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MATTHIEU (ÉVANGILE DE SAINT)


le résumé de la tradition antérieure cette donnée : MatBaïoc (ièv fàp npATepov 'Eêpafoiç XYipvijaç, ûç ï ; [ie).Xev if' izipovi Uval jcaTpfij) Tf^tirrr) ypaçîj nxpaSoùc tô xat' « ùtov tyocnviov to Xeîîtov tyj aùroO itapou<rîa toutoi ; > a ?' 5v laréXXeTo, 81à tîjç YpaçTjç ot71û7cX^poù. Saint Jérôme fait écho à Eusèbe : Matthxus primttm in Juâsea propter eos qui ex circumcisione crediderunt Evangelium Christi composuit. De vir. ill., 3, t. xxiii, col. 613. Ob eorum vel maxime causant, qui in Jesum crediderant ex Judmis, et nequaquam legis umbram, succedente Evangelii veritale, servabant. In Matth., prol., t. xxvi, col. 18. Saint Jean Chrysostome, In Mallh. Rom. i, 3, t. lvii, col. 17, répète les mêmes renseignements, et saint Grégoire de Nazianze, Carm., 1, 12, t. xxxvii, col. 474, dit d’un mot que saint Matthieu a écrit pour les Hébreux les miracles du Christ. Cf. Cosmas Indicopleustes, Topogr. christ., 1. V, t. lxxxviii, Co1. 286. Tous les commentateurs catholiques et beaucoup de protestants ont accepté le témoignage de la tradition ecclésiastique et l’ont confirmé par des arguments tirés du premier Évangile lui-même.

2° Critères internes. — Du contenu de ce livre, en effet, on peut conclure qu’il était destiné à des lecteurs d’origine juive, habitant la Palestine et déjà convertis à l'Évangile. Si l’auteur avait écrit pour des païens et non pour des Juifs, il procéderait autrement, il insisterait sur d’autres points et il ne montrerait pas par la réalisation des prophéties de l’Ancien Testament que Jésus est le Messie attendu des Juifs et le fils de David. D’ailleurs, il ne juge pas nécessaire d’expliquer à ses lecteurs des usages juifs dont saint Marc et saint Luc parlent différemment à leurs lecteurs d’origine païenne. Ainsi il mentionne sans explication les ablutions judaïques, xv, 1, 2 ; cf. Marc., vii, 3, 4 ; le jour des azymes, xxvi, 17 ; cf. Marc, xiv, 12 ; Luc, xxii, 7 ; il parle du lieu saint, xxiv, 15 ; de la sainte cité, IV, 5 ; .xxvii, 53. Il met les gentils sur la même ligne que les publicains, xviii, 17. D’autre part, comme il rappelle les paroles les plus dures que Jésus ait prononcées contre les scribes et les pharisiens hypocrites, xxm, 1-4, 15-31, il ne peut guère s’adresser aux Juifs non convertis. Enfin, il envisage ses lecteurs comme des croyants ; il leur parle du royaume de Dieu et de l'Église comme à des initiés qui le comprendront. En résumé donc, il s’adresse à des judéo-chrétiens, et puisqu’il écrivait en araméen, à des judéo-chrétiens qui comprenaient cette langue, par conséquent non à des hellénistes qui parlaient grec, mais bien aux Juifs convertis de la Palestine. Si quelques mots hébreux, comme EiipwxYoOn])., i, 23 ; r<AYo(là, xxvii, 33 ;-fiXel, ^Xei, Xep.a <raSax 9av£f) XXVH, 46, sont traduits ; si Haceldama n’est pas nommé sinon dans sa traduction grecque : ifpoî aïu-a-roç, xxvii, 8, on peut penser que ces explications sont dues au traducteur grec du texte araméen. Il en serait de même du nom grec Hhpoi, employé au lieu de l’araméen Céphas pour désigner saint Pierre.

VIL But. — 1° Tous les exégètes sont d’accord pour reconnaître, au moins d’une façon générale, que le premier évangéliste a voulu principalement démontrer que Jésus était le Messie, fils de David, attendu des Juifs. Ils s’appuient à la fois sur le témoignage des Pères et sur le caractère général de l'Évangile de saint Matthieu. Saint Irénée ne se borne pas à dire que saint Matthieu a écrit pour les Juifs ; il ajoute dans quel but : Outoc (les Juifs) Yctp èitef>û(iouv irivo açiîpa éx axépu.atoi ; AaëtS Xpiurov à hi MatOaïoc xa£ ïti u.îaXov (npoSpo-ripav ifu>i tt)V TûtaOtyjv èrc16v[Aiav nayxoîoyç eaTieuSe 7tXir)poçoptav « apé*/eiv aùxoîî, wç eîVi in. (nrepiiaToç Aaé : 8 o Xpturôi ; " Stb xal àito tï|Ç y ev é<t£(i)ç cxùtoO îJpÇaTo. Fragm., xxix, t. vii, col. 1244. Saint Chrysostome, In Matth. Hom. ii, 3, t. lvii, col. 17, répète la même chose : Aià 8t) tovto i lUv Mat8atoç, are 'E6pac’oi « Tpâçuv, ojJèv îrtiov éït, tyi<k

