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PAUL (SAINT)


que sa dernière lettre n’eût tout détruit à Corinthe.

Ce fut au milieu de ces inquiétudes qu’il évangélisa Troade, II Cor., ii, 12, avec beaucoup de succès. Il logeait, pendant ce temps, chez un certain Carpus, II Cor., iv, 13, dont la demeure paraît avoir été le centre de réunion des nouveaux fidèles. Act., xx, 7-9. Tite n’arrivant pas, l’Apôtre résolut de prendre les devants et de passer en Macédoine. Il revit ses chères Églises du Nord et de la Grèce, Philippes, Bérée, Thessalonique, si parfaites, si généreuses, si dévouées à sa personne. Sur ces entrefaites, Tite le rejoignit enfin et le consola de tous ses chagrins. II Cor., vii, 6. Les nouvelles qu’il apportait étaient excellentes 1. Les fidèles de Corinthe, un instant surpris, étaient revenus, avec la réflexion, à de meilleurs sentiments. Ce qui avait achevé de les ramener au devoir, c’était la lettre de l’Apôtre. Elle avait produit sur les esprits une impression profonde. On l’avait écoutée avec des larmes de douleur et de respect. La victoire était presque complète. Il ne restait, parmi ses fidèles, qu’un petit nombre d’irréductibles. Les autres regrettaient leur conduite passée, demandaient pardon à l’Apôtre, désiraient vivement le revoir. La collecte avait été retardée par les divisions intestines, mais avec le nouvel état de choses qui s’annonçait, elle promettait de devenir fructueuse. Tite avait tout rétabli avec une prudence consommée.

Ces nouvelles remplirent de joie l’âme de l’Apôtre. Il se sentit revivre. C’est dans ces dispositions qu’il dicta à Timothée une nouvelle lettre (la quatrième, par conséquent, celle que nous appelons la seconde), aux Corinthiens, le plus beau morceau d’éloquence qui soit sorti de la plume de Paul. On y retrouve le double courant d’impressions qui partageait alors son âme : sentiments de joie, de tendresse, de reconnaissance, presque de regrets pour quelques expressions un peu dures de sa lettre précédente : tout cela pour la majorité fidèle. Quant à la minorité qui demeure, jusqu’ici, obstinémeiit hostile à ses conseils, il l’accable de ses menaces et de sa mordante ironie. Cette lettre a donc été écrite en Macédoine, soit à Philippes, soit à Thessalonique, d’où Paul dut rayonner, sans doute, dans toutes les parties de la Grèce septentrionale, apportant aux disciples la joie de sa présence et les lumières de ses enseignements.

L’Épitre, ainsi rédigée, fut portée à Corinthe par Tite, et par deux frères, choisis parmi les délégués des Églises. II Cor., viii, 6, 16, 18, 22, 23 ; rx, 5. Paul attendit, en Macédoine, l’effet de cette dernière missive. Tite avait ordre, durant ce temps, de préparer les fidèles d’Achaïe à la venue de son maître, de vaincre les dernières résistances, de rassurer les consciences, de faire achever la collecte. Pour stimuler la générosité des Corinthiens, l’Apôtre lui adjoignit deux députés très en vue dans les Églises. Leur présence forcerait les plus récalcitrants à s’exécuter de bonne grâce. En attendant, l’Apôtre s’édifiait au contact de ses églises macédoniennes. Il resta, parmi elles, une bonne partie de l’année 57, environ six mois, de la fin de juin au commencement de décembre. Quelques exégètes placent à cette époque un voyage de Paul en Illyrie. Voir Tite (Èpitre a).

3. Troisième séjour à Corinthe. Act., xx, 2. — Quand Paul jugea que les esprits, à Corinthe, étaient suffisamment préparés à son retour, il se dirigea vers l’Achaïe, ayant avec lui les délégués des diverses Églises où il avait prescrit la collecte : Sopater ou Sosipater, fils de Pyrrhus, de Bérée, Aristarque et Secundus, de Thessalonique, Gaïus, de Derbé, et Timothée, originaires de Lycaonie, enfin, Tychique et Trophime, députés d’Éphèse.Toute cette pieuse caravane était fort imposante et devait faire impression sur les Églises helléniques. Paul et "ses compagnons durent aborder, à Corinthe, dans les derniers jours de décembre. Ils y passèrent les

trois mois d’hiver (décembre 57 à février 58) attendant, pour se mettre en route, le retour du printemps. Cette fois, l’Apôtre, n’ayant plus à sa disposition la pieuse hospitalité d’Aquila et de Priscille, alla loger chez un certain Caïus, converti de la première heure, baptisé de sa propre main. Rom., xvi, 23 ; I Cor., 1, 14. Il y passa dans la paix et la joie, les derniers instants de repos de sa carrière si active. Ce fut alors qu’il rédigea, sous forme d’épître, un exposé doctrinal de sa théologie. C’est de son troisième séjour â Corinthe qu’il faut dater l’épître connue sous le titre « d’Épitre aux Romains », la quatrième année de Néron, l’an 58.

