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LITTERAL (SENS)


col. 182 ; saint Augustin, De doctr. christ., iii, 5 ; De Gènes, ad Ut., xi, 1, t. xxxiv, col. 68, 430 ; saint Grégoire de Nysse, In Cant. prol., t. xliv, col. 736, etc., semblent bien réserver au sens propre le nom de sens littéral et donner au sens figuré le nom de sens spirituel. Cette confusion de termes ne doit pas étonner à une époque où la terminologie n’était pas fixée définitivement. Il suffit de tenir compte de ce que les Pères entendaient par sens « littéral » et « spirituel » pour ne pas se tromper sur leur véritable pensée.

2° Le sens figuré ou métaphorique est un sens conventionnel, qui ne résulte pas de la valeur ordinaire des termes, mais qui part de ces termes pour formuler une idée ayant une certaine analogie avec le sens qu’ils expriment littéralement. Ainsi, c’est dans un sens figuré qu’il est dit : « Dieu se reposa le septième jour de tout ce qu’il avait fait, » Gen., Il, 2 ; « Je vous sauverai le bras étendu, » Exod., vi, 6 ; « Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite, » Luc, xiii, 24 ; « Dieu te frappera, muraille blanchie. » Act., xxiii, 3. Au sens figuré appartiennent l’allégorie, voir Allégorie, t. i, col. 368, et la parabole, voir Jésus-Christ, t. iii, col. 1494. Toutefois, c’est au sens propre qu’il faut rapporter les comparaisons expressément indiquées par le texte, comme dans les exemples suivants : « Comme le cerf soupire après les sources d’eaux, ainsi mon âme soupire après vous, ô Dieu, » Ps. xlii (xli), 2 ; « La fille de mon peuple est devenue cruelle comme les autruches du désert. » Lam., iv, 3 ; cf. Eccli., l, 6-11 ; Matth., xxiii, 37, etc.

3° Autres noms du sens littéral. — On donne parfois au sens littéral, qu’il soit propre ou figuré, des noms qui indiquent l’objet que l’auteur sacré a en vue. Le sens littéral est historique dans le récit des faits du passé, prophétique dans l’annonce des faits de l’avenir, allégorique ou dogmatique dans l’exposition des vérités à croire, tropologique dans les prescriptions qui règlent les mœurs, anagogique dans la description des biens à espérer, etc. Ces dénominations n’ont qu’une importance secondaire. On les a résumées dans le distique suivant :

Littera gesta docet, quîd credas allegoria, Moralis quid agas, quo tendas anagogia,

qui ne fait que reproduire, sous une forme barbare, une division analogue à celle qu’a donnée saint Augustin, De Gen. ad lit., i, 1, t. xxxiv, col. 247 : « Il faut considérer, dans tous les Livres Saints, ce qui est dit de l’éternité, ce qui est raconté du passé, ce qui est annoncé de l’avenir, ce qui est prescrit ou conseillé pour la conduite. »

4 Il Sens conséquent. — Au sens littéral se rattache ce qu’on appelle le sens conséquent, sens qui résulte si logiquement de la pensée formulée par l’auteur sacré, que celui-ci n’a pu manquer de l’avoir en vue. Ainsi l’action exprimée par un même verbe a un tout autre caractère, selon qu’elle est faite par un être sans raison, par un homme ou par Dieu. Les êtres sans raison, astres, forces naturelles, animaux, sont invités à louer Dieu, Ps. cxlviii, 1-10, ce qu’ils ne peuvent faire que matériellement et inconsciemment ; les hommes aussi ont à louer Dieu, Ps. cxlviii, 11, 12, et enfin le Sauveur lui-même loue son Père. Matth., xi, 25 ; Joa., xi, 41. Il est clair, que, quand il s’agit des hommes, l’idée de louange a comme conséquence logique celle de louange consciente et raisonnable, et que, quand il s’agit de Notre-Seigneur, cette idée implique quelque chose de très supérieur à ce que peut produire un homme ordinaire. De même encore, quand le Sauveur dit : « J’irai et je le guérirai, » Matth., viii, 7, l’idée de guérison entraîne celle d’intervention surnaturelle et infailliblement efficace, qui ne se trouve pas dans cette autre phrase : « Médecin, guéris-toi toi-même, » Luc, iv, 23. — D’autres fois, une pensée que ne formule pas l’écrivain

