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MARIE, MÈRE DE DIEU

verbe τείρω, « accabler, briser. » Aquila, Symmaque, le Syriaque et le Samaritain traduisent par des verbes qui ont le sens de « broyer ». S. Jérôme, Quœst. Hebr. in Gen., t. xxiii, col. 943, dit que le verbe contero, « broyer, » rend mieux l’hébreu que servo, « garder, » par lequel l’Itala rendait les Septante. C’est sans doute pour concilier les deux textes et ne pas trop heurter l’usage reçu de son temps qu’il se sert des deux verbes contero, « broyer, » et insidiori, « dresser des embûches : » « Elle te broiera la tête et tu attenteras à son talon. » Les deux actions marquée » par le même verbe sont donc de même nature : la race de la femme exercera sur le serpent un sévice qui appellera une riposte de la part de ce dernier. Seulement la blessure sera mortelle pour le serpent, dont la tête sera broyée, tandis que pour la race de la femme, dont le talon seul sera broyé, la blessure, si cruelle qu’elle soit, n’entraînera pas la mort et sera guérissable. — La Vulgate actuelle rend par ipsa, « elle, » la femme, le pronom hébreu hû’, αὐτός, qui est masculin et se rapporte à la race. La tête du serpent sera donc écrasée non par la femme elle-même, soit Eve, soit sa descendante, Marie, mais par la race de la femme. Cette race est prise collectivement, comme la race du serpent. Mais de même que la race maudite a triomphé au paradis par Satan, la race de la femme triomphera plus tard par Jésus-Christ. Cf. S. Irénée, Adv. Haeres., iii, 23, t. vii, col. 964 ; S. Justin, Dial. cum Tryphon., 100, t. vi, col. 712 ; S. Cyprien, Testim. cont. Judaeos, ii, 9, t. iv, col. 704 ; S. Épiphane, Haeres., III, ii, 18, t. xlii, col. 729 ; etc. La Sainte Vierge n’est donc pas personnellement visée par la prophétie, comme le texte de la Vulgate le donne à croire ; mais il est question d’elle par voie de conséquence directe. La bulle Ineffabilis, après avoir rappelé la première partie de la sentence : « J’établirai des inimitiés entre toi et la femme, entre ta race et sa race, » indique en ces termes la part qui revient à la Sainte Vierge dans l’accomplissement de l’oracle : « La très sainte Vierge, unie au Christ par un très étroit et indissoluble lien, avec Lui et par Lui, a exercé contre le serpent d’éternelles inimitiés, et, en triomphant de celui-ci de la manière la plus complète, lui a écrasé la tête de son pied immaculé. » Lect. vi ad Noct. xiv decemb.

L’Almah et l’Emmanuel. Is., vii, 10-17. Voir ’Almah, t. i, col. 390-397 ; Lagrange, La Vierge et Emmanuel, dans la Revue biblique, Paris, 1892, p. 481-497 ; A. Lémann, La Vierge et l’Emmanuel, Paris, 1904.

Le texte de Jérémie, XXXI, 22. Il est traduit dans la Vulgate : « Le Seigneur a créé une chose nouvelle sur la terre : une femme entourera un homme. » Saint Jérôme, In Jerem., t. xxiv, col. 880, seul parmi les Pères latins, entend ce texte de la Vierge qui doit enfanter le Messie. Les Septante traduisent tout autrement : « Le Seigneur a créé le salut en plantation nouvelle, les hommes entoureront dans le salut. » Aquila traduit : « Le Seigneur a créé quelque chose de nouveau dans la femme. » Saint Athanase, t. xxv, col. 205 ; t. xxvi, col. 1276, combinant les deux textes, dit que la nouvelle plantation est Jésus, et que ce qui a été créé de nouveau dans la femme, c’est le corps du Seigneur enfanté par la Vierge Marie sans la coopération de l’homme. Quant au texte hébreu, il semble avoir souffert en cet endroit, ce qui explique la diversité des traductions. Le sens parait être celui-ci : « Dieu crée sur la terre une chose nouvelle : la femme retourne vers l’homme. » Il s’agit, dans ce chapitre de Jérémie, du retour en grâce de la nation israélite, répudiée par le Seigneur. Quand un homme avait répudié sa femme, il ne pouvait plus la reprendre. Deut, xxiv, 1-4 ; Jer., iii, 1. Or le Seigneur va faire une chose nouvelle, que la Loi n’a jamais permis de faire : il va permettre à la femme répudiée de revenir à son mari, c’est-à-dire il va permettre à la nation coupable de retrouver l’amitié de son Dieu. À s’en tenir à ce sens du texte hébreu, il n’y aurait donc pas là de prophétie concernant la Sainte Vierge. Cf. Condamin, Le texte de Jérémie, xxxi, 22, est-il messianique ? dans la Revue biblique, 1897, p. 396-404.