4. Retour à Jérusalem, Act., xx, 3-xxi, 17. — Après avoir remis à Phœbé, diaconesse de Cenchrée, le message destiné à l’Église de Rome, l’Apôtre s’apprêtait à prendre la mer, dans l’espoir d’arriver dans la ville sainte pour les fêtes de Pâques, quand on découvrit un complot formé par les Juifs pour le tuer durant le voyage. Il fallut changer d’itinéraire. On résolut de repasser par laMacédoine. L’Apôtre enprofita pour revoir sa chère communauté de Philippes et y célébrer la pâque. Il eut la joie de revoir le narrateur des Actes, qu’il y avait laissé, lors de sa seconde mission, et l’attacha de nouveau à sa personne. Le temps des azymes passé, Paul et Luc firent route vers Troade. Ils y retrouvèrent les délégués des Églises qui avaient pris les devants. On passa toute une semaine à Troade parmi les frères de la nouvelle Église. La veille du départ, un dimanche, on se réunit, le soir, pour rompre le pain eucharistique. On sait à la suite de quelles circonstances l’Apôtre eut à reproduire le miracle d’Élie et d’Elisée (IVReg., iv, 34) pour un jeune homme, nommé Eutyque, qui, s’étant laissé aller à un profond sommeil pendant le discours d’adieu, était tombé du troisième étage sur le sol. À l’aube, le navire emportait les compagnons de Paul. Lui, prenait la voie de terre, voulant faire à pied le trajet de Troade à Assos où il rejoignit, pour ne plus les quitter, les délégués des Églises. À partir de ce moment, l’auteur des Actes relate, avec la précision d’un journal de voyage, toutes les stations que l’on fit avant d’arriver à Césarée. Le premier jour, on alla d’Assos à Mitylène, où l’on fit escale ; le lendemain on arrivait à la hauteur de 111e de Chio ; le troisième jour, on cinglait vers Samos et, après s’être arrêté à Trog ; yIium, au pied du mont Mycale, entre Éphèse et l’embouchure du Méandre ; le quatrième jour, on était à Milet. Là Paul eut du regret d’avoir passé devant Éphèse sans y aborder. Il avait craint que l’amitié des fidèles ne retardât son voyage, et il désirait célébrer la Pentecôte à Jérusalem. Il fit donc mander les anciens d’Éphèse pour leur adresser, avec ses derniers conseils, un suprême adieu. Le discours qu’il prononça, lorsqu’ils furent réunis, a gardé, sous la plume du narrateur des Actes qui était présent, la force d’attendrissement qu’il eut sur l’assemblée. Quand l’Apôtre eut fini de parler, il se mit à genoux pour prier. Tous l’imitèrent. L’émotion était à son comble. Un sanglot étouffé interrompit leur prière. La parole de Paul : « Vous ne verrez plus mon visage, » leur avait percé le cœur. Alors chacun à leur tour, les anciens d’Éphèse s’approchèrent de l’Apôtre, reposèrent longuement la tête sur son épaule, selon la coutume orientale, et l’embrassèrent. L’heure du départ venue, ils suivirent Paul jusque sur le rivage et là, dit saint Luc, il fallut nous arracher d’eux. Act., xxi, 1.

Le vaisseau se dirigea sur Cos où le portait un bon vent arrière. De là, ’marchant vers l’est, il arriva à Patare sur la côte de Lycie. Là, Paul et ses compagnons voulant abréger le voyage montèrent sur un vaisseau qui faisait voile vers les côtes de Phénicie. Après six ou sept jours, ils arrivaient à Tyr où ils visitaient l’Eglise. Cette communauté était un fruit des premières missions qui suivirent la mort de saint Etienne. Act., xii, 19. Paul n’y étaitpas inconnu. Act., xv, 3. On l’accueillit avec joie