sacré résulte cependant de ce qu’il dit, par voie de raisonnement, mais d’une manière logique et nécessaire, si bien que l’écrivain sacré, ou tout au moins l’Esprit-Saint qui l’inspire, n’ont pu manquer d’avoir cette pensée. Cf. S. Augustin, De doctr. christ., iii, 27, t. xxxiv, col. 80. Ainsi Jérémie, ix, 23-24, dit qu’il ne faut pas se glorifier d’être sage, fort ou riche, mais seulement de connaître Dieu, et saint Paul en tire cette conclusion : « Comme il est écrit, que celui qui se glorifie, se glorifie dans le Seigneur. » I Cor., i, 31. Il cite la parole du Deutëronome, xxv, 4 : « Tu ne muselleras pas le bœuf qui foule le grain, » et, par voie de raisonnement, en conclut que l’Apôtre a le droit de vivre aux frais de ceux qu’il évangélise. I Cor., ix, 9-12. Ailleurs, il rappelle le même texte, et, sans faire de raisonnement, tire de suite la conclusion : « L’ouvrier mérite son salaire. » I Tim., v, 18. On voit que, dans ces deux derniers cas, il conclut a fortiori, du moins parfait au plus parfait. Ce que fait saint Pau] pour les textes de Jérémie et du Deutéronome, peut se répéter pour beaucoup d’autres. Quand le roi Joram, à la vue de la disette qui affligeait Samarie, s’écrie tout d’un coup : « Que Dieu me châtie, si la tête d’Elisée reste aujourd’hui sur lui ! » IV Reg., vi, 31, il s’ensuit qu’il regardait le prophète comme responsable des malheurs qui arrivaient. Quand Marie dit aux serviteurs de Cana : « Faites tout ce qu’il vous dira, » Joa., ii, 5, il en faut conclure qu’elle s’attend à ce que Notre-Seigneur fasse quelque chose pour répondre à la remarque qu’elle lui a adressée. Les Juifs tiraient des sens conséquents absolument illogiques et illégitimes de différents textes : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même, » Lev., xix, 18 ; « Tu enseigneras ces choses à ton fils et au fils de ton fils, » Exod., x, 2, etc., quand ils s’appuyaient sur ces textes pour prétendre qu’on devait haïr celui qui n’était pas le prochain, c’est-à-dire l’étranger, qu’il ne fallait pas apprendre la Loi aux filles, etc.

II. Tout texte sacré a. un sens littéral propre ou figuré. — 1° Ce point n’a pas été toujours admis. Origène, qui distinguait dans le texte sacré l’âme et le corps, c’est-à-dire le sens spirituel et le sens littéral ou obvie, irpo’xEtpoM, dit que « certains textes n’ont pas du tout de sens littéral » et que, dans quantité de passages, « il n’y a qu’une histoire fictive, qui n’est pas arrivée littéralelement, » « des faits qui ne se sont pas produits selon la lettre, s II cite des exemples : la promenade de Dieu dans le paradis, la fuite de Caïn de devant la face de Dieu, les lois mosaïques sur la prohibition de manger certains animaux, sur la défense de faire du chemin le jour du sabbat, etc., les recommandations de l’Évangile, qui défendent aux Apôtres de saluer en route, etc., certaines sentences comme celle-ci : « Des épines naîtront dans la main de l’ivrogne. » Prov., xxvi, 9 ; Origène, De princip., iv, 11, 12, 16-18, t. xi, col. 375, 376. Il est clair que, parmi les exemples apportés par cet auteur pour appuyer son affirmation, quelques-uns se réfèrent à des passages mal compris, mais la plupart visent d’autres passages qui ont un vrai sens littéral, sinon propre, du moins figuré. — 2° Saint Jérôme paraît avoir une idée analogue à celle d’Origène, quand à propos de la seconde circoncision.du peuple prescrite à Josué, Jos., v, 2j il observe qu’un homme ne peut être circoncis deux fois et que par conséquent ce passage n’a pas de sens littéral. S. Jérôme, Gont. Jovin., i, 21, t. xxiii, col. 239. Il oublie ce qu’ajoute le texte sacré, que personne n’avait été circoncis au désert et que tous ceux qui avaient reçu la circoncision en Egypte étaient morts. Jos., v, 4, 5. Il tire une conclusion semblable du cas d’Abisag, la Sunamite, amenée à David. III Reg., i, 3, 4. S. Jérôme, Epist., lxx, Ad Nepotian., 2, 3, t. xxii, col. 527, 528. D’autres ont également conclu à l’absence de sens littéral dans les passages où ce sens leur paraissait inacceptable. Cf. S. Ambroise, Expos, evang. Luc, v, 94, 95,