SeïÇat, ^ on àirô 'A.ëpaàjt xat AatAS fjv… ovièv fâp ofowç àvlitaue tov 'IovSaîov, wç to u.a6eïv aùtov ôti toû 'Aêpaàu. xal toO AauiB sxyovoî iqv o Xpiffrôç. Théophylacte, Enarrat. in Ev. Matth., præf., t. cxxiii, col. 145, et Eufhymius, Comment, in Matth., t. cxxix, col. 113, reproduisent la même pensée que saint Chrysostome, dont ils dépendent. Le caractère du premier Évangile répond bien au but de son auteur. Ce n’est pas, en effet, une biographie complète de Jésus. On y trouve, il est vrai, une esquisse de la vie du Sauveur et un sommaire de sa prédication. Mais les faits et les discours y sont groupés en vue d’une thèse à démontrer. L’auteur veut manifestement prouver que Jésus, dont il raconte l’histoire et dont il expose les renseignements, est le Messie promis au peuple juif, qu’il faut croire à sa parole et adhérer à sa doctrine. C’est pourquoi non seulement il débute, ainsi que le remarquait saint Irénée, par la généalogie davidique du Christ, mais surtout il dispose son récit de manière à faire ressortir dans la vie et la prédication de Jésus la réalisation continuelle de prophéties messianiques. De là, son souci constant de citer l’Ancien Testament et de montrer dans les événements l’accomplissement des oracles divins, en amenant les citations par des formules expressives, i, 22 ; ii, 15, 17, 23 ; iv, 14 ; xxvii, 9, etc. De la encore sa préoccupation de signaler en Jésus toutes les prérogatives de roi, de législateur, de thaumaturge, de prophète et de souverain prêtre, que les écrivains de l’ancienne alliance ont attribuées au Messie.

2° Tout en restant d’accord au sujet du but principal du premier Évangile, les exégètes modernes ont suivi des voies un peu divergentes, lorsqu’ils ont tenté de déterminer avec plus de précision la fin que se proposait saint Matthieu. Quelques-uns ont pensé que l’apôtre, en prouvant que Jésus était le Messie attendu, avait un but directement apologétique et polémique. Il s’adressait à ses coreligionnaires demeurés juifs et non encore convertis au christianisme en vue de les convaincre de la nature messianique de Jésus et en même temps de répondre aux calomnies que le sanhédrin avait répandues dans le public sur le compte du Sauveur, dont les disciples auraient enlevé le corps du tombeau pour faire croire à sa résurrection. Aberle, Einleitwig in dos N. T., Fribourg-en-Brisgau, 1877, p ; 20-32, a spécialement insisté sur cette considération qui, prise isolément, paraît exagérée et se concilie difficilement avec les reproches sévères que le premier Évangile reproduit fréquemment contre les Juifs. Aussi la plupart des critiques ont-ils, avec raison, atténué les vues propres d’Aberle, et sans nier toute fin apologétique et polémique contre les Juifs incrédules, ils ont mis l’accent sur le but dogmatique du récit de saint Matthieu. Tout en prouvant, en faveur des Juifs convertis, que Jésus de Nazareth était réellement le Messie prédit et attendu, cet écrit d’instruction dogmatique avait une pointe offensive contre les Juifs demeurés incrédules. Saint Matthieu, en effet, en établissant principalement que Jésus avait réalisé les prophéties messianiques et fondé sur terre le royaume messianique prédit, mais un royaume spirituel et non pas temporel comme les Juifs l’espéraient, voulait en outre expliquer que néanmoins il n’y avait pas lieu de s'étonner si les chefs de la nation juive et la plus grande partie du peuple n’avaient pas reconnu en Jésus le Messie et l’avaient, au contraire, persécuté et mis à mort. Pour cela, tout en décrivant le véritable Messie et son œuvre, il raconte dans tout le cours de son récit la longue opposition des scribes et des pharisiens contre le Sauveur. C’est donc par aveuglement volontaire et coupable qu’ils n’ont pas reconnu en Jésus le Messie qu’ils attendaient. De la sorte, le but du livre n'était pas exclusivement didactique ; saint Matthieu visait à convaincre les Juifs incrédules de leur erreur et à les en tirer, s’il était