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MATTHIEU (ÉVANGILE DE SAINT)


possible, par la constatation de la réalisation des prophéties messianiques. « Son livre a un cachet plus juif que les trois autres. On dirait que l’auteur y adresse au peuple infidèle la sommation dernière de s’incliner devant le Messie méconnu, et comme l’ultimatum terrible qui précède l’heure de la ruine définitive. » Ms r Le Camus, La vie de N.-S. Jésus-Christ, 6e édit., Paris, 1901, t. i, p. 27.

Le caractère particulier de la rédaction primitive de l’Évangile de saint Matthieu n’a pas-empêché cet Évangile, traduit en grec, d’être utile à des lecteurs grecs, soit aux Juifs hellénistes qui y trouvaient la confirmation de leur foi, s’ils étaient déjà convertis au christianisme, ou des motifs de se convertir, s’ils étaient demeurés juifs de croyance, soit même aux païens convertis qui y rencontraient l’exposé, fait sans doute à un point de vue particulier, mais identique de fond ; de la catéchèse qu’ils avaient entendue de la bouche des autres apôtres.

VIII. Style de l’Évangile gbec. — Le texte araméen de saint Matthieu étant perdu, on ne peut rien dire des caractères de son style. Quant au texte grec, il présente une telle liberté d’allures, une si parfaite unité et des particularités, déjà signalées, qu’au jugement de la majorité des critiques, il n’est pas simplement l’œuvre d’un traducteur, mais bien un original grec. Pour concilier les témoignages des Pères en faveur d’un original araméen et les arguments philologiques des critiques en faveur d’un original grec, on peut admettre, comme nous l’avons déjà dit, que la traduction, existant déjà au temps de Papias, a été faite assez librement pour être mise à la portée des lecteurs grecs, tout en reproduisant fidèlement le fond de l’écrit araméen primitif. Quant aux qualités du style de cette version grecque, on peut dire que, comparativement aux deux autres synoptiques, l’Évangile de saint Matthieu tient le milieu entre la phrase simple, souvent lourde et prolixe de saint Marc, et l’élégance presque classique des parties propres à saint Luc. Il nous faut signaler en outre en saint Matthieu un certain nombre de mots caractéristiques et quelques tournures grammaticales. Appartiennent à son vocabulaire spécial les expressions souvent répétées : paaiXesa TtSv oùpavûv, trente-sept fois employée ; 7taTY|p ô l7tovpâvio ; ou i êv toïç oùpavotç, qu’on rencontre vingt fois ; <xuvré>eta toû aiâvo ; , cinq fois reproduit ; ’IspodôXutia, partout usité, sauf xxiii, 37, où on lit’Iepou(ra)iri[jL ; ulbç AautS, sept fois répété. Des locutions, rarement employées par saint Marc et saint Luc, sont fréquentes en saint Matthieu : àvaytopeîv, dix fois ; (jaS)7)TEijEtv, trois fois ; <ru(iëoûXtov Xaiiëâvetv, cinq fois ; èiCTiâleiv, deux fois ; ti<po ; , six fois ; oipiSpa, sept fois et toujours avec des verbes. Comme tournures spéciales nous citerons : 7tpo<rewetv, onze fois avec le datif de la personne ; prfitit ; , êppsÔTfj, dix-huit fois ; sys’P 60 " 5 " ành ; t<Ste servant quatre-vingt-dix fois de transition. Ces particularités de style se rencontrent uniformément dans tout le premier Évangile et sont ainsi un indice de l’unité de l’auteur. Elles rendent aussi peu vraisemblable l’utilisation par l’évangéliste de sources différentes, au moins de sources grecques. Quant à la question des sources écrites du premier Évangile, voir t. ii, col. 2093-2098.

IX. Bibliographie. — i. wtroquction. — Patrizi, De Evangelm, ’l. l, c. i, Fribourg-en-Brisgau, 1853, p.l32 ; Danko, Historia revelationis divines N. T., Vienne, 1867, p. 263-273 ; H. de Valroger, Introduction historique et critique aux livres du N. T., Paris, 1861, t. ii, p. 21-47 ; Aberle, Einleitung in das N. T., édit. Schanz, Fribonrg-en-Brisgau, 1877, p. 20-40 ; KauV’n, Einleitung in die heiligen Schrift A. und N. T., 2e édit., Fribonrgen-Brisgau, 1887, p. 384-402 ; Fouard, Saint Pierre et les premières années du christianisme, Paris, 1886, p. 290303, 531-535 ; Reuss, Die Geschichte der heiligen Schrift

