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PAUL (SAINT)


de Kali-Limenes (les Bons Ports), près de la ville de Lasæa ou Alassa. On fit, dans cette anse, un assez long mouillage, en attendant un vent plus favorable. Ce retard rendait encore la navigation plus périlleuse. On avait dépassé le grand jeûne de l’Expiation. C’était, pour les Juifs, la limite au delà de laquelle les voyages maritimes devenaient à peu près impraticables. Paul conseillait d’hiverner. Mais Julius se rangea à l’avis du capitaine et du subrécargue qui voulaient gagner Pbœnice, port très connu des marins d’Alexandrie, sur la côte méridionale de Crète, où il serait plus facile de passer l’hiver. Une brise du midi venant à souffler, on leva l’ancre et on se mit à longer la côte. Tout à coup un ouragan d’est, l’Euraquilon, s’abattit du mont Ida sur les flots. Il fallut se laisser aller à la dérive. Après une course de vingt-deux milles, on passa près d’une île, nommée Cauda, où l’on prit toutes ses précautions en vue d’un naufrage qu’on jugeait inévitable. La tempête faisant rage, on jeta le lendemain la cargaison à la mer. Le troisième jour, on sacrifia les plus lourds agrès. La situation était affreuse. On passa plusieurs jours sans voir le soleil ni les étoiles : on ne savait où l’on allait. Les marins croyaient que l’on courait sur les Syrtes de l’Afrique. Tout le monde était désespéré. Seul, Paul gardait son assurance. Il encourageait l’équipage et les passagers, leur assurant que, dans une vision, Dieu lui avait accordé la vie de tous. Il ne se trompait point. La quatorzième nuit, les matelots soupçonnèrent la proximité de la terre. Voyant ce que la situation gardait de critique, ils cherchaient à se sauver eux-mêmes aux dépens des passagers. Sous prétexte de descendre les ancres de la proue, ils mirent la chaloupe à la mer -et cherchaient à prendre place, quand le centurion, excité par Paul, fit couper les amarres, ce qui égalisait le sort de tous. Paul se mit alors à relever leur courage, leur conseilla de manger afin de se donner des forces pour la manœuvre du lendemain. Donnant lui-même l’exemple, il prit du pain, rendit grâces à Dieu et se mit à manger. On l’imita. Le courage revint. A l’aube, oh reconnut la terre : c’était l’île de Malte. La baie qu’on avait devant soi était sablonneuse. On résolut d’y aller échouer. Mais le navire n’alla pas jusque-là. Il donna sur un banc, entouré d’eaux profondes. Le vaisseau venait de se disloquer sous les coups de mer. Il ne restait plus qu’à se sauver à la nage ou sur quelque épave. Les soldats, croyant que leurs prisonniers allaient leur 1 échapper, proposaient de les tuer. Julius, qui voulait sauver Paul, s’y opposa. Il ordonna à ceux qui savaient nager de se jeter les premiers à l’eau et de gagner la terre, pour aider au sauvetage des autres. Les autres s’échappèrent sur les débris du navire. Personne ne périt. C’est alors seulement qu’on apprit le nom de l’île où l’on venait d’aborder : Malte, soumise aux Romains dès la seconde guerre punique. Les habitants se montrèrent hospitaliers. Ils allumèrent un grand feu pour réchauffer les passagers qui étaient transis de froid. Comme Paul avait ramassé une vipère en prenant une poignée de broussailles, les gens du pays le regardaient d’abord comme un meurtrier, poursuivi par la vengeance divine. Mais quand ils virent qu’il ne lui arrivait aucun mal, ils le prirent pour un dieu. Un autre miracle acheva de répandre, dans l’île, sa réputation de thaumaturge. L’Apôtre guérit, |iar l’imposition des mains, le père d’un certain Publius, princeps du municipe, qui souffrait de la fièvre et de la dysenterie. Aussi amenait-on à Paul tous les malades de l’Ile, durant les trois mois qu’il y séjourna. On était alors à la mifévrier. A cette époque de l’année, les navires qui ne faisaient que de courts trajets, se risquaient à reprendre la mer. Julius trouva un navire alexandrin, le Castor-et-Pollux, qui avait hiverné à Malte et qui avait hâte d’arriver à destination. On fit voile vers Syracuse où l’on demeura trois jours, on côtoya la Sicile, puis on vint

