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MANUSCRITS BIBLIQUES


et récrits s’appellent palimpsestes (îtàXtv, « de nouveau, » et tpih), « gratter » ). Cet art fut très commun au moyen âge. D’après Grégoire de Tours, Hist. Franc., v, 45, t. lxxi, col. 362, le roi de Neustrie Chilpéric aurait ordonné d’apprendre aux enfants à récrire les vieux parchemins frottés à la pierre ponce ; et l’historien adjure le lecteur de ne pas traiter ainsi son propre livre. Par contre, un concile de 691 défendit de récrire les manuscrits de l’Écriture ou des Pères, à moins qu’ils ne fussent tout à fait hors d’usage. Cf. Wattenbach, Das Schriftwesen des Mittelalters, 3= édit., 1896, p. 299-317.

— Quelquefois l’écriture ancienne apparaît faiblement sous la nouvelle, mais presque toujours, pour arriver à la déchiffrer, il faut recourir à des réactifs chimiques ayant le grave inconvénient d’endommager les manuscrits. Le sulfhydrate d’ammoniaque qui ne laisse pas de traces sur le parchemin ne fait revivre l’écriture que pour un temps. L’acide gallique, tiré de la noix de galle, usité surtout en Italie, corrode le manuscrit qui devient brun foncé, presque noir. La teinture de Gioberti, préférée en France, est moins corrosive, mais elle colore en bleu le parchemin. On a prétendu que les acides avaient détruit plus d’œuvres antiques qu’ils n’en ont rendu à la science. C’est une évidente exagération, car on n’a essayé les réactifs qu’après avoir pris copie du texte plus récent, quand il en valait la peine. — Les palimpsestes jouent un rôle considérable dans la critique biblique. Le plus fameux est le Codex Ephrœmi rescriptus C, mais il convient de mentionner aussi pour les Septante : le Dublinensis rescriptus (fragments d’isaïe), les Tischendorftana fragmenta Z (Isaïe également), le Cryptoferratensis rescriptus V (fragments des prophètes) ; pour le Nouveau Testament grec : le Nitriensis R, les deux Guiilpherbytani P et Q, le Zacynthius S, le Porphyrianus P des Actes, un autre Dublinensis rescriptus, Z des Évangiles. Taylor, Hebrew-Greek Cairo Genizah Palimpsests, Cambridge, 1900, publie deux pages à trois colonnes des Hexaples d’Origène (Ps. xxii [xxi], 15-18, 20-28, ixe siècle), six pages de la version d’Aquila (fragments des Psaumes, y-vi » siècles) et divers fragments du Nouveau Testament d’après des palimpsestes trouvés au Caire. — Les palimpsestes nous ont livré un assez grand nombre de textes des anciennes versions latines. Quand celles-ci furent supplantées par la Vulgate, les codex qui les contenaient, jugés peu utiles, furent sacrifiés et leur parchemin fut employé à d’autres usages. Citons, parmi les plus connus, le Wirceburgensis palimps. (fragments des livres historiques et prophétiques), le Bobiensis palimps. (s des Actes), le Guelpherbytanus (gue de Paul), le Palimpseste de Fleury (h des Actes), le Monacemis (Munich, lat. 6225), Vulgate du ix » siècle dont 39 feuillets palimpsestes contiennent de longs passages du Pentateuque, d’après une ancienne version. Il faut mentionner encore le Legionensis rescriptus (Archives de la cathédrale de Léon) contenant sous une écriture visigothique du Xe siècle un texte de la Lex romana Visigothorum écrit au vie siècle puis 40 feuillets de textes bibliques ; où l’on reconnaît, au moins par endroits, une version préhiéronymienne. Cf. E. Châtelain, Les Palimpsestes latins, dans l’Annuaire de. l’École prat. des Hautes-Études, 1904, p. 542 (liste de 110 palimpsestes latins dont 25 palimpsestes bibliques). Voir aussi Mone, De Ubris Palimpsestis tam latinis quant grsecis, Carlsruhe, 1855 ; Jacob, De nonnullis codic. palimps. in biblioth. majori Paris., dans Mélanges Renier, 1887, p. 347-358, Notes sur les mss. grecs palimps. de la Biblioth. nation., dans Mélanges Havet, 1895, p. 759-770 ; J. Cozza, Sacror. Biblior. vetustissima fragm. Grœca et Latina ex palimpsestis Bibliothecx Cryptoferrat., Rome, 1867. L’abbaye de Grottaf errata, comme celle’de Saint-Gall, paraît particulièrement riche en palimpsestes.

