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    1. MARIE##

MARIE, MERE DE DIEU

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le Christ voulut-il que sa mère fût proclamée bienheureuse, à-cause de cette vertu même qui lui a valu d’être mère en restant vierge. »

4° Quand le Sauveur vint dans la synagogue de Nazareth, on affecta de s’étonner de sa renommée et de le traiter avec un certain dédain. On disait : et N’est-ce pas le fils du charpentier ? Sa mère n’est-elle pas Marie, et ses frères Jacques, Joseph, Jude et Simon ? Ses sœurs ne sont-elles pas au milieu de nous ? » Matth., an, 55, 56 ; Marc., vi, 3. De ces textes il ressort que saint Joseph était mort, puisqu’on ne parle plus de lui comme habitant Nazareth, et que la Sainte Vierge avait mené dans cette ville une vie assez simple et assez humble pour que rien ne la distinguât des autres femmes de la ville. Les gens de Nazareth n’ont aucune idée du mystère de l’incarnation, et ils croient rabaisser Jésus en prétendant que son père a été le charpentier, et que sa mère a été Marie, une femme en tout semblable aux femmes ordinaires.

5° En dehors de ces circonstances, l’Évangile ne fait aucune mention de Marie, même dans les occasions où sa présence semblerait naturelle. Ainsi elle n’est signalée ni dans les voyages du Sauveur à Jérusalem, ni à la montagne des Béatitudes, ni à la multiplication des pains, ni au cours du voyage de Galilée à Jérusalem, que saint Luc, x-xix, raconte avec tant de détails, ni à Béthanie, ni à Jérusalem au jour de l’entrée triomphale, ni à l’institution de la sainte Eucharistie. Cet effacement peut s’expliquer en partie par un désir de la Sainte Vierge de n’être mentionnée dans les récits évangéliques que quand c’était absolument nécessaire. Mais il indique surtout la règle de discrétion absolue que la mère du Sauveur tint à suivre pendant tout le ministère apostolique de son divin Fils. N’étant appelée elle-même ni à prêcher ni à agir, elle s’appliquait à ne gêner en rien, par sa présence, l’activité et la liberté d’action de Notre-Seigneur et des hommes qu’il formait à l’apostolat. Son humilité profonde lui défendait d’ailleurs de paraître partout où sa qualité de mère de Jésus eût pu lui attirer quelque gloire.

III. PENDANT LA PASSION DU SAUVEUR. — 1° Marie se

trouvait à Jérusalem au moment de la Passion de son divin Fils. C’était l’époque de la Pàque, à laquelle elle ne pouvait manquer de venir prier au Temple. C’était aussi le moment où allait s’accomplir pour elle la prophétie de Siméon. La tradition suppose une rencontre de Marie avec Jésus sur le chemin de la croix. Un plan de Jérusalem, de 1308, indique l’église de Saint-Jean-Baptiste avec le titre de Pasni. Vgis, « le Spasme de la Vierge. » Cf. de Yogûé, Les églises de la Terre-Sainte, Paris, 1860, p. 438 ; Liévin, Guide de la Terre-Sainte, Jérusalem, 1887, t. i, p. 175. Vllinerarium Burdigalense, de 333, et la Peregrinatio Sylviss, un peu postérieure, ne disent rien qui se rapporté à cette tradition, En réalité, c’est seulement au xiv" siècle qu’on commença à localiser les endroits marqués par quelque souvenir de la Passion, et entre autres, celui où la Sainte Vierge se serait évanouie à la vue de son Fils mené au supplice. À partir du xv siècle, il y a toujours une station de Sancta Maria de Spasmo dans les chemins de la croix établis en Europe, à l’imitation de celui de Jérusalem. Cf. Thurston, dans The Month, 1900, juil.-sept., p. 1-12, 153-166, 282-293 ; Boudinhôn/ Le Chemin de la Croix, dans la Revue du clergé français, 1 er nov. 1901, p. 449-463. La tradition du spasme n’est pas très conforme à l’attitude de Marie au pied de la croix. Néanmoins on comprend cette défaillance physique à un moment où la Sainte Vierge se présente comme femme et comme mère, tandis qu’à la croix elle a à remplir un rôle officiel en vue duquel Dieu lui donne une grâce particulière.

