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MARDOCHÉE — MARÉSA


que les rois de Perse donnaient à ceux qu’ils voulaient honorer. Actuellement encore, une pelisse de cachemire déjà portée par le chah est, en Perse, la suprême récompense accordée à ses serviteurs. Cf. Dieulafoy, L’Acropole de Stise, p. 384. Hérodote, iii, 140-141, raconte aussi une anecdote qui rappelle d’assez près le cas de Mardochée. Un Grec de Samos, Syloson, avait jadis donné son manteau à Darius. Quand celui-ci fut devenu roi, Syloson vint à Suse, s’assit au vestibule du palais, et finit par dire aux gardes qu’il avait autrefois obligé Darius. Appelé par celui-ci, il lui demanda l’indépendance de Samos, sa patrie, et il l’obtint. Il dut être très humiliant pour Aman de promener en triomphe le Juif Mardochée, alors que le décret d’extermination des Juifs était affiché depuis plusieurs jours dans la ville et connu de tous. On s’est même demandé comment Xerxès, qui avait porté ce décret, put ensuite décerner tant d’honneurs à Mardochée. Rien n’est plus conforme au caractère du monarque que cette contradiction apparente. Un jour qu’il naviguait sur un vaisseau iphenicien pour passer de Grèce en Asie, une tempête s’éleva et le pilole déclara à Xerxès que le vaisseau allait sombrer, parce qu’il portait trop de passagers. Un bon nombre de Perses se dévouèrent alors et se jetèrent à la mer. Quand on eut atteint la côte d’Asie, le roi donna une couronne d’or au pilote pour l’avoir transporté sain et sauf, puis il lui fit couper la tête pour avoir causé la mort d’un grand nombre de Perses. Cf. Hérodote, viii, 118. Il se peut donc très bien qu’il ait procédé de même vis-à-vis de Mardochée ; prévoyant qu’il allait périr bientôt en vertu du décret, il se hâta de le récompenser au préalable. « Hâte-toi, » avait-il dit à Aman. Esth., vi, 10.

La femme du ministre et ses amis jugèrent de fort mauvais augure ce qui venait de lui arriver. En effet, dans le festin qui suivit, Esther fit sa dénonciation, qui bouleversa l’esprit de Xerxès. Ce dernier se retira dans Te parc, songeant peut-être à l’impossibilité de revenir sur un décret royal. Quand il revint dans la salle du festin, il aperçut Aman penché sur le lit de la reine pour implorer sa grâce. Il crut qu’il voulait faire violence à Esther et en manifesta son indignation. On couvrit aussitôt le visage d’Aman, comme celui d’un condamné, et un eunuque ayant parlé de la potence de cinquante coudées dressée pour Mardochée, le roi y fit aussitôt pendre son ministre. Esth., vii, 1-10. -Aman périt ainsi pour un crime de lèse-majesté qu’il n’avait pas commis, mais bien digne de mort pour le massacre qu’il préparait. Cf. Dieulafoy, L’Acropole de Suse, p. 385-389.

Le même jour, Mardochée fut admis à l’audience de Xerxès. Esther apprit au roi qu’il était son parent. Alors le roi remit à Mardochée l’anneau qu’il avait jadis confié à Aman, et à l’aide duquel ce dernier avait scellé le décret prescrivant l’extermination des Juifs. Esth., m, 10, 12. De son côté, Esther mit son parent à la tête de sa maison, c’est-à-dire de la maison d’Aman, que le roi venait de lui donner. Mais le plus important restait à faire. Il fallait conjurer l’effeî du décret précédemment porté contre les Juifs de l’empire. On sait que, chez les Perses, il était de règle absolue de ne jamais revenir sur un ordre royal. Cf. Dan., vi, 8, 9, 12, 15 ; Hérodote, ix, 108 ; Dieulafoy, dans la Revue des études juives, Paris, 1888, p. 269. Il fallait donc prendre un autre moyen pour préserver les Juifs. Aussi Esther affecte-t-elle d’attribuer à Aman les lettres qui ordonnent l’extermination. Esth., viii, 5. Le roi, se vantant alors d’avoir fait pendre Aman à cause de sa violence contre les Juifs, dit à Mardochée d’envoyer d’autres lettres scellées de son anneau. Le nouveau ministre se garda bien de contrevenir à la loi irrévocable du royaume. Il fit rédiger par les secrétaires royaux de nouvelles lettres, adressées aux cent vingt-sept satrapes de l’empire perse, libellées dans la langue propre à chaque province

