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5.1

LAMENTATIONS

m

désolation qui suivit immédiatement la ruine de Jérusalem. L’époque de la composition peut être, jusqu’à un certain point, déterminée en comparant Lam., i, 3 : v, 6, et Jer., xli, 1 ; lii, 6, 12 ; IV Reg., xxv, 8. Cf. Bleek, Eirileitung in das Alte Testament, 1878, p. 503 ; Trochon, Jérémie, p. 340 ; Knabenbauer, In Dan., p. 374, 375.

VI. Canonicité. — On n’a jamais soulevé de contestation sur la canonicité des Lamentations. Ce livre a toujours fait partie du canon juif, et du canon chrétien. Voir Canon, t. ii, col. 137-162. Cf. Eaulen, Einleitung, 3e édit., p. 372.

VII. Texte. — Le texte original est l’hébreu ; cependant ce n’est pas un hébreu pur et absolument classique ; il présente parfois quelques formes irrégulières et chaldaïsantes. Les Lamentations se trouvent dans toutes les versions.

VIII. Style. — Le style des Lamentations est d’une poésie et d’une beauté remarquables ; il présente toutes les qualités qu’on peut désirer dans ce genre littéraire : vif, imagé, expressif, grave, en un mot en harmonie avec les idées qu’il exprime etles malheurs qu’il retrace. Aussi a-t-on toujours admiré les beautés littéraires des Lamentations. Pour les éloges qu’on a toujours faits des Lamentations, cf. Lowth, De sacra poesi Hebrxorum, prælect. xxii, p. 458-4-60 ; Trochon, Jérémie, p. 341, 342, § vi.

IX. Forme littéraire des Lamentations. — I. le rythme. — Tout le monde admet que les cinq élégies des Lamentations sont en vers ; mais on n’est pas d’accord sur le caractère de la métrique ou la nature du vers. Cf. Maldonat, Comment, in Jer., Mayence, 1611, p. 248. Ainsi, d’après Bickell, Carniina hebraïca meirice, p. 112-120, les quatre premiers poèmes sont des vers de douze syllabes ; Gietmann, De re metrica Hebrseorum, p. 58, pense que les quatre premiers poèmes se composent de vers de neuf [— onze] syllabes ; quant au cinquième poème, ils reconnaissent tous les deux qu’il se^xompose de vers de sept syllabes. Dans ces derniers temps, K, Budde, Das hebrâische Klagelied, dans Zeitschrift fur die Alttest. Wissenschaft, 1882, p. 1-52, a fait une étude approfondie de la métrique des Lamentations. Il observe que le rythme de Lam., iiv, se rencontre dans d’autres endroits de l’Ancien Testament, qui sont aussi des élégies ; il en conclut que c’est le rythme propre aux élégies. Le vers se composerait d’un ou plusieurs membres ; mais chaque membre, qui ne contient en moyenne pas plus de cinq ou six mots, serait divisé par une césure en deux parties inégales : la première ayant la longueur ordinaire d’un membre, la seconde étant plus courte, et très souvent sans parallélisme d’idées avec la première. On peut voir l’application de cette théorie dans les exemples suivants :

i, 1. Comment la ville est-elle assise solitaire, — elle qui était pleine de peuple ? Elle est devenue comme une veuve, — elle qui était la maîtresse des nations : La reine des provinces, — elle est devenue tributaire.

n, 3. Il a brisé dans l’ardeur de sa fureur rtoute la corne d’Israël : Il a ramené en arrière sa main droite — de devant l’ennemi : Il a allumé dans Jacob comme un feu brûlant — qui a dévoré tout autour.

m, 1-3. Je suis un homme qui voit son affliction — sous la verge de son indignation : Il m’a conduit et fait marcher — dans les ténèbres et non dans la lumière : Il a tourné et retourné sa main contre moi — tout le jour.

Le premier membre est quelquefois d’une longueur démesurée, par exemple : ii, 13 a ; iii, 56 ; iv, 18 b, 20° ; quelquefois il ne contient que deux mots, quand ces mots sont très longs, par exemple : I, l b, c, 4e, 9 b ; quelquefois, ce qui arrive plus rarement, il y a une légère collision entre le rythme et la pensée, par exemple : i, 10e, 13° ; ii, 8 b. Cependant certains vers ne peuvent pas se ramener à ce type ; Budde suppose, Zum liebrâische Klagelied, dans Zeitschrift, 1892, p. 264, que dans ces cas le texte ne nous est pas parvenu intact. Les morceaux

de l’Ancien Testament qui se ramèneraient au type métrique des Lamentations seraient surtout : Is., xiv, 4 b -21 (élégie sur le roi de Babylone) ; Ezech., xix ; xxvi, 17 (à partir de’êk, « comment » )-18 ; xxviii, 18, 19 ; Jer., îx, 9 b (à partir de mê-’ôf, « depuis l’oiseau » )-10, 18, 20-21 (dabbêr koh ne’um Yehôvâh, « dis : ainsi parle Jéhovah, » élant omis [Septante] ou regardé comme une parenthèse) ; xxii, 6 (à partir de Gil’âd, « Galaad » )-7, 21-25 ; Am., v, 2.

