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817 MARIE-MADELEINE — MARIE, MÈRE DE JACQUES ET DE JOSEPH 818

lesquelles « Marie, qu’on appelle Madeleine, de qui sept démons étaient sortis ». Luc, vin. 2. Il n’établit aucune relation entre cette dernière et la pécheresse dont il vient de parler ; il présente au contraire Marie-Madeleine comme un personnage tout nouveau. Cette façon de parler peat s’expliquer cependant d’une manière assez plausible. Saint Luc se sera abstenu à dessein de donner le nom de la pécheresse soit pour ne point déshonorer Marie-Madeleine, devenue ensuite si illustre, soit pour ne pas scandaliser quelques-uns de ses lecteurs en montrant ïapécheresse convertie si vite admise à la suite de Jésus. Ce scandale a du reste ému un certain nombre d’auteurs, qui se sont refusés à croire que le Sauveur pût admettre parmi les saintes femmes une personne si décriée précédemment. Mais, aux yeux des Juifs, cette admission ne fut pas plus étonnante que celle de Matthieu au nombre des apôtres. Il se peut aussi que saint Luc ait transcrit ses sources telles qu’il les trouvait. Tous conviennent qu’il l’a fait dans ses deux premiers chapitres ; pourquoi n’aurait-il pas reproduit l’histoire de la pécheresse sans la nommer, parce qu’on ne la nommait pas de son temps ? Saint Jean, la fit connaître plus tard, alors qu’il n’y avait plus d’inconvénient à dire son nom. Saint Marc, il, 14, et saint Luc, v, 27, ne pouvant se dispenser ni de raconter la vocation du publicain Matthieu, ni de désigner cet homme par un nom propre, ne l’appellent-ils pas du nom moins connu de Lévi ? L’évangéliste aura écrit avec la même réserve au sujet de Marie-Madeleine. Cf. Coleridge, La vie de notre vie, t. xvii, trad. Petit, Paris, 1896, p. 430-435. — On constate aussi que saint Jean parle tantôt de Marie, soeur de Marthe, xi, 1-45 ; xii, 3, tantôt de Marie-Madeleine, xix, 25 ; xx, 1-18, sans jamais indiquer qu’il s’agit du même personnage. Mais il faut remarquer que, dans les récits de la passion et de là résurrection, plusieurs Marie sont en scène et que dès lors il devient indispensab le de désigner la sœur de Marthe par son surnom de Madeleine. D’ailleurs, quand la clarté du récit n’exige pas ce surnom, saint Jean ne lui donne que le nom de Marie, et c’est avec ce seul nom, son nom habituel par conséquent, que Notre-Seigneur l’interpelle pour se faire reconnaître. Joa., xx, 11, 16. — Ces difficultés tirées des textes ne sont donc pas insurmontables, et, en tenant compte surtout de l’identité des ca ractères, on est en droit d’affirmer comme probable que les trois Marie n’en font qu’une. « L’opinion qui tient pour une seule et même personne Marie-Madeleine, Marie, soeur de Lazare, et la pécheresse, est la plus probable ; elle n’est pas en opposition avec le texte évangélique, a un appui solide dans la tradition ancienne et ne se heurte à aucune difficulté assez sérieuse pour atténuer la valeur de cette tradition. » Corluy, Comment, in Evang. S, Joa., Gand, 1880, p. 263-279. Cf. Wouters, Inhistor. elconcord. Evang., xv, 1, dans le Sacrée Scripturx Curs. compl., tle Migne, Paris, 1840, t. xxiii, col. 917-925 ; Knabenbauer, Evang. sec. Matth., Paris, 1893, t. ii, p. 399-401.

V. Marie-Madeleine après la Pentecôte. — On ne sait rien de certain sur la vie de Marie-Madeleine après la Pentecôte ni sur le lieu de sa mort. Au vt » siècle, on vénérait son tombeau à Éphése. Cf. Grégoire de Tours, De gloria martyr., 29, t. lxxi, col. 731. L’higoumène Daniel prétend avoir vu encore à Ephèse, en 1106, le tombeau et la tête de Marie-Madeleine. Cf. Tomasének, Comptes rendus de VAcad. de Vienne, t. cxxiv, /p. 33. Les historiens byzantins racontent que l’empereur Léon VI, en 899, fit transporter à Constantinople le corps de la sainte. Cf. Léo Grammaticus, t. cviii, col. 1 108, etc. Les martyrologes et les écrivains d’Occident, à cette époque, ne disent de Marie-Madeleine que ce qui est consigné dans l’Évangile. Un manuscrit provençal du martyrologe d’Adon, datant des premières années du Xn « siècle, et à l’usage des églises de la région d’Arles et d’Avignon, se contente de mentionner, au 19 janvier, « Marie et Marthe sœurs de Lazare, dont la messe est