destinataire, et scellées avec l’anneau royal. Le treizième jour du mois d’adar avait été designé par Aman pour le massacre des Juifs. Esth., iii, 13. Les satrapes reçurent l’ordre de faire rassembler les Juifs de chaque ville afin que tous ensemble pussent se défendre au jour marqué et, au besoin, exterminer leurs ennemis. Ainsi le précédent décret restait en vigueur. Mais les Juifs, maintenant couverts par la faveur royale, étaient en mesure de faire face à leurs persécuteurs. Mardochée sortit du palais avec la couronne d’or et les insignes de sa nouvelle dignité. On s’en réjouit à Suse et une ère de sécurité et de prospérité s’ouvrit pour les Juifs. Esth., viii, 1-15. Le treizième jour d’adar arrivé, les Juifs, soutenus par les autorités locales, tinrent tête à leurs ennemis. A Suse, ils en tuèrent cinq cents, et le lendemain, à la demande d’Esther et sur l’autorisation du roi, trois cents autres. Les dix fils d’Aman furent pendus. Dans les provinces, il y eut 75 000 morts. Le texte sacré remarque par deux fois que les Juifs ne touchèrent pas aux richesses de leurs victimes, bien qu’Aman eût stipulé le pillage de leurs propres biens. Mardochée écrivit ensuite le récit de ce qui s’était passé ; il l’envoya aux Juifs des provinces et régla que le quatorzième et le quinzième jour d’adar seraient désormais pour les Juifs des jours de réjouissance nationale, en souvenir du péril auquel ils avaient échappé. Esth., ix, 20-23.

Mardochée resta premier ministre de Xerxès, Esth., x, 3, mais on ne sait pas combien de temps. Gilmore, The Fragments of the Persika of Ctesias, Londres, 1888, p. 153, a conjecturé qu’il pourrait être identifié avec Matacas, que Xerxès chargea d’aller piller le temple de Delphes. Cf. Ctesias, Persica, 27. La conjecture est à rejeter, le pillage du temple de Delphes ayant eu lieu avant l’arrivée de Mardochée au pouvoir. Voir AssuÉRtis, t. i, col. 1143. Les événements racontés au livre d’Esther eurent lieu au plus tôt en 479, et Xerxès fut assassiné en 465. Étant donné le caractère fantasque du monarque, il est douteux qu’Esther soit restée en faveur auprès de lui jusqu’à la fin et que Mardochée ait conservé sa fonction pendant’sept ou huit ans. Sur le tombeau d’Esther et de Mardochée à Ecbatane, voir Ecbatane, t. ii, col. 1532. — Cf. Oppert, Commentaire historique et philosophique du livre d’Esther d’après la lecture des inscriptions perses, dans les Annales de philosophie chrétienne, Paris, janvier 1864 ; Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, Paris, 6e édit., t. iv, p. 621-670 ; Les Livres Saints et la critique ralionalis

te, Paris, 5e édit., t. iv, p. 599-611.

H. Lesêtre.

2. MARDOCHÉE (JOUR DE), nom de la fête des Phurim dans II Mach., xv, 37. Voir Phurim.

    1. MARES##

MARES (hébreu : Mérés ; omis dans les Septante), un des sept conseillers d’Assuérus (Xerxès I er), roi de Perse. Esth., i, 14. On a rapproché son nom du sanscrit méréS, « digne. »

    1. MARÉSA##

MARÉSA (hébreu : Marêéâh ; Marê’sâh), nom d’un ou de deux Israélites et d’une ville de la tribu de Juda.

1. MARÉSA (Septante : Mapiaà), fils aîné de Caleb (voir Caleb 2, t. ii, col. 58), frère de Jéraméel, de la tribu de Juda, d’après les Septante. D’après l’hébreu et la Vulgate, le fils aîné de Caleb fut Mêsâ’, Mésa, qui est donné comme le père de Ziph, tandis que pour lés traducteurs grecs, qui ne nomment pas Mésa, c’est Marésa qui est le père de Ziph. Les trois textes portent ensuite : « Et les fils de Marésa, père d’Hébron ; » et filii Maresa patris Hebron. La phrase est incomplète et il est malaisé de la comprendre et de rétablir la leçon primitive. Parmi les nombreuses hypothèses qu’on a imaginées pour résoudre la difficulté, aucune n’est pleinement satisfaisante.