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LIS


au milieu des épines, Cant., ii, 2 ; le long des eaux courantes, Eccli., i, 8 ; il est d’une couleur éclatante, probablement rouge, d’après Cant., vii, 2, 3 et v, 13 ; quoique quelques-uns voient dans ce dernier passage une allusion à son parfum comparé à la myrrhe ; en fleurissant, il répand une odeur délicieuse, Eccli., xxxix, 15 ; le Nouveau Testament, Matth., vi, 38-39 ; Luc, xii, 27-28, fait allusion à la richesse de son coloris, près duquel pâlissent les vêtements royaux de Salomon. Quelle est la fleur de Palestine qui répond à toutes ces conditions ?


Les Targums et beaucoup d’auteurs rabbiniques tiennent pour la rose, d’autres pour la violette. Mais les exégètes sont maintenant d’accord à voir dans le sûSan une fleur de la famille des Liliacées, ou d’apparence semblable. Si l’on cherche à préciser, la pensée se porte naturellement sur le lis blanc ; la traduction de la Vul--gate, les applications mystiques du Cantique des Cantiques y inclinent l’esprit. Mais la plupart des exégètes l’écartent, soit parce qu’il n’existe pas en Palestine, ou eu moins y est rare, soit parce qu’en grec le lis blanc ne se dit pas xpîvov, mais Xeîpiov.

Le lis blanc est connu en Orient depuis les temps les plus anciens. : . on le trouve parfaitement sculpté sur des bas-reliefs assyriens (fig. 92), conservés au British Muséum (n. 76 et 72). G. Rawlinson, The ftve great monarchies, 2e édit., 4871, t. i, p. 354. De nos jours, il abonde dans certaines parties du Liban, comme dans la région voisine de Ghazir en Kesroan, P. Julien, L’Egypte, in-8°, Lille, 1891, p. 280, et aussi près de Sidon et de Tyr ; mais il paraît être rare maintenant dans la Galilée et plus encore dans le reste de la Palestine. Sans doute il ne serait pas impossible qu’il y fût autrefois plus abondant : on ne saurait toutefois actuellement le prouver. Cette condition remplie, et quelques exégètes croient qu’elle l’est suffisamment, tous les traits de l’Écriture, à leur avis, lui conviendraient parfaitement. L. Fonck, Streifzûge durch die Biblische Flora, in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 1900, p. 53-77. D’ailleurs, les lis blancs Xeipia sont appelés <70û<ra (susan) par les Phéniciens, dit VEtymologium magnum, au mot atâaa.. En Espagne le lis blanc se nomme Açuçena, mot d’importation arabe, alsusen. Il reste cependant des difficultés, par exemple : le lis blanc peut sans doute s’appeler le lis des champs par opposition au lis des jardins ; mais il ne convient guère de nommer lis des vallées une fleur qui croît surtout sur les hauteurs. Son habitat n’est pas non plus au bord des eaux. Enfin la comparaison que fait Notre-Seigneur du lis avec les vêtements royaux de Salomon éveille l’idée d’une couleur comme le rouge plutôt que le blanc. Ces raisons ont porté les exégètes à chercher une autre fleur qui remplisse les conditions. Les uns se sont arrêtés à l’anémone, Anémone coronaria, qui couvre les champs de la Galilée, H. B. Tristram, The nalural History of the Bible, in-& », Londres, 1889, p. 464 ; voir Anémone, t. i, col. 574 ; d’autres au glaïeul, G. Post, Flora of Syria, Palestine and Sinai, in-8°, Beyrouth js. d.), p. 773 ; au lotus, J. Kitto, À Cyclopœdia of Biblical Lilerature, 3° édit., Londres, 1866, t. iii, p. 845 ; à la couronne impériale, P. Souciet, Recueil de dissertations critiques sur les endroits difficiles de VÉcriture Sainte et sur dès matières qui ont rapport à l’Écriture, in-4°, Paris, 1715, p. 158, etc.

Pour résoudre cette difficulté de détermination, il est important de remarquer que chez les anciens, comme du reste chez nous encore parmi le peuple, les noms de plantes n’ont pas toujours une acception précise. Ainsi chez les Grecs, si le mot Xeîptov a un sens assez déterminé et désigne le lis blanc (quelquefois cependant il s’applique au narcisse), le mot plus fréquemment employé, xpfvov, a un sens plus général et embrasse avec le lis orangé plusieurs autres espèces de plantes. Dios coride, iii, 116, qui identifie le <ro13<nvov avec le Xec’pivov xpivov, range aussi parmi les xpt’vov la fritillaire impériale. Hérodote, ii, 92, donne le nom de lis, xpivov, au nénuphar blanc ou lotus. Chez les Sémites non plus le mot

92. — Le lis sur les monuments assyriens.

D’après C. Rawlinson, The ftve great monarchies, 1871, X. I, p. 354.

susan n’a pas d’acception bien précise. Peut-être leur venait-il de l’Egypte où le mot susin désigne le lotus blanc. En ce cas il aurait ordinairement changé cette signification primitive. Du reste le nom peut avoir pour origine en Egypte, comme chez les Sémites, le nombre six commun à ces peuples, sans doute à cause du nombre des pétales de la fleur. Le lis blanc, qui était certainement connu en Egypte, V. Loret, Études de botanique égyptienne, dans Recueil de travaux relatifs à la philol. et archéol. égypt., t. xv, in^i°, 1895, p. 185, et servait à fabriquer des parfums célèbres, portait un nom différent de susin, « le lotus ; » c’est peut-être houruru (cf. Xe/piov). Quoi qu’il en soit, le terme arabe susan comprend non seulement le lis, mais, d’après Delille et Schweinfurth, le Pancratium Maritimum ou lis Mathiole, et d’après Ascherson, Die Herkunft des Namens Lilium convallium, dans Naturwiss. Wochenschrifl, t. ix, 1894, p. 310, l’iris bleu, etc. Cf. Ibn El-Beïthar, Traité des simples, dans Notices et extraits des mss. de la Biblioth. nation., t. xxv, l re part., 1881, p. 307. Ce mot a donc une assez grande élasticité. Il en était ainsi probablement pour le sùSan hébreu, il devait embrasser plusieurs espèces de plantes de la famille des liliacées, des iridées, des amaryllidées, des fritillaires, etc., comme, dans le langage vulgaire, nous donnons le nom de lis à diverses fleurs, le lis des eaux ou des étangs ou Nénuphar, le lis des vallées ou Muguet, le lis de Saint-Jacques ou Amaryllis fortnosissima, le lis d’Espagne ou Iris Xyphium, le lis mathiole ou Pancratium maritimum, etc. Ces fleurs, lis, iris, glaïeul répondent dans leur ensemble par leur coloris et leur parfum, aux caractères bibliques du sûsan. Faut-il y faire rentrer une plante d’une famille plus éloignée, l’Anémone coronaria ? Par son riche coloris et par son abondance dans les champs de la Palestine, elle répond à la plus grande partie des conditions bibliques. On objecte cependant que, contrairement aux autres plantes mentionnées ci-dessus, elle n’a pas le parfum que réclament les textes, Cant., v, 13, et Eccli., xxxix, 19, mais la comparaison