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LAPIDATION


ser la cause. Les contemporains du Sauveur tentèrent plusieurs fois de le lapider dans le Temple. Joa., viii, 59 ; x, 31, 33 ; xi, 8. Les docteurs eux-mêmes craignirent d’être lapidés dans le Temple par le peuple, s’ils disaient que le baptême de Jean venait des hommes et non de Dieu. Luc, xx, 6. Ce Temple, dont Hérode avait commencé la restauration en l’an 19 avant Jésus-Christ, ne fut complètement achevé que sous Agrippa II, l’an 64 après Jésus-Christ. Cet achèvement, au dire de Josèphe, Ant. jud., XX, ix, 7, laissa plus de dix-huit mille ouvriers inoccupés. On comprend que les déchets d’appareillage et de sculpture aient mis longtemps aux mains des Juiis toutes les pierres qu’ils pouvaient désirer pour lapider quelqu’un dans le Temple même. Sous Archélaûs, au cours d’une émeute qui avait eu lieu dans l’édifice sacré contre la garnison de l’Antonia, un grand nombre de soldats avaient été lapidés. Josèphe, Ant. jud., XVII, ix, 3 ; Bell, jud., II, i, 3. — 4° Quand les Apôtres, délivrés de prison par un ange, se remirent à prêcher dans le Temple, le chef des gardes vint les reprendre, mais sans violence, parce qu’il avait peur d’être lapidé par le peuple. Act., v, 26. — 5° La lapidation de saint Etienne fut une exécution populaire à laquelle les Juifs s’efforcèrent de donner des apparences légales. Act., vii, 57, 58. Voir Etienne, t. ii, col. 2035.

— 6° Paul et Barnabe faillirent être lapidés à Iconium. Act., xiv, 5. Paul le fut réellement à Lystres par des Juifs, qui le crurent mort. Act., xiv, 18 ; II Cor., xi, 25.

II. La lapidation judiciaire. — i. la législation. — La lapidation était la peine capitale la plus ordinairement appliquée chez les Hébreux. On croit que quand la loi portait la peine de mort, il s’agissait toujours de la mort par lapidation, si quelque autre supplice n’était indiqué. Lev., xx, 2-27. La loi indique les différents crimes qui la méritaient : 1° L’idolâtrie. Deut., XIII, 10 ; xvii, 5. — 2° La consécration des enfants à Moloch. Lev., xx, 2. — 3° Le blasphème. Lev., xxiv, 14. — 4° La divination. Lev., xx, 27. — 5° La fausse prophétie, c’est-à-dire la prétention injustifiée de parler au nom de Dieu. Deut., xiii, 5. — 6° La transgression du sabbat. Num., xv, 35.

— 7° L’indocilité opiniâtre d’un enfant à l’égard de ses parents. Deut., xxi, 21. — 8° L’adultère. Deut.j xxii, 2224. — 9° La fornication de la jeune fille. Deut., xxii, 21. Les Juifs comptaient dix-huit cas passibles de la lapidation : trois cas d’inceste, la sodomie, deux cas de bestialité, l’adultère, le blasphème, l’idolâtrie, l’offrande des enfants à Moloch, la pythomancie, la divination, la magie, la propagande publique et la propagande privée en faveur de l’apostasie, la profanation du sabbat, la malédiction contre les parents et, enfin, l’indocilité opiniâtre envers eux. Iken, Antiquitates hebraicx, Brème, 1741, p. 424. Ces dix-huit cas ne font que reproduire ou appliquer les prescriptions de la loi mosaïque. — En dehors de ces cas généraux, la lapidation dut être infligée à tout homme et à tout animal qui toucherait le Sinaî, au delà des limites marquées, pendant que Moïse y était en colloque avec Dieu. Exod., xix, 12, 13 ; Heb., xii, 20. Quand un bœuf tuait quelqu’un à coups de cornes, il fallait le lapider et il était défendu de manger sa chair. Exod., xxi, 28.

II. application DE LA loi. — 1° Au désert, le fils d’une Israélite et d’un Égyptien blasphéma et maudit le nom de Dieu. Sur l’ordre de Moïse, on le fit sortir du camp, les témoins posèrent la main sur sa tête et ensuite toute l’assemblée le lapida. Lev., xxiv, 10-14. — 2° Un Israélite fut surpris à ramasser du bois le jour du sabbat ; toute l’assemblée le lapida encore hors du camp. Num., xv, 32-36. — 3° Après la prise de Jéricho, Achan, de la tribu de Juda, se permit de prendre pour lui quelques objets de valeur, alors que la ville, avec tout ce qu’elle renfermait, avait été youée à l’anathème. Sur l’ordre de Josué, il lut lapidé, et tout ce qui lui appartenait dut

