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MIRACLE — MIRAGE


visite de l’ange à Marie, la tentation de Jésus-Christ au désert, l’apparition de l’ange à son agonie, etc. Mais ces témoins sont tellement qualifiés qu’il serait déraisonnable de ne pas s’en rapporter à eux. On leur doit la même foi qu’aux témoins nombreux, quelle que soit la nature des faits qu’ils racontent. Voir Actes des Apôtres, t. i, col. 152-158 ; Jean (Évangile de saint), t. iii, col. 1167-1183 ; Luc (Évangile de saint), t. iv, col. 386391 ; Mabc (Évangile de saint), col. 719 ; Matthieu (Évangile de saint), col. 876.

4. Les miracles de l’Évangile et des Actes, à part ceux qui se rapportent directement à la personne de Notre-Seigneur ou à des circonstances transitoires, comme les différents dons surnaturels, ne sont pas des faits isolés dans l’histoire de la religion. Ils ont été reproduits dans tous les siècles, offrant ainsi à chaque génération une démonstration, par analogie, de la possibilité et de la réalité des miracles évangéliques.

5. Il y a à noter une différence caractéristique entre les miracles de Jésus-Christ et ceux des hommes. Les hommes ne peuvent produire un effet surnaturel que par un pouvoir d’emprunt, qui leur vient de Dieu, seul auteur du surnaturel absolu. Ainsi, quand les Apôtres font des miracles, ou bien ils prient Dieu au préalable, comme saint Pierre à Joppé, Act., ix, 40, ou bien ils déclarent formellement que le miracle est opéré au nom et par la puissance de Dieu. Act., iii, 6 ; IX, 34, etc. Si le texte sacré n’indique ni l’une ni l’autre de ces conditions, la prédication des Apôtres donne assez formellement à entendre qu’ils n’agissent en tout qu’au nom de Dieu. S’il en eût été autrement, leur pouvoir miraculeux eût aussitôt pris fin, ou du moins eût revêtu un caractère capable de dévoiler son origine diabolique. Le Sauveur a dit en effet : « Il n’est personne qui, après avoir fait un miracle en mon nom, puisse aussitôt parler mal de moi. » Marc, ix, 38. Un acte opéré avec un pouvoir surnaturel venu de Dieu ne peut en effet accompagner une parole proférée contre Dieu. Quand, au contraire, c’est Jésus-Christ qui opère le miracle, il ne se réclame d’aucun autre pouvoir et il ne demande ce pouvoir à personne : il agit 4e sa propre initiative et par sa vertu personnelle. Sans doute il répète que « le Fils ne peut rien faire de lui-même que ce qu’il voit faire au Père », Joa., v, 19, que lui-même « il fait les œuvres de son Père », Joa., x, 37, que le Père, demeurant en lui, fait ses œuvres. Joa., xiv, 10. Mais il déclare que lui et son Père ne font qu’un, Joa., x, 30, d’où il suit que, dans la production des actes d’ordre surnaturel, Jésus-Christ n’est pas un principe d’action différent de son Père. Si, avant de ressusciter Lazare, il remercie le Père de l’avoir exaucé, tout en observant que le Père l’exauce toujours, Joa., xi, 41, 42, il ajoute qu’il ne parle ainsi qu’à cause de la foule, afin qu’elle croie que le Père l’a envoyé.

6. Notre-Seigneur n’opère en effet de miracles que pour prouver la divinité de sa mission. Il n’entend pas prouver directement sa divinité personnelle. Sans doute, agissant de sa propre initiative et par sa propre puissance, il pouvait prouver par là qu’il est Dieu. Mais cette initiative et cette puissance indépendante se supposent plus aisément qu’elles ne se démontrent, tant qu’elles restent isolées de l’affirmation du Sauveur sur sa nature divine. Logiquement, le miracle prouve donc seulement que Notre-Seigneur est l’envoyé de Dieu et que sa parole est digne de foi. Cf. Jésus-Christ, t. iii, col. 15051506. La valeur de cette parole une fois établie par le miracle, il ne reste plus qu’à l’écouter et à la croire. Les miracles des Apôtres ont une valeur analogue. Ils démontrent que les Apôtres sont les envoyés de Dieu et que le témoignage qu’ils appuient sur les miracles est vrai. Ce témoignage a ensuite la force de prouver logiquement la divinité de Notre-Seigueur et de son enseignement. Les miracles sont ainsi d’une importance capitale dans le Nouveau Testament. « Jésus-Christ a

dict. de la bible.