4° On peut encore considérer comme concernant indirectement la Sainte Vierge les prophéties qui se rapportent au Fils de Dieu fait homme par l’incarnation. Voir Jésus-Christ, t. iii, col. 1432-1434.

II. Avant la naissance du Sauveur.

I. ORIGINE ET PARENTS DE MARIE.

La Sainte Vierge était de la tribu de Juda et de la descendance de David. Saint Luc, ii, 4, dit avec insistance que saint Joseph se rendit à Bethléhem parce qu’il était « de la maison et de la famille de David ». Mais, dans le chapitre précédent, 32, 69, les mentions qui sont faites de la maison de David se rapportent à Marie, en tant que mère du Sauveur. Saint Paul parle du Fils de Dieu « né de la race de David selon la chair ». Rom., i, 3. C’est seulement de la Sainte Vierge que le Fils de Dieu est né selon la chair ; c’est donc par elle qu’il appartient à la descendance de David. Cf. Tertullien, De carn. Christi, 22, t. ii, col. 789 ; S. Augustin, De consens. Evangelist., ii, 2, 4, t. xxxiv, col. 1072.

2° Les parents de la Sainte Vierge ne sont connus que par la tradition. Voir Anne, t. i, col. 629 ; HÉLI, t. iii, col. 570 ; Généalogie de Jésus-Christ, t. iii, col. 169. Saint Jean Damascène, Hom. i, de Nativ. B. V., 2, t. xcvi, col. 664, appelle les parents de la Sainte Vierge Joachim et Anne, et il ajoute que, dans un âge avancé, ils durent à de ferventes prières la naissance de leur fille. Saint Grégoire de Nysse, t. xlvii, col. 1137, reproduit le même renseignement en l’attribuant à une histoire « apocryphe ». La source ainsi indiquée est l’apocryphe appelé « Protévangile de Jacques », qui commence par le récit de l’annonciation de la naissance de Marie faite à Anne et à Joachim, et dont la composition remonte à la fin du iie siècle. Voir Évangiles apocryphes, t. ii, col. 2115, et le De nativitate sanctae Mariae, à la suite des œuvres de S. Jérôme, t. xxx, col. 298-305. Cette tradition est acceptée par saint Germain de Constantinople, Or. de praesentat., 2, t. xcviii, col. 313 ; le pseudo-Épiphane, De laud. Deipar. , t. xliii, col. 488 ; l’auteur d’un sermon De Nativ. B. V. M., dans les œuvres de S. Hilaire, t. xcvi, col. 278; S. Fulbert de Chartres, In Nativ. Deipar., t. cxli, col. 324, etc.

3° L’auteur de l’Évangile apocryphe fait habiter Joachim et Anne à Nazareth. Cf. Acta sanctorum, 26 juillet, t. vi, 1729, p. 233-239 ; 3 mars, t. iii, 1668, p. 78-79. Ils habitaient plus probablement à Jérusalem une maison que saint Sophrone de Jérusalem, en 636, Anacreontic., xx, 81-94, t. lxxxvii, col. 2822, appelle « la sainte Probatique où l’illustre Anne enfanta Marie ». Un siècle plus tard, saint Jean Damascène, Hom. in Nativ. B. M. V., t. xcvi, col. 667, dit également que la mère de Dieu est née dans la sainte Probatique, Des témoignages d’auteurs postérieurs reproduisent la même indication. Voir Bethsaïde (Piscine de), t. i. col. 1730-1731, et le plan, col. 1725. L’emplacement de la maison des parents de Marie serait occupé par l’église de Sainte-Anne, qui n’est qu’à une trentaine de mètres de l’ancienne piscine, d’où le nom de « sainte Probatique » que les anciens ont donné à cette église. Le 18 mars 1889, on a retrouvé la crypte qui avait jadis renfermé le tombeau de sainte Anne (fig. 218). Il est probable qu’à la place de cette crypte, il y avait primitivement un jardin dans lequel Anne et Joachim auraient été inhumés, selon la coutume ancienne. I Reg., xxv, 1 ; xxviii, 3 ; III Reg., ii, 34 ; IV Reg., xxi, 18. D’ailleurs cet emplacement se trouvait alors en dehors de la ville, à environ cent vingt mètres de l’enceinte du Temple. On croit que la crypte contiguë à celle des tombeaux occupe la place de la chambre dans laquelle serait née la Sainte Vierge. C’est pour cette raison que l’église anciennement bâtie à cet endroit s’appela d’abord Sainte-