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LUC (ÉVANGILE DE SAINT)


cher, Einleitung in das N. T., 3 « et 4e édit., Tubingue et Leipzig, 1901, p. 265, conclut que la littérature évangélique était « déjà dans sa fleur », quand saint Luc écrivit son récit. Assurément, l’auteur s’excuse d’entreprendre son ouvrage, alors que d’autres l’ont précédé dans cette voie. Néanmoins, il se propose de faire mieux que ses devanciers. La manière dont il s’exprime laisse entendre que la littérature évangélique n’était encore qu’à ses débuts. S’il y avait eu beaucoup d’écrits évangéliques complets, et non de simples essais, saint Luc n’aurait pas, semble-t-il, commencé une œuvre nouvelle.

— 2. Les discours eschatologiques de Notre-Seigneur, tels qu’ils sont rapportés par saint Luc, montrent, disent certains critiques, non seulement que cette rédaction est postérieure à celle des deux autres évangélistes, mais encore qu’elle a été faite après la ruine de Jérusalem. En effet, la description du siège de Jérusalem, Luc, xix, 43, 44, est faite en termes si concrets et si précis que la prophétie devait être déjà réalisée. Tandis que saint Matthieu et saint Marc rapprochent et confondent l’annonce de la ruine de Jérusalem et celle de la parousie, saint Luc, xxi, 24, paraît connaître l’existence d’un intervalle entre ces deux événements. "Voir t. ii, col. 2271-2272. Mais en saint Matthieu et en saint Marc il n’y a pas nécessairement connexion de temps entre les deux événements, et il y a moyen d’introduire un intervalle considérable dont la durée n’est pas fixée. Voir t. ii, col. 2274. D’autre part, si saint Luc est plus précis, c’est qu’il a été plus complètement et plus exactement renseigné. Il n’est donc pas nécessaire de supposer réalisée la destruction de Jérusalem.

2° Témoignages extrinsèques. — 1. Dans le prologue des Actes, i, 1, saint Luc parle de son Évangile comme d’un ouvrage antérieur, tov |iiv Ttpûtov X6yov, composé précédemment. La date du SeÙTEpoç Xdyoç, si elle était fixée avec certitude, servirait à déterminer la date du troisième Évangile. Mais les critiques restent en désaccord au sujet de l’époque de la composition des Actes. Si beaucoup la fixent aux années qui ont suivi de près les derniers événements racontés, voir t. i, col. 155, d’autres nient la dépendance des deux écrits et rabaissent leur âge. P. Batiffol, Anciennes littératures chrétiennes. La littérature grecque, Paris, 1897, p. 32-33. Les Actes ont donc été écrits avant 64, ou entre 78 et 93, ou vers 100 et 105, et le troisième Évangile un peu auparavant, selon les opinions. Voir plus loin. — 2. Les anciens écrivains ecclésiastiques ont affirmé que les Évangiles avaient paru suivant l’ordre de leur classement ordinaire. Seul, Clément d’Alexandrie rapportait une tradition divergente, d’après laquelle les Évangiles, contenant des généalogies, étaient les plus anciens. Voir t. H, col. 2075. Schanz, Commentar ûber das Evangelium des heiligen Marcus, Fribourg-en-Brisgau, 1881, p. 27 ; Commentar ûber das Evangelium des heiligen Lucas, Tubingue, 1883, p. 36, regarde cette donnée comme une réflexion personnellede Clément qui, visant saint Matthieu, met en première ligne les Évangiles dans lesquels se trouvent les récits de l’enfance, plutôt que comme une tradition particulière de l’Église d’Alexandrie. Les anciens ont dit aussi avec la même unanimité que saint Luc avait écrit son Évangile avant la mort de saint Paul, puisqu’à leur sentiment l’apôtre aurait approuvé l’écrit de son disciple. Il y a toutefois une exception. Saint Irénée, dont le témoignage est rapporté par Eusèbe, H. E., v, 8, t. xx, col. 449, assure bien que saint Luc vient en troisième lieu dans l’ordre des évangélistes, mais il affirme que saint Marc, le second, n’a composé son Évangile qu’après la mort de saint Pierre et de saint Paul. Toutefois, comme ce témoignage paraît inconciliable avec les affirmations des autres Pères et aussi avec celle d’Irénée lui-même sur la composition des Actes du vivant de saint Paul, Cont. hser., III, xiv, 1, t. 711, col. 913-914, on a proposé de traduire’é&oSo ; ,

