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PAUL (SAINT)


mis étaient des judaïsants’: ceux que Paul appelle des faux frères. II Cor., xi, 25. Ici, s’ouvre pour lui cette période de luttes qui va remplir le reste de sa carrière. Les Actes se taisent presque entièrement sur ce temps d’amères expériences et de cruelles douleurs. Mais les grandes épîtres, celle aux Galates, les deux aux Corinthiens, celle aux Romains, sont pleines des échos de ces grandes luttes où l’âme de Paul se révèle tout entière avec ses trésors de foi héroïque, d’inlassable patience, d’amour tendre et profond, pendant que sa pensée, stimulée par l’ardeur du combat, déploie des ressources presque infinies et s’élève à des hauteurs jusqu’ici inconnues.

i. Second séjour en Galatie et en Phrygie. Act., xxiii, 23. — Après quelques mois passés à Antioche, Paul songea à reprendre le cours de ses missions. Il lui tardait d’évangéliser la province d’Asie. On pense qu’il s’adjoignit alors, pour compagnon de route, ce même Tite qu’il avait précédemment emmené avec lui à la conférence de Jérusalem. Les deux voyageurs suivirent, sans modification apparente, l’itinéraire de la seconde mission, visitèrent pour la troisième et même la quatrième fois, Derbé, Lystre, Icône, Antioche de Pisidie et, tournant dans la direction du nord-est, arrivèrent dans le pays des Galates (raXatucri x^P* distingue le royaume cette de Galatie d’avec la province romaine du même nom), où l’Apôtre avait fondé pendant son second voyage un groupe d’Églises d’une certaine importance. Bien que saint Luc n’en ait pas parlé, Act., xvi, 6, d’une manière explicite, il le laisse entrevoir néanmoins par l’expression « affermissant tous les disciples », xviii, 23, qui, cela va de soi, suppose une première évangélisation. La Galatie, placée sur la grande artère qui reliait Byzance à l’Orient, était toute désignée pour être le centre d’une juiverie importante. Ancyre, capitale de l’ancien royaume galate, Tavium et Pessinonte, villes de second ordre, avaient des synagogues. La grande inscription d’Ancyre, conservée sur les murailles du temple d’Auguste, établit que les Juifs de ces contrées jouissaient de franchises et d’immunités considérables. Mommsen, Res gestss divi Augusti, p. x. Il y avait, dans ce pays, un point d’appui favorable pour la prédication apostolique et plus tard, hélas, un terrain préparé pour les entreprises des judaïsants.

La religion des tribus celtiques émigrées, depuis plus de trois siècles, dans ces plateaux montagneux que traverse le fleuve Halys, était le culte des anciens druides, amalgamé avec les cultes phrygiens de Zeus et de Cybèle. Quand, en l’an 26 avant J.-C, la Galatie devint province romaine, on ajouta à ces cultes cettes et grecs celui de l’empereur. Les trois tribus dont se composait la contrée des Galates avaient fait élever, dans ce but, à Ancyre, un temple au divin Auguste et à la déesse Rome, et ils ne crurent pas pouvoir mieux honorer la mémoire du monarque qui avait été leur bienfaiteur qu’en y faisant graver le testament politique qu’il avait composé lui-même. Tel était le milieu où Paul avait semé l’Évangile avec tant de fruit, où il avait reçu, de la part des néophytes, des marques de tendresse et de sollicitude. Après avoir consolidé son œuvre, l’Apôtre revint vers l’Ouest, et il revit les communautés qu’il avait laissées en Phrygie, probablement dans la partie de cette ancienne province qu’on appelait Phrygie-Épictète et qui confinait à la Mysie. — Plusieurs exégètes appliquent les textes d’Actes, xvi, 6, et xviii, 23, à la Galatie romaine, c’est-à-dire aux régions évangélisées par saint Paul lors de sa première mission. Act., xmxiv. Cf. Le Camus, L’œuvre des Apôtres, t. ii, p. 84.

