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ces êtres aucun principe funeste d’anéantissement, il n’y a pas sur la terre de domination de l’Adès. Car la justice est immortelle (tandis que par l’injustice s’acquiert la mort). Ce sont les impies qui l’ont appelée du geste et de la voix. » Sap., i, 13-16. — « 2° Quand on sème l’injustice, on en récolte les fruits, » Job, iv, 8 ; Prov., xxii, 8, et s le malheur poursuit les pécheurs ». Prov., xiii, 21. Cette conséquence est constamment rappelée, surtout dans l’Ancien Testament, sous forme tantôt de menace, tantôt d’axiome, tantôt d’explication des faits historiques. Deut., xxxi, 17, 29 ; xxxii, 23 ; Jud., III, 7, 8, 12 ; iv, 2 ; vi, 1 ; II Reg., xii, 9, 11 ; III Reg., ix, 9 ; xxi, 20, 21 ; II Par., vii, 22 ; xxxiv, 24, 25 ; II Esd., xiii, 18 ; Ps. vii, 15, 16 ; Sap., xiv, 27 ; Eccli., iii, 29 ; Is., iii, 11 ; Jer., ii, 3 ; xi, 11 ; Dan., ix, 13 ; I Mach., i, 12 ; Rom., ii, 9 ; I Tim., vi, 10, etc. — 3° De là vient que toute vie humaine est visitée par le mal physique, soit à cause des péchés de la race, soit à cause des fautes personnelles. Le vieux Jacob dit au pharaon d’Egypte : « Les jours des années de ma vie ont été peu nombreux et mauvais. » Gen., xlvii, 9. Job dit aussi que le sort de l’homme sur la terre est celui du soldat et du mercenaire, Job, vii, 1, que sa vie est courte et remplie de misères. Job, xiv, 1, 2. Le Psaume xc (lxxxix), 7-10, exprime avec énergie la même idée. L’Ecclésiaste, II, 23, constate que, pour l’homme qui a travaillé avec sagesse et succès, « tous ses jours ne sont que douleur et son lot n’est que chagrin. » Jérémie, xx, 18, exhale la même plainte : « Pourquoi suis-je sorti du sein de ma mère afin de voir la souffrance et la douleur ? » — 4° Au temps de Notre-Seigneur, il circulait parmi les Juifs une opinion d’après laquelle le mal physique qu’on apporte en naissant, la cécité, par exemple, pouvait être la conséquence soit de péchés commis par les parents, soit de ceux que l’âme* elle-même aurait commis dans une vie antérieure ou du moins dans le sein de la mère. Joa., ix, 2. Saint Jérôme, Epist-, cxxx, ad Demetriad., 16, t. xxii, col. 1120, dénonce comme une impiété originaire d’Egypte et d’Orient la théorie qui prétend que « les âmes, jadis dans les régions célestes, ont été condamnées à cause d’anciennes fautes et comme ensevelies dans des corps humains, de sorte qu’en cette vallée de larmes nous ne faisons ^ue subir la peine de péchés antérieurs ». Les rabbins du Talmud et ceux du Sohar croyaient à cette préexistence des âmes et ne le faisaient que d’après la tradition de leurs devanciers. Cf. Franck, La Kabbale, Paris, 1843, p. 177. Notre-Seigneur déclare formellement que l’infirmité de l’aveugle-né n’a pour cause ni ses péchés, ni ceux de ses parents. Joa., ix, 3. II suit de là que si, en général, le mal physique est la conséquence du mal moral, et que si, comme l’expérience le prouve, la cause de bien des infirmités doit être attribuée à l’atavisme, on n’a pas le droit de conclure de l’existence d’un mal physique à une culpabilité personnelle ou à celle des parents. Cf. Frz. Deiitzsch, System der biblhchen Psychologie, Leipzig, 1861, p. 299, 464.

il. ses raisons d’être. — 1° Bien que, pour l’humanité en général, la raison d’être du mal physique s’explique par son caractère originel de châtiment, on ne manqua pas d’observer, dans la répartition des souffrances et des épreuves de toute nature, des inégalités et des injustices apparentes qui constituaient un problème difficile à résoudre pour la raison humaine, et dont cependant les âmes religieuses cherchaient à Justifier fa Providence. Pourquoi tant de maux frappentifs f’homme de bien ? Le Seigneur n’avait-il pas promis très formeilement à l’Israélite, en retour de sa fidélité, toutes les bénédictions temporelles pour lui, sa famille, ses troupeaux et son sol, Deut., xxviii, 2-14 ; xxx, 4-10, tandis que les cafaraités, ies mafadies, ies épreuves de toute sorte, fa mort violente, devaient être le salaire de

la méchanceté des actions ? Deut., xxviii, 15-68 ; xxx, 17, 18. D’autre part, ne voit-on pas souvent les méchants prospérer, échappant ainsi à l’épreuve et à la peine qui devraient être, semble-t-il, la conséquence naturelle de leur impiété ? De là un scandale perpétuel, dont un descendant d’Asaph s’est fait l’écho en ces termes :

J’enviais le bonheur des méchants

En voyant la paix des impies.

