or, quelle qu’en