Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome IV.djvu/278

Cette page n’a pas encore été corrigée
523
524
MACPÊLAH


en ogive reposent sur quatre forts piliers en faisceaux couronnés de chapitaux corinthiens. Les architectes qui ont pu visiter la mosquée croient la construction l’œuvre des Croisés, à l’exception de quelques parties demeurées de l’époque bysantine. L’ameublement et l’ornementation sont ceux des autres sanctuaires musulmans. Devant les deux piliers du fond s’élèvent deux cénotaphes, ayant la forme de petits temples carrés se terminant en pyramide et recouvert de tapis de damas vert brochés d’or et d’argent : le cénotaphe de droite est celui d’Isaac et celui de gauche est dédié à Rébecca. La mosquée est précédée d’un vestibule à portique dans lequel se trouvent deux petits sanctuaires à coupole renfermant, celui à droite de la porte, le cénotaphe d’Abraham, et celui de gauche, le cénotaphe de Sara, l’un et l’autre disposés comme les monuments de la grande mosquée. Les cénotaphes de Jacob et de Lia, semblables aux précédents et établis, le premier en face du cénotaphe d’Abraham, celui de Lia en face du cénotaphe d’Isaac, se trouvent à l’extrémité de l’esplanade qui précède la mosquée, dans un bâtiment spécial. On s’y rend en traversant une cour large de 10 mètres, dans le sens de l’axe de l’enceinte, et longue de 20 mètres. Au fond de cette cour, au côté opposé à la porte de l’enceinte, est la mosquée des femmes de laquelle, par une autre ouverture pratiquée dans la grande muraille, on passe dans « la mosquée de Joseph ». Ce petit édifice surmonté d’un dôme renferme un septième cénotaphe appelé « le tombeau de Joseph » parce que là, prétendent à tort les gardiens de la mosquée, a été enseveli ce patriarche, fils de Jacob. Ce monument, comme tous les autres cénotaphes, paraît dater de l’époque musulmane. Il est à l’extérieur de l’enceinte, contre la muraille faisant face au sud-ouest et sous le minaret établi à l’angle occidental du haram.

3° La caverne inférieure. — Cette partie la plus vénérable de Macpêlah et pour laquelle a été construite la grande enceinte, ne paraît pas avoir été visitée d’aucun chrétien depuis la chute du royaume latin de Jérusalem. Ni l’or ni le prestige des personnages royaux qui, en vertu de firmans spéciaux délivrés par les sultans de Stamboul, ont pu pénétrer dans l’enceinte sacrée, n’ont pu leur obtenir des farouches gardiens du garant de faire ouvrir devant eux la grille de fer qui tient fermée l’entrée de la caverne. Les musulmans eux-mêmes, retenus par un respect superstitieux, semblent craindre de plonger leurs regards dans la grotte mystérieuse. Le premier voyageur européen qui, après cinq siècles, a pu, en 1807, franchir le seuil du liaram, l’Espagnol Baria, plus connu sous son nom de renégat Aly bey, n’est point descendu dans la grotte. Les maigres détails que nous avons sur l’état actuel de la partie inférieure de Macpêlah nous sont fournis par un ingénieur, ancien architecte de la municipalité de Jérusalem, le Piémontais Pierotti. D’après lui, l’entrée primitive de la caverne se trouverait du côté du nord, dans la mosquée voisine A’ehDjaûly, dissimulée sous un faux sarcophage qui la couvre. L’entrée actuelle est pratiquée dans le roc formant la voûte de la caverne, en face de la porte principale de la grande mosquée, dans le vestibule, entre les deux sanctuaires d’Abraham et de Sara. La grille de fer qui la recouvre est munie d’une puissante serrure. On y descend par un escalier taillé dans le roc, de m 70 de largeur. Six autres ouvertures, larges d’environ m 30, ont été pratiquées de même dans le roc de la voûte, près de chacun des cénotaphes, pour y descendre près des tombes inférieures, des lampes entretenues par les dons des fidèles de l’islam ; par elles on constate que la caverne s’étend dans toute la longueur de l’enceinte ; la largeur de la grotte serait moindre, d’après les renseignements recueillis par Pierotti. Le 7 janvier 1859, cet ingénieur ayant trouvé l’occasion de’pénétrer dans le haram, constata, au moyen d’une corde graduée descendue par les ouvertures, deux niveaux différents dans le