Ils sont sans tourments jusqu’à la mort,

A leurs corps demeure la vigueur.

Exempts des souffrances humaines,

lis ne sont point trappes comme les autres…

Et l’on dit : Dieu y fait-il attention ?

Le Très-Haut en a-t-il connaissance ?

Voilà ce que sont les méchants :

Toujours heureux, croissant en richesses !

En vain donc mon cœur reste pur,

Et mes mains demeurent innocentes.

Chaque jour je suis frappé,

Dès le matin, c’est l’épreuve

Ps. Lxxm (lxxii), 3-14.

2° Le fivre de Job est consacré tout entier à débattre le probième et à en chercher la sofution. Job, accablé d’épreuves subites, formellement attribuées par le livre sacré à la malice de Satan, qui agit avec la permission de Dieu, se soumet humblement à la volonté divine : « Le Seigneur a donné, le Seigneur a ôté ; comme il a plu au Seigneur, ainsi soit fait ; le nom du Seigneur soit béni ! » Job, i, 21, et il répond à sa femme, moins patiente que lui : « Si nous avons reçu les biens de la main de Dieu, pourquoi n’en recevrions-nous pas les maux ? » Job, ii, 10. Ainsi le saint homme, bien que conscient de sa justice, ne songe point à incriminer la Providence ; il accepte le mal physique comme une chose qui vient de Dieu même, sans en chercher l’explication. Mais arrivent ses trois amis, qui soutiennent successivement qu’il n’y a de malheureux que les méchants, Job, iv, 8, 9 ; v, 3-5, que Job et ses fils ont dû être gravement coupables, Job, viii, 34, que lui-même est encore traité avec plus d’indulgence qu’il ne mérite, Job, xi, 6, que l’impie est nécessairement frappé par Dieu, Job, xv, 20-35 ; xviii, 5-21 ; xx, 5-29, qu’enfin pour être ainsi traité, Job a dû commettre tous les crimes. Job, xxii, 5-10. Le saint homme se défend en disant que Dieu peut réprouver même sans sujet, puisqu’if est le souverain maître, Job, IX, 17, qu’il frappe l’innocent aussi bien que l’impie, Job, ix, 22, qu’il faut avoir confiance en lui, malgré ses rigueurs, Job, XIII, 15, que lui-même est assuré qu’au jour de la résurrection, il trouvera en Dieu le vengeur de son innocence, Job, xix, 25-27, qu’enfin te bonheur indéniabfe des impjes ôte toute leur valeur aux assertions de ses amis. Job, xxi, 7-15. Eliu intervient alors pour expliquer que l’épreuve détourne l’homme du mal et le préserve de l’orgueil, Job, xxxiii, 17, 27-30, que Job a certainement des fautes à expier, Job, xxxiv, 36, 37, et qu’il doit en appeler à la miséricorde de Dieu. Job, xxxvi, 7-16. Dans la théophanie qui termine la discussion, c’est surtout la majesté et la toute-puissance divines qui sont mises en lumière. L’homme n’a qu’à se taire en face de son maître souverain. Dieu atteste cependant que Joli à" raison contre ses amis, Job, xiii, 7, et il lui rend les biens dont il a été momentanément privé. Cf. Job, t. iii, col. 1571-1574 ; Lesêtre, Le livre de Job, Paris, 1886, p. 19-22. Il résulte de cette analyse que, pour l’auteur du livre, le mal physique atteint l’innocent lui-même, qu’il l’aide à expier ses propres fautes et le prémunit contre le mal moral, mais qu’en somme Dieu, dans sa souveraine sagesse, n’a pas révélé à l’homme la solution totale du mystère de la souffrance.

— 3° Dans les Psaumes, la question est surtout envisagée au point de vue de la prospérité des impies, qui s’effondre à un moment donné. Voir Impie, t. iii,