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PAUL (SAINT)


sans doute au judaïsme. Paul et Silas étaient à Bérée depuis près de deux mois, quand ils furent découverts par les Juifs de Thessalonique, qui vinrent les en chasser. La situation devenant intolérable en Macédoine, Paul résolut d’émigrer assez’loin pour que ses adversaires le perdissentdevue.il laissa Silas à Bérée avec Timothée qui venait de les rejoindre depuis peu de temps.

3. Mission d’Achaïe. Act., Xvn, 15-xviii, 18. — Paul, obligé de reprendre sa vie errante, tourna les yeux du côté du sud, vers le centre de la péninsule hellénique. Il allait rencontrer là une race plus vive, plus légère, plus curieuse, que la nature profondément bonne, sérieuse, calme des Grecs de Macédoine. Le voyage, cette fois, se fit par mer. Act. xvii, 14-15. Paul s’embarqua probablement à Méthone et fit veile vers Athènes. En suivant des yeux le rivage, il put contempler les ruines que la conquête romaine avait accumulées et qui couvraient ce sol autrefois si privilégié. Epist. Sulpitii ad Ciceron, dans Cicéron, Epist., iv, 5. Depuis l’an 146, la Grèce était devenue province romaine sous le nom d’Achaïe. Corinthe en était la capitale. Athènes ne gardait plus d’autre prééminence que celle de l’art et du souvenir, lorsque Paul y débarqua. Dès que l’Apôtre eut mis pied à terre, il congédia les fidèles de Bérée et les chargea de mander à Silas et à Timothée de venir le rejoindre le plus tôt possible. Pendant près d’une semaine, Paul se trouva donc seul dans cette ville qui lui était totalement inconnue. Il se mit alors à la parcourir en tous sens. Il visita l’Acropole avec ses chefsd’œuvre de sculpture incomparables. Tout ce peuple de statues faisait un effet étrange sur son esprit. La multitude des temples et des autels, les cérémonies du culte païen, les fêtes en l’honneur des divinités, tout cela achevait de mettre Paul hors de lui. Act., xvii, 16. Quelques auteurs pensent que Timothée serait alors venu seul de Bérée près de l’Apôtre qui l’attendait à Athènes. Act., xvii, 15. De cette dernière ville le disciple aurait été envoyé à Thessalonique. I Thess., iii, 2. Mais cela ne s’accorde pas avec l’ensemble de l’Épître et les ch. xvii et xviii des Actes, qui s’opposent pour Timothée à l’hypothèse de deux retours de Thessalonique pour rejoindre l’Apôtre. Il est préférable, avec d’autres interprètes, d^ntendre le verset 2 du ch. m de la I" aux Thessaloniciens d’un ordre transmis à Timothée, resté à Bérée avec Silas, d’aller visiter l’Église de Thessalonique avant de revenir près de saint Paul. Cette mission retarda son retour, et ne lui permit avec Silas de rejoindre l’Apôtre qu’à Corinthe seulement. I Thess., iii, 6 ; Act., xviii, A, 5. M9 r Le Camus, L’œuvre des Apôtres, in-12, Paris, 1905, t. ii, p. 262, 316.

A) Discours d’Athènes. — En attendant la venue de Silas et Timothée, Paul entreprit son œuvre habituelle. Il commença par ses anciens coreligionnaires et parla à la synagogue. On ignore le résultat de cette première prédication. L’auteur des Actes, tout entier à l’idée de mettre son héros en contact avec un auditoire bien plus illustre, a oublié de le dire. Athènes, depuis la perte de son indépendance, n’était plus qu’une ville, d’écoles comme Oxford ou Cambridge. On n’y voyait que professeurs, philosophes, rhéteurs, appliqués à instruire la jeunesse. L’Agora était, comme aux jours de Démosthènes, le lieu le plus fréquenté d’Athènes. C’est laque Paul essaya, à plusieurs reprises, d’exposer ses idées. Il fut remarqué parles partisans des deux philosophies qui avaient alors le plus de vogue : les épicuriens et les stoïciens. La faveur du public allait, alors, en général, vers les divers systèmes de morale.