fait des miracles, et les Apôtres ensuite, et les premiers saints en grand nombre ; parce que, les prophéties n’étant pas encore accomplies et s’accomplis ?ant par eux, rien ne témoignait que les miracles. Il était prédit que le Messie convertirait les nations. Comment cette prophétie se fût-elle accomplie, sans la conversion des nations ? Et comment les nations se fussent-elles converties au Messie, ne voyant pas ce dernier effet des prophéties qui le prouvent ? Avant donc qu’il ait été mort, ressuscité, et qu’il eût converti les nations, tout n’était pas accompli : et ainsi il a fallu des miracles pendant tout ce temps-là… Les pharisiens et les scribes font grand état de ses miracles, et essaient de montrer qu’ils sont faux ou faits par le diable, étant nécessités d’être convaincus, s’ils reconnaissaient qu’ils sont de Dieu. » Pascal, Pensées, édit. Guthlin, Paris, 1896, p. 228-229.

H. Lesêtre.
    1. MIRAGE##

MIRAGE, illusion d’optique provenant d’une inégale réfraction des rayons lumineux à travers dés couches d’air d’inégale densité. Les objets saillants paraissent alors se dresser au milieu d’un lac immense, que le voyageur aperçoit à distance, mais qu’il ne peut jamais atteindre. Ce phénomène se produit surtout dans les déserts fortement échauffés par les rayons du soleil, particulièrement dans les plaines sablonneuses de l’Egypte. Il avait été déjà observé par les anciens. Quinte-Curce, vii, 5, raconte que, lorsque Alexandre arriva en Sogdiane, la chaleur du sol dégagea une sorte de brouillard, « de telle façon que les plaines ressemblèrent à une vaste et profonde mer. » D’après le Coran, xxiv, 39, « les œuvres de l’infidèle ressemblent à la vapeur qui s’élève dans le désert ; le voyageur altéré y court chercher de l’eau, et, lorsqu’il s’en est approchél’illusion a disparu. »

Rosenmûller, Jesai&t vaticin., Leipzig, 1793, t. ii, p. 739, Gesenius, Thésaurus, p. 1480, et beaucoup d’autres, ont pensé que le mot Sdrâb désignai t le mirage, , comme le mot arabe sarâb. Il se lit deux fois dans Isaïe„ Dans sa description de l’heureux temps de la restauration messianique, le prophète dit :

Des eaux jailliront dans le désert

Et des ruisseaux dans la solitude ;

Le Sdrâb se changera en lac

Et le sol desséché en source d’eaux. — Is., xxxv, 6, 7.

Ailleurs il dit encore en parlant du même sujet : « L& sdrâb et le soleil ne les frappera pas (yakkêm) ; car celui qui a pitié d’eux sera leur guide et les mènera vers des sources d’eaux. » Is., xlix, 10. Le Targum a conservé le mot de l’original : Naiiw, Serôbd’. Les Septante ont traduit le mot hébreu dans le premier passaged’Isaïe, par SvuSpoc, « terre sans eau » (Vulgate : arida, c terre desséchée » ). Dans le second, ils rendent Sdrâb par 6 xocuitùm, « le vent brûlant » (Vulgate : sestus, « la chaleur » ). Le verbe ndkdh, « frapper, » employé par leprophète, Is., xlix, 10, peut s’appliquer à la chaleur, au vent brûlant, au soleil, qui semblent lancer des traits ardents sur le voyageur. Il s’applique ici, d’après les exégètes, qui donnent à Sdrâb le sens de mirage, à l’ardeur de la soif qui fait souffrir si cruellement dans le désert et que la déception da mirage irrite encore davantage. D’après d’autres auteurs, si le sens de mirage peut convenir au premier passage d’isaïe, il convient difficilement au second. Aussi la signification de grande chaleur leur paraît-elle préférable. Les Septante et la Vulgate qui ont ainsi traduit, leur donnent raison. Mais il faut observer qu’ils ne pouvaient pas traduire littéra{ lement le mot, parce que le grec et le latin n’ont point’de terme signifiant « mirage ». Le nom ordinaire du roii rage en arabe est ( >U^o, sarâb, et c’est là un argument très fort en faveur de ceux qui attribuent cette signification au mot hébreu. Voir Gesenius, Thésaurus, p. 1480. H. Lesêtke.

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