non par trépas, mais par sortie de Jérusalem. Patrizi, De Evangeliis, 1. i, Fribourg-en-Brisgau, 1853, p. 38 ; Jungmann, Dissartationes selectx in historiam ecclesiasticam, Ratisbonne, 1880, t. i, p. 54-55 ; A. Camerlynck, Saint Irénée et le canon du Nouveau Testament, Louvain, 1896, p. 27-31. Théophylacte, Enar. in Ev. Lucie, arg., t. cxxiii, col. 685, et Euthymius, Comment, in Lucam, t. cxxix, col. 857, indiquent une date très précise, quinze ans après l’ascension, pour la composition du troisième Évangile. Mais cette donnée, qu’on retrouve dans les souscriptions de plusieurs manuscrits grecs, est une tradition tardive qui remonte au plus haut au VIIe siècle et qui est sans valeur. D’ailleurs, d’après les Actes, saint Luc n’était pas encore à cette époque le compagnon de saint Paul.

3° Opinions des critiques. — Les dates proposées par les critiques pour la composition du troisième Évangile sont très distantes les unes des autres et s’échelonnent entre les années 64 et 150. Voir t. ii, col. 2062. Les plus éloignées sont fondées exclusivement sur les critères internes. Elles présupposent que le récit évangélique présente la ruine de Jérusalem comme un fait accompli. Voir Harnack, -Die Chronologie der altchrist. Lit., t. i, p. 246-250. Mais cette interprétation ne s’impose pas, et il est encore légitime, même en bonne critique, de soutenir que la date du troisième Évangile est antérieure à l’an 70. Les arguments extrinsèques, qui ne manquent pas de poids, sont iavorables à ce sentiment. Les catholiques s’y rallient généralement. Ils vont avec Schanz, Comment, ûber das Ev. des h. Lucas, p. 37, des débuts de la guerre juive, 67-70, au temps de la captivité de saint Paul à Rome, 63 ou 64, ou auparavant même, entre 56 et 60.

V. Lieu de la composition. — 1° Données patriotiques.

— L’ancien prologue latin, qui est du me siècle, place la composition de l’Évangile de saint Luc in Achaise partibus. P. Corssen, Monarchianische Prologe zu den vier Evangelien, dans Texte und Unters., Leipzig, 1896, t. xv, fasc. 1 er, p. 8. Saint Jérôme, Comment, in’Ev. Matlh., prolog., t. xxvi, col. 18, assure que saint Luc in Achaise Bœotiseque partibus volumen condidit. Mais son éditeur, Vallarsi, remarque que la plupart des manuscrits préfèrent Bithynise à Bœotiie. Saint Grégoire de Nazianze, Garni., 1. I, sect. i, xii, 32, t. xxxvii, col. 474, affirme aussi que Luc a écrit en Achaïe. La souscription du cursif 293 fournit le même renseignement. Les documents syriens disent que c’est à Alexandrie en Egypte, en même temps qu’ils prétendent que saint Luc est allé dans cette ville. Voir col. 381. Quelques souscriptions de manuscrits parlent de Rome. La donnée la plus ancienne et la plus générale est en laveur de la Grèce ; mais elle n’est pas présentée comme une tradition certaine — 2° Opinions modernes. — Aussi les critiques n’accordent-ils que peu de valeur aux documents anciens et préfèrent-ils déterminer le lieu de la composition du troisième Évangile d’après leur opinion sur la date de cet écrit. Il ne s’agit évidemment que de ceux qui maintiennent à saint Luc la composition du troisième Évangile. Les critiques qui l’attribuent à un chrétien inconnu ne prennent pas la peine de déterminer le milieu dans lequel il a paru. Parmi les premiers, les uns désignent Rome : c’est là que les Actes ont été composés ; c’est là que le troisième Évangile a été connu d’abord. Godet, Introduction au N. T., Paris, 1900, t. ii, p. 627, suppose que saint Luc, avant la fin de l’emprisonnement de Paul à Rome, dans le cours de l’an 63, se rendit en Orient, probablement en Palestine et à Césarée, où, auprès du diacre Philippe, il rédigea l’Évangile que Paul avait jugé nécessaire pour le monde gréco-romain. D’autres critiques pensent à l’Asie Mineure, et quelques-uns à Césarée, pendant la captivité de saint Paul.

VI. Destinataires. — Dans le prologue de son Évan-