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MAMBRE
« lem, j’irai lui offrir un sacrifice. » Et David lui dit : Va

en paix. Et il se leva et alla en Hébron. » L’acte de religion dont Absalom entretient son père ne doit pas lui être exclusif, mais suppose une coutume plus ou moins générale. Si, d’autre part, les Israélites recherchaient pour ces pratiques les endroits mêmes où s’étaient arrêtés leurs ancêtres, comme on le voit plus spécialement pour Moréh, près de Sichem, peut-on douter qu’en nommant Hébron, Absalom ne fasse allusion à l’endroit même où ont séjourné les ancêtres et où Abraham a élevé un autel, c’est-à-dire à Mambré ? Quand Josèphe, dix siècles plus tard, parle, Ant. jud., i, x, 4, du lieu près d’Hébron où a habité Abraham et dont le souvenir s’est perpétué, il témoigne par là même de la vénération ou du culte des peuples pour ce lieu sacré. — Ce culte antique, continué jusqu’au IVe siècle, est du reste attesté formellement par l’histoire ecclésiastique. Faisant mention de Mambré, où Abraham accueillit ses hôtes célestes, Eusèbe ajoute : « Jusqu’à ce jour, ce lieu est vénéré comme divin (Œïoç), par les peuples voisins, en l’honneur de ceux qui apparurent à Abraham, et l’on y voit jusqu’à maintenant le Térébinthe. » Demonstr. evang., v, 9, t. xxii, col. 583. L’affluence à une époque déterminée de l’année, peut-être au temps présumé de la visite des anges, était innombrable, et l’on y voit établie, une foire annuelle, célèbre au loin et à laquelle on accourait non seulement de toute la Palestine, mais encore de la Phénicie et de l’Arabie. Sozomène, H. E., il, 4, t. Lxii, col. 496. Cette foire, s’il faut en croire ia Chronique pascale, an. 119, t. xcii, col. 614, aurait été, ainsi qu’une foire du même genre tenue à Gaza, appelée foire « hadrienne », du nom d’Hadrien, qui l’aurait instituée, après la prise de Béther et la chute de Barchochébas (135), pour y exposer en vente les Juifs pris dans la guerre. Cf. Michel Glycas, Annales, p. iii, t. clviii, col. 454 ; S. Jérôme. Conirn. in Hiereni., c. xxxi, t. xxiv, col. 877 ; Id., In Zachar., c. xi, t. xxv. col. 1500-1501. Les Juifs, les chrétiens et les païens avaient également Mambré et son chêne en vénération. Cf. Jules Africain, Chron. fragm., xi, t. x, col. 72. Les païens y exerçaient aussi leurs pratiques superstitieuses. Sur l’autel dressé près du chêne, ils répandaient leurs libations de viii, brûlaient de l’encens ou immolaient des bœufs, des boucs et des coqs, et jetaient dans le puits des pièces de monnaie et divers autres objets précieux. L’empereur Constantin fit cesser ces abus. L’autel et les statues furent détruits, le chêne lui-même fut abattu et l’on ne laissa que son tronc en terre. Le culte chrétien devait prendre la place du culte païen et un sanctuaire votif (oîxoç eùr/ipfoî) fut élevé, remarquable par sa richesse et sa beauté, atteste le pèlerin de Bordeaux, t. viii, col. 792, quelques années plus tard. Sozomène, H. E., H, 4-5, t. LXVII, col. 491-496 ; Socrate, H. E., { i, 18, col. 123 ; Eusèbe, Vita Constantini, m, 51-53, t. xxii, col. 1111-1114 ; Id., Onomasticon, au mot Arboc, édit. 1862, p. 54-57 ; S. Jérôme, De situ et nomin. loc. hebr., t. xxiii, col. 862 ; Nicéphore Caliste, H. E., viii, 30, t. cxlvi, col. 115-117. — Les murs à gros blocs du l.iarâm Remet el-Khalîl, dont nous avons parlé, seraient, d’après quelques écrivains, les restes de la basilique élevée par ordre de l’empereur Constantin ; mais, suivant d’autres, cette conjecture ne peut se soutenir et est formellement démentie par l’histoire. C’est à l’enceinte du fyarâm que fait allusion, on ne peut pas en douter, Sozomène décrivant « le lieu à ciel ouvert et cultivé où il n’y a d’autre construction que celle élevée par Abraham autour du chêne et le puits creusé par lui ». On peut ne pas accepter le sentiment de l’historien sur l’origine de ce monument, bien que Josèphe. Ant. jud., i, xiv et xx.li, lui aussi, attribue à Abraham et aux anciens patriarches la" construction de l’enceinte de Macpêlah et quoique l’on ne puisse nier que leurs contemporains fussent