2. Séjour à Éphèse. Act., xix, 1-40. — En descendant des hauts plateaux de la Phrygie septentrionale, Paul s’engagea dans la vallée du Méandre, la suivit quelque temps, puis, après plusieurs jours de marche, il entra dans la belle et vaste plaine où le Caystre se rapproche

de la mer et forme une sorte de lagune. « Là, en partiedans les marais, en partie accrochée aux pentes du mont Coressus, épaulée, d’ailleurs, au mont Prion et par ses faubourgs à une autre colline isolée, s’élevait la ville immense destinée à être la troisième capitale du christianisme, après Jérusalem et Antioche. » Renan, Saint Paul, p. 332. Au point où se trouvait, pour l’heure, le développement de la foi nouvelle, aucuneville d’Orient n’offrait plus de facilités pour être le centre des missions chrétiennes. Antioche, depuis le progrès des dernières missions, ne répondait plus aux nécessités de l’apostolat : elle était trop éloignée par rapport aux Églises de Grèce et de Macédoine. Du côté de la terre, Ephèse donnait accès sur une des plus riches provinces de l’Empire ; de belles et nombreusesroutes conduisaient le voyageur dans des villes florissantes comme Smyrne, Pergame, Magnésie, Thyatire, Sardes, Philadelphie, Colosses, Laodicée, Hiéropolis r Tralles, Milet, où le nom du Christ n’avait pas encore été prononcé. Par mer, on communiquait avec tous les grands ports de la Méditerranée. Éphèse était, de plus, le point terminus le plus direct entre Rome et l’Asie, ce qui amenait dans ses murs une foule de commerçants et de voyageurs de toutes les parties de l’Italie et de la Grèce. Le culte d’Artémis, ou Diane, célèbre dans le monde entier, Pline, H. N., xix, 27, avait fait de cette ville un centre de pèlerinage très fréquenté. Durant le mois artémisien, en mai, le concours des pèlerins était extraordinaire. Voir Éphèse, t. ii, col. 1831, A côté de la population païenne, vivait depuis plus de deux siècles une colonie juive, active, fidèle à sa foi monothéiste et à l’austère pureté de mœurs de ses pères. Josèphe, Cont. Apion., ii, 4. Les Juifs d’Éphèse occupaient même, dans la famille d’Israël, une situation privilégiée. En relations quotidiennes avec Rome, Alexandrie, Jérusalem, elle était un des principaux centrés de la Dispersion et comme l’aboutissement du monde juif. Nulle part on ne pouvait être mieux placé pour savoir, au plus tôt, ce qui se passait dans la famille d’Israël tout entière.

A) Fondation de l’Église d’Éphèse. Act., xxviii, 24-xix, 20. — Les débuts du christianisme, dans la métropole d’Asie, sont assez-obscurs. Il paraît cependant qu’il s’était formé, autour d’Aquila et de Priscille, un noyau de fidèles de quelque importance, avant le retour de Paul en cette ville. Act., xviii, 24. Un des adhérents de là première heure fut sans doute cet Épénète que Paul qualifie de « prémices de l’Asie ». Rom., xvi, 5. Les Actes ne mentionnent, d’une manière expresse, que la conversion d’un Juif, nommé Apollo. Voir Apollo, t. i, col. 774. Quand Paul arriva à Éphèse, il alla loger chez ses anciens hôtes de Corinthe, I Cor., xvi, 19, et y reprendre la pratique de son état. Éphèse était alors célèbre par ses tentes. Plutarque, Alcib., 12 ; Athénée, xii, 47. L’Apôtre prit ses dispositions pour un long séjour. Tout l’invitait à se fixer, d’une manière durable, dans un centre si important. Il dut se renseigner au plus vite sur l’état religieux de la ville. Il fit d’abord connaissance avec les membres de l’Église : c’étaient sans doute des Juifs, qui, sans quitter la synagogue, s’étaient attachés à la foi d’Aquila et de Priscille. Or, il découvrit, parmi eux, un certain nombre de disciples (ils étaient douze) qui avaient reçu le baptême de Jean et n’en connaissaient pas d’autre. Paul compléta leur instruction, les baptisa au nom de Jésus et leur imposa les mains. Aussitôt l’Esprit descendit sur eux : ils se mirent à parler en diverses langues et à prophétiser comme les disciples, le jour de la Pentecôte. Après avoiréclairé et affermi ce petit cercle de croyants, Paul dirigea ses efforts vers la synagogue. Durant trois mois, il y parla tous Tes samedis du royaume de Dieu. Sa parole eut un grand succès. Mais, une fois de plus, il se heurta à l’incrédulité de quelques obstinés qui cherchaient à-