sol inférieur de la caverne. Le 25 août de la même année, ayant réussi, malgré l’opposition du gardien, à descendre cinq marches de l’escalier, Pierotti put, en se courbant, promener son regard dans l’intérieur de la grotte. Il remarqua, dans la direction du nord, au-dessous de la place que doivent occuper les cénotaphes de Jacob et de Lia, des sarcophages de pierre blanche et du côté méridional, à proximité de l’escalier, la paroi rocheuse, et dans cette paroi une ouverture et des marches basses taillées dans le roc, mettant en communication les deux parties de la caverne. Cette cloison rocheuse semble correspondre au mur antérieur de la mosquée qu’elle doit supporter. Voir Macpéla ou tombeau des patriarches à Hébron, in-8°, Lausanne, 1869^ p. 92-96. — Un document du xii 8 siècle, publié en 1883, par le comte Riant, et racontant l’invention des tombeaux des patriarches à Hébron, fournit quelques détails sur l’état de la caverne à cette époque. Les chambres sépulcrales où furent trouvés les ossements des patriarches étaient au nombre de deux. Elles étaient précédées d’un vestibule, d’un couloir large d’une aune ou coudée, long de dix-sept et haut de onze, et d’une salle circulaire appelée, dans la narration, basilique ou. sanctuaire, où pouvaient se réunir trente personnes. Cette pièce était fermée par des pierres parfaitement jointes. Devant l’entrée de cette salle fut trouvée, également fermée par une pierre taillée en forme de coin, l’ouverture par laquelle on pénètre dans la première chambre sépulcrale. Le sol était de terre et renfermait des ossements. L’entrée de la seconde grotte sépulcrale était au fond de la première, de même soigneusement fermée. On trouva dans cette salle des ossements et un corps scellé. À gauche de la dernière entrée et en face d’une inscription, on découvrit encore une cavité dans laquelle étaient environ quinze vases d’argile pleins d’ossements. Voir Riant, Invention de la sépulture des patriarches Abraham, Isaac et Jacob à Hébron, le 5 juin 1119, dans les Archives de l’Orient latin, in-4°, Gènes, 1883, t. ii, p. 411-421. La description du juif Benjamin de Tudèle mentionne, en 11 73, trois chambres : deux où l’on ne voit rien et la troisième où se trouvent les six sépulcres avec des inscriptions. Le pèlerin vil aussi (Itinéraire, édit. L’Empereur, Leyde, 1733, p. 48-49) des vases (riva) renfermant des ossements d’Israélites. Ce sont à peu près tous les renseignements que l’on peut obtenir des descriptions tant anciennes que modernes, sur la nature et l’état de la caverne de Macpêlah.

IV. Histoire. — 1° Les sépulcres de Macpêlah d’après la Genèse et la tradition juive. — 1. La caverne de Macpêlah était la propriété d’Éphron le Héthéen et se trouvait à l’extrémité de son champ. Sara étant morte à Hébron, Abraham monta de Bersabée en cette ville, pour y ensevelir son épouse. Il proposa à Éphron d’acheter la caverne. Après les longs et cérémonieux pourparlers de coutume en Orient dans ces circonstances, la caverne avec le champ et ses arbres fut cédée en propriété perpétuelle à Abraham, pour quatre cents sicles d’argent, poids équivalant à environ 1200 francs de notre argent, mais de valeur bien supérieure. Le patriarche ensevelit ensuite Sara dans la caverne. Gen., xxm. Quand Abraham mourut, ses deux fils, Isaac et Ismaël, l’ensevelirent prés de son épouse. Gen., xxv, 9-10. Isaac à son tour fut déposé, après sa mort, dans la grotte de Macpêlah, par ses deux fils, Jacob et Ésaû. Rébecca y avait précédé son époux et Lia, décédée avant le départ de la famille de Jacob pour l’Egypte, était venue déjà y attendre le retour des restes mortels de son mari. Gen., xxxv, 29 ; xlix, 30-31. Jacob, voyant approcher son dernier jour, appela son fils Joseph et lui fit jurer de ne pas l’ensevelir en Egypte, mais de transporter son corps dans le sépulcre qu’il s’était creusé pour lui-même dans la terre de Chanaan. Gen., , XLvn, 29-31 ; l, 5. Avant d’expirer, il avait renouvelé devant tous ses enfants réunis, l’ordre de l’ensevelir avec ses pères dans la grotte.