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PAUL (SAINT)


coups, quand l’Apôtre, prévenant tout-désordre, rompit officiellement avec la synagogue, secoua sur 'es incrédules la poussière de ses habits, en signe de rupture complète avec eux, les rendit responsables de tout ce qui pourrait leur arriver dans la suite, leur déclarant que, puisqu’ils résistaient à la vérité, il allait de ce pas la porter aux Gentils. À partir de ce moment, il enseigna dans la maison d’un prosélyte, nommé Tite Juste, Act., xvii, 7, dont la demeure était contiguë au local de la synagogue. Beaucoup de Juifs et « d’hommes craignant^Dieu » suivirent l’Apôtre dans sa retraite. On compta de nombreuses et illustres conversions dans ce premier noyau d'Église hellénique, c'étaient, entre autres, les familles de Stephanas, prémisses de l’Achaïe, I Cor., xvi, 15, de Crispus, chef de la communauté juive de Corinthe, de Caïus, chez qui il logea lors de son troisième voyage en cette ville, et où il écrivit l'épltre aux Romains, Rom., xvi, 23, de Chloë, riche veuve, dévouée à sa personne, I Cor., iii, 11, de Fortunatet d’Achaïque, I Cor., xvi, 15, d'Éraste, trésorier de la ville, Rom., xvi, 23, l’un des personnages les plus considérables de la communauté. Les trois premières de ces familles eurent un privilège dont elles se firent, dès lors, un grand honneur : elles furent tout entières baptisées par Paul, I Cor., i, 14, 16, ce qui était en dehors de ses habitudes.

C) Premières Épîtres de Paul. — Au milieu de cette féconde activité, l’Apôtre n’oubliait pas ses chères communautés du Nord. Ne pouvant songer, en pleine période d’apostolat, à retourner en Macédoine, il eut l’heureuse idée de les visiter par des épltres ou lettres qui devaient être lues dans l’assemblée des fidèles. L'épître sera ainsi la première forme littéraire sous laquelle se manifestera la pensée chrétienne. Les premières de ces lettres furent adressées à l'Église de Thessalonique. Paul les remit sans doute aux frères de Macédoine qui avaient fait la conduite à Silas et à Timothée juqu’en Achaïe et qui" revinrent, à peu de temps de là, lui soumettre les doutes et les difficultés des fidèles de cette vaillante communauté. Ce qui est certain, c’est que la première de ces Épîtres suivit de très près le retour des compagnons de Paul. I Thess., iii, 6.

D) Fin du premier séjour à Corinthe. — Encouragé par l'état florissant des nouvelles Églises qu’il venait de fonder, Paul redoubla d’ardeur pour fonder à Corinthe un centre chrétien de première importance. Il y passa dix-huit mois, appuyant sa doctrine des miracles et des phénomènes surnaturels les plus remarquables. I Cor., il, 4, 5 ; II Cor., xii, 15. Il eut la consolation d’arracher aux vices les plus dégradants une immense multitude de païens. I Cor., vi, 9, 10, 11. Tout cela ne se fit point sans de rudes labeurs. Mais le ciel fortifia, par des visions divines, le courage du zélé missionnaire. Corinthe devint, en peu de temps, une communauté des plus importantes, d’où la foi nouvelle rayonna sur toute l’Achaïe.

Les Juifs dissidents, à la vue de ces progrès, ne purent contenir leur fanatisme. Ils se saisirent de Paul et l’entraînèrent de force au forum, devant le tribunal du proconsul romain. Ils comptaient, comme d’habitude, sur l’inexpérience de la justice romaine en, matière religieuse, pour lui arracher une sentence contre la nouvelle croyance et ses adhérents. L’homme qui remplissait alors la charge de proconsul était un des esprits les plus sages et les plus instruits du monde romain, Marcus Annæus Novatus, frère aîné de Sénèque. Il avait été adopté par le rhéteur L. Julius Gallion et en portait le nom. Tacite, Ann., xv, 73 ; xvi, 17. Il fut très heureux que l’accusation des Juifs se présentât devant ce magistrat. Celui-ci, en effet, démêla, avec beaucoup de finesse, l'équivoque développée dans le réquisitoire du chef de la synagogue, Sosthènes. Il vit qu’il était question de dogme et arrêta court l’accusation. « S’il s’agis sait de quelque crime, dit-il, je vous écouterais comme il convient ; mais, s’il s’agit de vos disputes dd doctrine, de vos. querelles de mots, voyez-y vous mêmes. » Act., xviii, - 15. Cela dit, il donna ordre de congédier les deux parties. Les Juifs saisirent avec empressement l’occasion de se ruer sur leurs adversaires. Sosthènes fut, un moment, le point de mire de la bagarre : on le roua de coups sous les yeux de Gallion, sans que celuici s’en souciât le moins du monde. L’Apôtre, profitant de la situation, se retira parmi les siens et y travailla encore pendant un temps assez long.