2° Quand Notre-Seigneur fut attaché à la croix, après les premiers moments de tumulte et lorsque les phénomènes extraordinaires qui se produisirent dans la nature

commencèrent à répandre l’effroi, la Sainte Vierge, quelques saintes femmes et saint Jean vinrent se placer au pied même de la croix. Marie était debout, dans l’attitude ferme et intrépide qui convenait à la mère du Rédempteur mourant. Cf. S. Ambroise, De institut, virgin., 7, t. xvi, col. 318. Le glaive prédit par Siméon perça alors son âme, mais ne la terrassa pas. Jésus vit à ses pieds sa mère et son disciple bien-aimé. S’adressant à Marie, il lui dit : « Femme, voici ton fils, » puis il dit à saint Jean : « Voici ta mère. » Les Pères expliquent ce texte en ce sens que Notre-Seigneur, sur le point de mourir, ne voulut pas laisser à l’abandon sa mère tendrement aimée, et la confia à saint Jean, auquel il demanda d’être pour elle un véritable fils. Ceux que les évangélistes appellent des « frères de Jésus » n’étaient donc nullement des fils de Marie. C’eût été pour eux une honte que leur mère fût confiée à un autre et Jésus ne l’eût fait d’ailleurs que s’ils avaient été des indignes ; or ils l’étaient si peu que trois d’entre eux avaient été mis au nombre des apôtres. Cf. S. Épiphane, Hser. Lxxvili, 9, t. xlii, col. 714. À dater de ce jour, saint Jean reçut Marie eîç ta îêià, in sua, dans ce qui était à lui, dans sa maison. Joa., xix, 25-27. Seul parmi les Pères, Origène fait une application de ce texte à d’autres que saint Jean. Il dit en effet dans sa préface au commentaire In Joa, , 6, t. xiv, col. 32 : « Personne ne peut saisir le sens de l’Évangile s’il n’a reposé sur la poitrine de Jésus ou s’il n’a reçu de Jésus Marie pour qu’elle devienne sa mère… Quiconque est parfait ne vit plus lui-même désormais, mais le Christ vit en lui, et puisque le Christ vit en lui, il est dit de lui à Marie : voici ton fils le Christ. » D’après le savant interprète, un homme n’a donc Marie pour mère qu’indirectement, quand lui-même s’identifie à Jésus par la vie de la grâce. L’idée d’une maternité directe n’apparait que plusieurs siècles après lui. Au ixe siècle, Georges de Nicomédie, Or. vm in S. Mai : assist. cruci, t. c, col. 1476, fait dire à Notre-Seigneur parlant à sa mère : « Vous tiendrez ma place auprès de lui et de ses compagnons. Car avec lui et en lui je vous confie mes autres disciples. » Puis il le fait parler ainsi à saint Jean : « Je la fais mère et maîtresse non seulement pour toi, mais encore pour tous mes autres disciples. » En Occident, l’explication du texte dans le sens d’une maternité spirituelle de la Sainte Vierge ne se constate qu’au commencement du xiie siècle, avec Rupert de Deutz. Même saint Bernard, qui meurt dix-huit ans après le précédent, ne songe pas encore à interpréter le texte en ce sens. Il donne à la Sainte Vierge toutes sortes de noms, mais jamais celui de « mère des hommes ». Cf. Serm. dom. infr. oct. Assumpi., 15, t. clxxxiii, col. 438. Par contre, son contemporain, Géroch, prévôt de Reichersperg, qui meurt en 1169, trente-quatre ans après Rupert, s’exprime dans les mêmes termes que ce dernier. Cf. Géroch, De glor. et honor. Fil. hom., x, 1, t. cxciv, col. 1105. À partir de ce moment, la doctrine devient de plus en plus commune. Cf. Tract, de Concept. B. M., 33, t. clix, col. 315 ; Bellarmin, De sept. verb. Christ., i, 12, Cologne, 1618, p. 105-113 ; Bossuet, Serm. pour la fête de la Nativ., 2° part., Bar-le-Duc, 1870, t. vii, p. 244, et note ; Knabenbauer, Evang. sec. Joan., Paris, 1898, p. 544-547 ; Terrien, La mère de Dieu et la mère des hommes, t. iii, p. 247-274.

3° Marie, présente au Calvaire, assista à la mort de son divin Fils, et très vraisemblablement, avec les saintes femmes venues jusque-là, Joa., xix, 25 ; Matth., xxvii, 56 ; Marc, xv, 40 ; Luc, xxiii, 49, à sa descente de la croix et à sa sépulture. Le jour du sabbat dut se passer pour elle dans le deuil et dans l’espérance. — Un concile de Cologne, en 1423, can. 11, institua, contre les Hussites, la fête des Douleurs de Marie, à célébrer le vendredi d’après le troisième dimanche qui sait Pâques. Benoît XIV, en 1725, rendit la fête universelle