N.T., 6e édit., Brunswick, 1887, p. 187-196 ; R. Cornely, Introductio specialis in singulos N. T. libros, Paris, 1886, p. 15-80 ; Trochon et Lesêtre, Introduction à l’étude de l’écriture Sainte, Paris, 1890, t. III, p. 4474 ; H. J. Holtzmann, Einleitung in das N. T., 3e édit., Fribourg-en-Brisgau, 1892, p. 375-382 ; Trenkle, Einleitung in das N. T., Fribourg-en-Brisgau, 1897, p. 96-106 ; A. Schsefer, Einleitung in das N. T., Paderborn, 1898, p. 188-212 ; P. Batiffol, Six leçons sur les Évangiles, 2e édit., Paris, 1897, p. 46-51 ; Godet, Introduction au N. T., Paris et Neuchâtel, 1898, t. ii, p. 137-324 ; Jûlicher, Einleitung in das N. T., 3e et 4e édit., Tubingue et Leipzig, 1901, p. 236-249 ; Zahn, Einleitungin das N. T., 2e édit., Leipzig, 1900, t. ii, p. 252-334 ; J. Belser, Einleitung in das N. T., Fribourg-en-Brisgau, 1901, p. 24-55. n. commentateurs. — 1° Pères. — Le commentaire de Théophile d’Antioche, dont parle saint Jérôme, De viris, 25, t. xxiii, col. 643 ; Epist., cxxi, 6, t. xxii, col. 1020 ; Comment, in Mattn., prol., t. xxvi, col. 15, est perdu. Celui qui a été publié sous son nom par M. de la Bigne, Bibliotheca SS. Patrum, Paris, 1575, t. v, p. 169-192, par Otto, Corpus apolog., 1861, t. viii, p. 278-326, et par Zahn, Forschungen zur Geschichte des Neutestamentl. Kanons, 1883, t. ii, p. 29-85, n’est pas de lui ; c’est une compilation, de la fin du v" siècle environ, faite probablement dans le sud de la Gaule par un Latin. Cf. Zahn, op. cit., 1884, t. iii, p. 198-277 ; Harnack, dans les Texte und Untersuchungen, 1883, t. i, fasc. 4, p. 97-176 ; Pitra, Analecta sacra, 1884, t. ii, p. 624634, 649-650 ; Hauck, dans Zeitschrift fur kirchl. Wissenchaft und kirchl. Leben, 1884, t. v, p. 561-568 ; Sanday, dans les Studia biblica, Oxford, 1885, p. 89-101 ; Bornemann, dans Zeitschrift fur Kirchengeschichte, 1888-1889, t. x, p. 169-252. Origène, au témoignage de saint Jérôme, Comment, in Matth., prol., t. xxvi, col. 15, avait composé sur l’Évangile de saint Matthieu des scholies, vingt-cinq homélies et un commentaire en 25 tomes. Ce commentaire, composé à Césarée après 244, Eusèbe, H. E., vi, 36, t. xx, col. 597, nous est parvenu en partie : les tomes x-xvii, qui expliquent Matth., xiii, 36xxii, 33, existent en grec, t. xiii, col. 886-1600 ; la suite, Matth., xvi, 13-xxvii, 63, a été conservée dans une traduction latine, ibid., col. 1599-1800. De petits fragments recueillis de divers côtés sont reproduits, ibid., col. 829-834. Saint Chrysostome a prononcé 90 homélies sur saint Matthieu, t. lvii, lviii. Des fragments des commentaires de saint Cyrille d’Alexandrie se trouvent, t. lxxii, col. 365-474. Cramer, Catena grsecorum Patrum in N. T., Oxford, 1844, t. i, p. 1-257, a publié des extraits d’autres commentaires grecs de saint Matthieu. D’autres chaînes sur saint Matthieu ont été publiées par Possin, Toulouse, 1646, et par Cordier, Toulouse, 1647. Voir t. ii, col. 484. Sur des manuscrits de la chaîne de Nicétas d’Héraclée, voir Faulhaber, Die Katenenhandschriften der spanischen Bibliotheken, dans la Biblische Zeitschrift, Fribourg-en-Brisgau, 1903, t. i, p. 367-398. — Dans l’Eglise latine, saint Hilaire de Poitiers, Com. in Evang. Matthmi, t. ix, col. 917-1078 ; saint Jérôme, Com. in Evang. Matthsei, t. xxvi, col. 15-218 ; saint Augustin, De sermone Domini in monte l. 11, t. xxxiv, col. 1229-1308 ; Qusest. Evang. I. 11, t. xxxv, col. 1321-1332 (le Liber queestionum XVII in Matth., t. xxxv, col. 1365-1376, qui lui est attribué, est très probablement apocryphe). L’Opus imperfecluni in Matthseum, longtemps attribué à saint Chrysostome et publié dans ses Œuvres, t. lvi, col. 611-946, est d’un écrivain latin, qui vivait à la fin du vr> siècle ou au commencement du vne et qui était un peu infecté d’arianisme. Cf. Le pseudo-Chrysostome sur Matthieu, dans la Revue augustinienne, 15 octobre 1903, p. 289313. Dom Morin, Anecdota Maredsolana, Maredsous, 1903, t. iii, p. 135-145, a réédité les Expositionculæ in Evangelium de saint Matthieu.