E) Retour à Antioche. — L’Apôtre, désirant revoir les Églises de Syrie, s’engagea par vœu à célébrer la Pâque prochaine, celle de l’an 53 ou 54, à Jérusalem. Il se fit raser la tête à Cenchrée, pour commencer l’exécution de son nazirat ; puis il dit adieu à l'Église de Corinthe. Mais ne trouvant pas de service direct entre Corinthe et Césarée de Palestine, il s’embarqua pour Éphèse, avec Aquila et Priscille, qu’il devait y laisser seuls quelque temps. Il est probable qu’il mit Timothée à la têle de la jeune Église d' Achaïe. Silas, dès cette époque, ne reparaît plus dans la compagnie de l’Apôtre. On croit qu’il s’attacha plus tard à saint Pierre et lui servit de guide à travers les régions de l’Asie Mineure.

I Pet., v, 12. Paul le remplacera par Tite, que sa qualité d’incirconcis rendait particulièrement apte au ministère des Gentils. L’Apôtre séjourna quelques jours à Éphèse et ne put résister au désir de présider à de futurs combats dans la synagogue juive. Il plut à l’assistance : on voulait le retenir mais il allégua son vœu et se rembarqua pour Césarée de Palestine, d’où il monta à Jérusalem, accomplit son vœu au temple, distribua sans doute des aumônes aux pauvres de l'Églisemère, fit aux Apôtres et aux anciens le récit de ses travaux et reprit le chemin d’Antioche. Là, il rencontra Barnabe son ancien compagnon d’armes, avec qui il dut se réjouir de l’avancement du royaume de Dieu. Il retrouvait aussi Tite et les prophètes de la première Église des Gentils, C’est à ce moment, on peut le supposer, qu’eut lieu l’incident dont il est parlé dans l'Épltre aux Galates, II, 12.

3° Troisième mission. — Le champ de cette nouvelle et dernière expédition ne s'étend guère, si l’on excepte la province d’Asie, au delà des limites du second voyage, en sorte que l’intention de Paul paraît avoir été d’organiser ses premières conquêtes plutôt que d’en agrandir le cadre. Avant d’entreprendre la seconde partie de son programme évangélique, c’est-à-dire de prêcher en Occident, en prenant Rome pour centre d’apostolat,

II Cor., x, 16 ; Rom., i, 13, il lui semblait nécessaire d’implanter sérieusement la foi du Christ dans ce qu’on appelait l’Orient.

Ephèse, placée en sentinelle à l’entrée des provinces d' Achaïe, de Macédonie et de Galatie, offrait une position exceptionnellement favorable pour compléter son œuvre et pour suivre de près le développement des communautés d’Asie et d’Europe. De là, il pouvait savoir, à bref intervalle, ce qui se passait dans les Églises environnantes, répondre à leurs demandes, résoudre leurs difficultés, donner des avis et des ordres, encourager les bons, frapper les indignes, surveiller la marche de la collecte prescrite en faveur des pauvres de l'Églisemère, envoyer dans toutes les directions des disciples et des catéchistes pour suivre ou pour accélérer la marche de la vérité. Une autre circonstance, celle-là de première gravité, exigeait maintenant de Paul une vigilance continuelle, s’il voulait conserver' le fruit de sespremierstravaux.il s’agissait de mettre en garde les* nouveaux convertis contre un péril beaucoup plus grave que celui des persécutions du dehors. Il fallait lutter contre des adversaires d’autant plus dangereux qu’ils paraissaient plus zélés pour la pureté de la doctrine évangélique et qu’ils combattaient l’Apôtre en son enseignement par les plus perfides insinuations. Ces enne-