en état d’élever des monuments de cette nature ; mais il faut avouer que son témoignage suffirait à empêcher de confondre l’enceinte de Mambré avec les murs de la basilique constantinienne. Les caractères archéologiques seuls du monument, sa forme, la grandeur de l’appareil, l’absence de tout ciment, ne déclarent-ils pas suffisamment qu’il est sans relation avec une église chrétienne du ive siècle et n’attestent-ils pas, comme le fait justement observer Victor Guérin, une époque bien antérieure à Constantin ? « C’est, continue le même explorateur, un véritable téménos ou enceinte sacrée qui renfermait peut-être l’autel sur lequel Abraham avait offert des sacrifices au Seigneur. La même enceinte contenait aussi l’arbre près duquel ce patriarche avait planté sa tente et le puits qu’il avait creusé. » Judée, t. iii, p. 52. M. Guérin semble plutôt incliner à l’attribuer aux Iduméens quand ils étaient en possession de ce pays. Les ruines de l’église seraient probablement, selon lui, les débris de l’édifice situé à l’orient du harâm. Quoi qu’il en soit, c’est Constantin, qui a dû débarrasser le puits d’Abraham des objets de superstition qui l’encombraient, qu’il faut aussi faire remonter, semble-t-il, la restauration du puits. Le zèle de l’empereur pour purifier et embellir Mambré ne pouvait qu’exciter la dévotion des pèlerins. Saint Jérôme, vers 383, y amenait les nobles descendantes des Scipion, sainte Paule Romaine et sa fille Eustochium, pour leur faire contempler « la demeure de Sara, le berceau d’Isaac, et les vestiges du chêne d’Abraham, sous lequel il vit les jours du Christ et se réjouit ». Epist. cviii, ad Eustock., t. xxii, col. 886 ; cf. Epist. XLVi, Paulse et Eustochii ad Mareellam, ibid-, col. 490. La relation de l’archidiacre Théodosius (vers 530) et celle d’Antonin le Martyr, de Plaisance (vers 570), montrent qu’aucun pèlerin ne se dispensait de la pieuse visite de Mambré. Cf. Théodosius, De Terra Sancta, Genève, 1877-1880, p. 70 ; Antonin de Plaisance, Itinerarium, 16, t. lxiii. col. 905. Les pèlerins chrétiens ne seront pas arrêtés par l’occupation mahométane du pays. Trente-cinq ans environ après la conquête d’Omar (637), l’évêque gaulois Arculfe visitait encore « la vallée de Mambré ». Il y voyait un tronc de chêne planté en terre, considéré comme le noble reste de l’antique chêne d’Abraham, et mesurant deux tailles d’homme ; on prenait de son écorce comme relique. Le pèlerin semble confondre lui aussi l’antique enceinte entre les deux grands murs de laquelle il voit le débris du vieux chêne, avec les murs de la basilique byzantine qui paraît déjà renversée. Adamnan, De locis sanclis, t. lxxxviii, col. 797-798. Si le bibliothécaire du Mont-Cassin, Pierre Diacre, signale encore, au XIIe siècle, « l’autel dressé en cet endroit et l’église qui est devant, » c’est d’après des descriptions antérieures, reproduites par lui, en même temps que celle d’Arculfe. De locis sanctis, t. clxxiii, col, 1123.

3° Le chêne de l’ouàdi Sebtâ ou le faux chêne de M&mbré. — À l’époque des Croisades, l’attention des visiteurs européens semble avoir été détournée des ruines dont nous venons de parler, pour se diriger vers Vouâdi Sebtâ. Là, à un kilomètre et demi de distance, au sudsud-ouest du khirbet en-Nasâra, et à 2 kilomètres vers l’ouest d’Hébron, sur le flanc de la colline couverte de vignes, vers le sommet de laquelle la Société russe de Pale>Uije a élevé un bel hospice pour les pèlerins, se voyait, il y a vingt ans, un superbe chêne vert de 30 mètres de hauteur. Voir t. ii, fig. 242, col. 655. Depuis quelques années l’arbre a dépéri et, à l’exception d’une des branches à l’extrémité de laquelle un faible filet de sève entretient encore un maigre bouquet de feuilles qui ne tardera pas à disparaître, l’arbre géant est complètement desséché. Cet arbre était tenu par le peuple pour le chêne d’Abraham dont parlent les anciens. Cette erreur paraît remonter au commencement du xii « siècle. La description de l’higoumène russe Daniel (1106), en indiquant le chêne de Mambré, à la droite du chemin