être consumé par le feu. Jos., VII, 24, 25. Voir Achan, t. i, col. 128-130. — 4° Pour se débarrasser de Naboth, Jézabel le fit accuser par deux faux témoins d’avoir maudit Dieu et le roi. En conséquence, le malheureux fut condamné, conduit hors de la ville et lapidé. III Reg., xxi, 10-14. — 5° Après la mort du grand-prêtre Joïada, son fils, Zacharie, reprocha au peuple ses transgressions et le menaça de la colère divine. Le roi Joas, circonvenu par des conseillers impies, fit lapider Zacharie dans le parvis même du Temple. II Par., xxiv, 21. Cette odieuse exécution laissa de profondes traces dans les souvenirs du peuple de Dieu. Notre-Seigneur la rappela dans sa parabole des vignerons homicides, Matth., xxi, 35, et dans ses reproches à Jérusalem infidèle à toutes les grâces de Dieu. Matth., xxiii, 37 ; Luc, xiii, 34 ; cf. Heb., xi, 37. — 6° Un jour, des scribes et des pharisiens amenèrent à Notre-Seigneur une femme surprise en adultère et lui demandèrent s’il fallait la lapider, conformément à la loi de Moïse. Joa., viii, 4, 5. Cette demande, à elle seule, prouvait déjà que la loi invoquée n’était plus appliquée ; d’ailleurs, depuis l’occupation romaine, les Juifs ne pouvaient plus exécuter aucune sentence de mort, le procurateur ayant seul le droit de condamner à la peine capitale et de la faire exécuter. Ézéchiel vise la loi contre l’adultère, quand il dit que Jérusalem 3t Samarie seront lapidées l’une et l’autre, c’est-à-dire ruinées par les ennemis du dehors, à cause de leur idolâtrie qui constitue une infidélité, semblable à l’adultère, à l’égard du Seigneur. Ezech., xvi, 40 ; XXIII, 47.

— 7° D’après la Vulgate, Eccli., xxii, 1, 2, le paresseux est lapidé avec une pierre souillée et de la bouse de bœufs, pour marquer tout le dégoût qu’inspire sa paresse. Dans les Septante, il est dit seulement qu’il est semblable à ces deux objets. Il est probable que le traducteur latin a lu dans le texte primitif un verbe comme mâial, « assimiler, » au lieu de sâqal, « lapider, » ou dans le texte grec, xaTegXïjOï], « il a été jeté à bas, » au lieu de <ruveëXi^6ri, « il a été comparé. »

m. LE MODE d’exécution. — 1° La Sainte Écriture n’indique que quelques-unes des conditions dans lesquelles on lapidait les coupables. L’exécution se faisait hors du camp ou de la ville. Lev., xxiv, 14, 25 ; Num., xv, 36 ; III Reg., xxi, 10, 13 ; Act., vii, 57. Les témoins devaient jeter les premières pierres, puis le peuple achevait le supplice. Lev., xxiv, 14 ; Deut., xiii, 9 ; xvii, 7 ; Joa., vm, 7. On pouvait ensuite suspendre le cadavre à un poteau, mais il fallait l’en détacher et l’inhumer avant la nuit. Deut., xxi, 23 ; cf. Jos., x, 26. — 2° La tradition juive est plus explicite ; Quand le condamné était arrivé à quatre coudées du lieu du supplice, on le dépouillait de ses vêtements, ne laissant aux hommes qu’un caleçon et aux femmes que le vêtement de dessous. On choisissait, pour l’exécution, un endroit au bas duquel il y eût à pic une dépression ayant deux fois la hauteur d’un homme ; au besoin, on construisait un échafaud dans ces conditions. Le condamné y montait, accompagné des deux principaux témoins du crime. Là, on lui liait les mains, de manière qu’il ne pût s’en servir pour atténuer l’effet de sa chute, et le premier témoin le poussait par le milieu du corps. Le malheureux tombait ainsi sur la tête ou sur le dos. Si cette chute amenait la mort, on s’en tenait là. S’il en était autrement, le second témoin saisissait, avec l’aide du premier quand c’était nécessaire, une grosse pierre constituant à peu près la charge de deux hommes, et la laissait tomber sur la poitrine ou sur la tête du coupable. Si ce dernier survivait, le peuple intervenait alors pour l’achever à coups de pierres. Voilà pourquoi on profitait, pour procéder à ces exécutions, des fêtes à l’occasion desquelles le peuple se rassemblait. Quand ensuite il avait été ordonné d’attacher le cadavre au poteau, « pour qu’il fût vu de tous, » Josèphe, Ant. jud., IV, viii, 24, on l’y suspendait par les mains, le visage tourné en avant pour les