II. LA stropbiqVe. — Elle n’est pas partout uniforme. Dans les trois premières élégies (Mi), la strophe a trois vers ; dans la quatrième et la cinquième (iv, v) elle se compose de quatre vers. Dans i, ii, iv, le nombre des strophes est de vingt-deux selon le nombre même des lettres de l’alphabet hébreu ; m a vingt-deux strophes et 66 versets (membres), chacun des trois vers d’une mêmestrophe commençant par la même lettre de l’alphabet ; v se compose aussi de vingt-deux strophes. En outre la cinquième élégie est un remarquable exemple d’assonance ; sur les quarante-quatre vers et les vingt-deux versets dont elle se compose, la syllabe nù se rencontre trente-trois fois : l a, >, 2<s 3% b. 4°, b, 5°, ii, 6°, 7 a, b, 9% 10°, Ils 15°, b, 16V, 17 a. b, 20°, b, 21% b, 22% b.

m. LE caractère acrostiche. — Les quatre premiers poèmes (i-rv) sont acrostiches ou alphabétiques, c’est-à-dire que chaque strophe commence par une lettre de l’alphabet hébreu, Aleph, Beth, etc. On a cherché la raison de cette forme alphabétique, et l’on a fait plusieurs hypothèses. 1° Les uns n’y ont vu qu’un expédient mnémonique, un moyen d’aider la mémoire. 2° Bickell pense que cette forme indique qu’on traite le même sujet depuis le commencement jusqu’à la fin. 3° On y voit plus généralement une simple disposition, propice à un genre particulier de poésie : c’est lorsque le sujet qu’on y traite est un, mais d’autre part non susceptible d’un développement logique et régulier ; on supplée alors à ce défaut par la répétition qui donne de l’intensité à l’expression des sentiments et des émotions. Cf. Driver, Introduction, p. 459 ; Knabenbauer, In Dan., p. 366, 367.

X. Usage liturgique des Lamentations. — La Synagogue et l’Église ont toujours fait le plus grand cas des Lamentations. Dans les circonstances les plus douloureuses, elles empruntent les accents du prophète pleurant les malheurs de sa patrie pour exprimer leurs émotions. Après la captivité, les Juifs rentrés dans leur patrie voulurent perpétuer la mémoire des maux qu’ils avaient soufferts. Chaque année, le neuf du mois A’Ab quillet) ils jeûnèrent et lurent dans les synagogues les Lamentations de Jérémie. Cet usage se perpétua dans la suite. Cf. Rosenmûller, In Jeremiee Threnos proœmium. L’Église catholique a emprunté aux Lamentations les leçons de l’office des trois derniers jours de la Semaine sainte.

XI. Bibliographie. — Origène, Selecta in Threnos, t. xiii, col. 606-652 ; Théodoret de Cyr, In Threnos, t. lxxxi, col. 779-806 ; S. Éphrem, S. Ephrxm Syri hymni et sermones, dans Lamy, t. ii, in-4o, Malines, 1886, p. 217-228 ; Olympiodore, In Jer. Lament., t. xcni, col. 725-761 ; Raban Maur, Expositio super Jer., t. CXI, col. 1181-1272 ; Paschase Radbert, In Threnos, t. cxx, col. 1059-1256 ; Guibert, TropologiminLam.Jer., t. clvi, col. 451-488 ; Rupert, In Jer., t. cxxvil, col. 1378-1420 ; Hugues de Saint-Victor, In Threnos Jer., t. clxxv, col. 255-322 ; Albert le Grand, In Threnos Jer., t. VIII de ses œuvres, Lyon, 1651, p. 1-39 ; S. Bonaventure, Expositio in Lam. Jer., t. x de ses œuvres, Paris, 1867, p. 138-206 ; dans les œuvres de saint Thomas, t. xiii, se trouve un petit commentaire que les critiques attribuent à Thomas de Galles ; del Rio, Corn. Utter. in Threnos, in-4o, Lyon, 1608 ; *Tarnow, Comment, in Threnos, in-4°, Rostock, 1642, et Hambourg, 1707 ;

  • Lessing, Observationes in tristitiaJer., in-8o, Leipzig,

1770 ; * Pareau, Threni Jer. philologice et critice illustrati, in-8o, Leyde, 1790 ; *Neumann, Jeremias und Klageheder, in-8o, Leipzig, 1858 ; L. A. Schneedorfer, Die