contenue dans le livre de Gélase, » et, au 22 juillet, Marie-Madeleine, sans autre addition, comme dans tous les martyrologes. Cf. G. Morin, Un martyrologe d’Arles, dans la Revue d’hist. et de littérat. religieuses, Paris, 1898, p. 23, 24. Au xie siècle, les moines de Vézelay prétendaient posséder le corps de la sainte ; vers la fin du Xil « , on admit que sainte Madeleine était venue finir sa vie aux environs de Marseille, et en 1283, on crut découvrir ses reliques à Saint-Maximin, en Provence. La légende de sainte Marie-Madeleine, accrue des éléments apocryphes qui s’y sont ajoutés avec le temps, selitdans J. de Voragine, La légende dorée, trad. Roze, Paris, 1902, t. ii, p. 242-260. Sur le séjour de la sainte en Provence, voir, en faveur de l’authenticité, C. F. Bellet, Les origines des Églises de France, Paris, 1898, p. 246-255 ; J. Bérenger, Les traditions provençales, Marseille, 1904, p. 28-1 50, et contre l’authenticité, L. Duchesne, Fastes épiscopaux de l’ancienne Gaule, Paris, 1894, 1. 1, p. 340-344. Voir Lazare, col. 139.

H. Lesêtre.

4. marie, sœur, de Marthe et de Lazare. Voir Marie-Madeleine (de Béthanie), ii, col. 810.,

5. MARIE (grec : Mopi’a), épouse de Cléophas, Joa., xix, 25, mère de Jacques et de Joseph, Matth., xxvii, 56 ; Marc, xv, 40, 47 ; Luc, xxiv, 10, appelée aussi 1’  « autre Marie », Matth., xxvii, 61 ; xxviii, 1, pour la distinguer de Marie, mère de Jésus, et de Marie-Madeleine. Cléophas est probablement le même qu’Alphée. Voir Alphée, t. 1, col. 418-419. Les femmes sont ordinairement nommées d’après le nom de leur mari, et non d’après celui de leur père. Cf. Luc, viii, 3 ; Matth., i, 6, etc. Marie de Cléophas est donc épouse et non pas fille de Cléophas. Jacques, Joseph, Simon et Jude sont nommés frères de Jésus, Matth., xiii, 55, c’est-à-dire ses cousins. Voir Frère, t. ii, col. 2403. Les textes précédents n’indiquent comme fils de Marie que Jacques et Joseph. Les deux autres seraient-ils des fils qu’Alphée aurait eus d’une autre épouse, morte à l’époque de la vie publique de Notre-Seigneur ? Pourquoi alors, dans l’énumération de saint Matthieu, xiii, 55, occupent-ils le second rang et non le premier, en leur qualité d’aînés ? Ou bien faut-il supposer qu’avant leur mariage commun, Marie aurait eu Jacques et Joseph d’un premier époux, et Alphée, Simon et Jude d’une première épouse, et qu’ensuite on aurait rangé les quatre fils par ordre de naissance ? Mais Jacques est aussi fils d’Alphée. Matth., x, 3 ; Marc, m, 18 ; Luc, vi, 15 ; Act., i, 13. Il doit en être de même de Jude, et les quatre frères sont ensemble fils d’Alphée et de Marie. Lors donc que saint Matthieu, xxvii, 56, et saint Marc, xv, 14, appellent Marie mère de Jacques et de Joseph, ils n’excluent pas plus les autres fils que quand saint Marc, xv, 47, l’appelle simplement mère de Jacques, et saint Luc, xxiv, 10, mère de Joseph. — Le titre de « frères du Seigneur » donné aux quatre fils de Marie, épouse de Cléophas, suppose un degré assez rapproché de parenté entre cette Marie et les parents du Sauveur. Les textes ne permettent pas de déterminer le degré de cette parenté. Quelques-uns ont pensé que Marie Cléophas était une sœur aînée de la Sainte Vierge. Le même nom donné à deux sœurs dans une même famille ne constituerait pas une difficulté absolue contre cette hypothèse, surtout si l’une des deux le portait sous sa forme usuelle. Maria, et l’autre sous sa forme archaïque, Miryâm, Une note originale de la Peschito dit que Cléophas et Joseph étaient frères, que Marie et Marie, mère du Seigneur, étaient sœurs, et qu’ainsi les deux frères avaient épousé les deux sœurs. Cf. Tischendorf, Nov. Teslam. grœc., 8e édit., t. i, p. 945. Mais la parenté des « frères du Seigneur » peut provenir d’une origine toute différente. Hégésippe, dans Eusèbe, H. E., 111, xi, 4, t. xx, col. 248, affirme que Siméon, frère de Jacques et second évêque de Jérusalem, était cousin, àveJnoç, du Seigneur, parce que son père, Cléophas, était