toucher à Reggio. Deux jours après, on arrivait à Pouzzoles, port où les vaisseaux d’Alexandrie venaient opérer leur déchargement. L’apôtre y trouva un groupe de fidèles qui l’accueillirent avec joie. Grâce à la bienveillance de Julius, il resta sept jours parmi eux. On reprit ensuite la marche vers Rome. Une première députation des fidèles de cette ville, prévenus de l’arrivée de Pau], alla à sa rencontre jusqu’au relais de poste appelé Forum d’Appius, sur la voie Appienne, à quarante-trois milles de Rome. À dis milles de là, aux Trois Tavernes, un nouveau groupe vint les rejoindre. L’Apôtre, réjoui par cet accueil fraternel, éclata en actions de grâces. On parcourut assez rapidement les onze lieues qui séparaient les Trois Tavernes de la porte Capène. Entouré de cette escorte de chrétiens, le prisonnier Paul entra dans la Ville Éternelle.

3° Première captivité à Rome. Act, , xxviii, 16-31. — Dès son arrivée, Paul fut remis, avec les autres prisonniers, au préfet du prétoire. Ceux qui en avaient appelé à César étaient considérés comme les prisonniers de l’empereur et confiés à la’garde impériale. Il est difficile de savoir l’endroit précis où Julius conduisit son illustre captif. La cohorte prétorienne, depuis Auguste, était dispersée dans les divers quartiers de Rome. On a le choix entre le corps de garde du Palatin et les castra prsetoriana, bâtis par Séjan, près de la voie Nomentane. Le préfet du prétoire était alors Burrhus qui touchait presque au terme de sa carrière. C’est à lui, sans doute, que Paul fut présenté. On décida qu’en attendant son jugement, le prisonnier serait mis en une sorte de demiliberté. Il fut confié à un soldat qui avait pour mission de le garder à vue, sans être enchaîné.

L’Apôtre put ainsi se choisir un logement où ses amis pourraient venir le voir. Suivant son habitude, il songea d’abord à se mettre en rapport avec les chefs de synagogue de la Ville Eternelle. Le troisième jour après son arrivée, il en fit convoquer quelques-uns pour leur expliquer son appel à César. Prenant les devants sur ses accusateurs que les Juifs de Jérusalem ne manqueraient, pas d’envoyer à sa poursuite, il mit ses coreligionnaires au courant de sa situation. Il protesta qu’il n’avait rien fait et ne voulait rien faire contre une nation qui, d’ailleurs, était la sienne, que son appel à César n’avait pas d’autre but que de se soustraire à des ennemis acharnés à sa perte. « Ne vous trompez pas, dit-il en finissant, c’est à cause de l’espérance d’Israël que je porte ces chaînes. » Les Juifs accueillirent le plaidoyer avec faveur, déclarant qu’ils n’avaient rien reçu de Judée à son sujet et lui témoignant le désir d’entendre l’exposé des nouvelles doctrines. On prit jour pour une seconde entrevue. La conférence dura du matin au soir. L’Apôtre parcourut la Bible en tous sens, énumérant tous les textes de la Loi et des prophètes qui prouvaient que Jésus était le Messie. Sa parole gagna plusieurs adhérents à la foi nouvelle, mais le plus grand nombre des auditeurs résistèrent à la grâce. Finalement, on se sépara sans avoir pu s’entendre. Paul comprit qu’une fois de plus il n’aurait pas raison de l’obstination de ses anciens coreligionnaires. Il répéta contre eux le passage d’Isaïe sur l’aveuglement volontaire des hommes endurcis qui ferment leurs yeux et leurs oreilles pour ne voir ni entendre la vérité, ajoutant qu’il allait porter aux Gentils, qui la recevraient mieux, la parole de salut que les Juifs ne voulaient pas accueillir.

Son apostolat parmi les païens réalisa, en effet, les plus belles conquêtes. L’Évangile fit à Rome d’étonnants progrès. Les conversions furent nombreuses. Le Christ eut des adeptes jusque dans la maison de Néron, non seulement parmi les soldats, les esclaves, les affranchis, mais jusque dans les familles patriciennes, chez les consuls et jusque dans l’entourage immédiat de l’empereur. Phil., iv, 22. Les chaînes du prisonnier devenaient elles-mêmes une prédication du Christ dans le