II. Manuscrits hébreux, — 1° Nomenclature critique.

— Kennicott avait collation né par lui-même on fait collationner par d’autres des centaines de manuscrits qu’il désignait par des numéros d’ordre. Dans sa Dissertatio generalis in Vet. Test, hebraicum, Oxford, 1780, il distribuait les manuscrits utilisés par lui en six classes ; 1. Manuscrits d’Oxford n M 1-88 ; 2. autres pays de langue anglaise, n° a 89-144 ; 3. autres pays de l’Europe n » s 145254 ; 4. éditions imprimées et manuscrits divers n° ! 525300 ; 5. manuscrits examinés et collationnés par Brunsius, n° s 301-649 ; 6. nouvelle liste d’imprimés et de manuscrits n M 650-694. De ces 694 numéros, parmi lesquels étaient comptés une quarantaine d’éditions imprimées et 16 manuscrits samaritains, 98 se trouvaient à Oxford, 90 à Paris, 101 à Rome. Kennicott indiquait ensuite, op. cit., p. 121-123, un grand nombre de bibliothèques, publiques ou privées où se conservaient d’autres manuscrits qu’il n’avait pas pu faire examiner, faute de temps et de ressources. — De Rossi publiait bientôt après ses Variæ lecliones Vet. Testamenti, 4 in-4°, Parme, 17841788. Il retenait la numérotation de son prédécesseur pour les manuscrits catalogués par ce dernier. Il y ajoutait une nouvelle liste de 479 manuscrits devenus sa propriété personnelle. Cette liste comprend 17 manuscrits déjà signalés par Kennicott : ainsi le n » 409 de Kennicott est le n° 3 de De Rossi. Il terminait par une troisième liste de 110 mauuscrits conservés en divers lieux. Mais chacun de ss trois derniers volumes contenait une nouvelle liste supplémentaire de 52, de 37 et de 76 numéros respectivement. Cela donne le total énorme d’environ 1300 manuscrits. Depuis, on n’a pas fait de travail critique qu’on puisse comparer à ce gigantesque effort, mais on a collationné avec plus de soin et décrit avec plus de détails un certain nombre de manuscrits particulièrement remarquables. Il faut mentionner surtout l’édition critique de S. Bær, avec préfaces de Frz. Delitzsch, publiée à Leipzig par livres séparés. Ginsburg, lntrod. to the massoretico-critical edit. of the Hebrew’Bible, Londres, 1897, donne une description minutieuse de 60 manuscrits, conservés presque tous en Angleterre et promet pour le dernier volume de son ouvrage un traitement pareil en faveur des manuscrits étrangers. On désigne encore généralement les codex hébreux par les numéros de Kennicott, et de De Rossi ; il est seulement fâcheux que la numérotation ne se suive pas, la série des numéros recommençant trois fois (Kennicott, De Rossi, autres manuscrits).

2° Age et valeur critique des manuscrits hébreux. — Nous avons expliqué pourquoi les manuscrits hébreux sont de date relativement récente. Sauf le codex Oriental 4445 du Musée britannique, qui peut être du IXe siècle, aucun autre n’est antérieur au xe. Il ne faut pas se fier aux dates que portent certains manuscrits. Très souvent ce sont des faux intentionnels ; quelquefois aussi c’est la transcription pure et simple de l’exemplaire qui servait de modèle. On n’en peut rien conclure pour l’ancienneté de la copie qu’on a sous les yeux. A. Neubauer, Earliest Manuscripts of the Old Test., dans Studia Biblica, t. iii, Oxford, 1891, p. 22-36, étudie trois manuscrits datés de 895, de 489 et de 856. Le premier (Prophètes de la synagogue caraïte du Caire) est, selon lui, du xi* ou du XIIe siècle ; dans le second (rouleau du Pentateuque de Saint-Pétersbourg) la date est un faux manifeste ; enfin le troisième (Université de Cambridge n° 12) faussement daté de 856 est tout au plus du xiiie siècle, d’après Neubaner (fig. 200). Au dire de De Rossi, quand il s’agit de codex hébreux, ceux du XHl" siècle passent pour anciens, ceux du xiie pour très anciens et ceux qui remontent plus haut sont des raretés inestimables. De Rossi en cite avec réserve huit ou dix de cette espèce. Varia ? lectiones, etc., t. i, p. xtt-xvh. Mais il ne fait pas difficulté d’avouer que les critères paléographiques sont très incertains. On pourrait dire encore la même chose de nos jours. Pour avoir une idée