Les discours du prédicateur étranger firent sur l’auditoire des impressions différentes, tout en piquant au vif sa curiosité. Lès uns, probablement les disciples d’Épicure, voyant qu’il s’agissait d’une question religieuse, exprimaient dédaigneusement leurs sentiments de mépris pour ce genre d’idées, disant : « C’est un

vain discoureur. » D’autres, apparemment les stoïciens, prêtaient plu3 d’attention aux paroles de l’Apôtre, et ils en venaient à conclure qu’on leur proposait quelque nouvelle diviuité. Enfin la curiosité l’emporta sur le scepticisme railleur, car pour mieux entendre l’exposition de la doctrine nouvelle, on invita l’étranger à monter à l’Aréopage, loin du tumulte de l’Agora. C’est à un auditoire si nouveau pour lui et en face de tout ce que l’hellénisme avait réuni de plus beau et de plus illustre au point de vue de Tart, de plus glorieux dans les souvenirs du passé, de plus vénérable et de plus sacré au point de vue de la religion, que Paul improvisa le petit chef-d’œuvre d’élégance rapporté par les Actes. Le mot résurrection, si étrange pour des esprits grecs, rompit l’intérêt mêlé de surprise qu’on avait d’abord accordé à une doctrine qui restait, par ailleurs, assez d’accord avec les traditions de la philosophie courante. Paul fut brusquement interrompu. Les uns se mirent à le plaisanter, les autres le congédièrent avec ces mots : « Nous t’écouterons là-dessus une autre fois, s Paul comprit qu’il n’aurait pas beaucoup de succès sur ces esprits blasés. Il songea d’abord à monter vers le nord, pour revoir ses chères Églises de Macédoine. Là, du moins, sa parole serait efficace. Mais divers obstacles qu’il mit sur le compte de Satan le détournèrent de son projet. Sans attendre le retour de Timothée, il se dirigea vers le sud et partit pour Corinthe. Il ne laissait à Athènes, en fait de disciples, qu’un groupe presque insignifiant ; entre autres, un certain Denys, personnage de haute dignité, membre du célèbre tribunal de l’Aréopage, et une dame de qualité appelée Damaris ou Damalis. Le passage de Paul en cette ville fut, en somme, sans résultat appréciable pour la cause de l’Évangile. Découragé par cet échec relatif, le seul peut-être de toute sa carrière apostolique, l’Apôtre n’attendit point le retour de Timothée, et il se dirigea seul vers la partie méridionale de l’Achaïe.

B) Fondation de l’Église de Corinthe. Act., xviii, 1-19. — Ce fut vers le printemps de l’an 52 que Paul débarqua à Cenchrée, petite ville à deux lieues de Corinthe, qui servait de port à la grande métropole du côté de la mer Egée. Il allait retrouver, dans la capitale de l’Achaïe, des’conditions à peu près semblables à celles qui avaient fait son succès à Thessalonique : une juiverie importante, une nombreuse clientèle de prosélytes recrutée par les synagogues, une population cosmopolite travaillée par l’idée religieuse. Paul saisit d’un seul coup cet ensemble de circonstances favorables. Il songea donc à faire là un long séjour et se mit à la recherche d’un patron chez qui il pût exercer son métier. Or, en visitant un des quartiers habités par ses coreligionnaires, il rencontra un couple pieux de modestes artisans, Aquila et Priscille, nouvellement venus de Rome, à la suite de l’édit de Claude qui proscrivait tous les Juifs de la Ville Éternelle. Les deux émigrés étaient originaires du Pont et s’occupaient de la fabrication des tentes. L’Apôtre alla loger chez eux, s’associant à leur industrie. Le samedi, il partaità la synagogue, exposant les oracles prophétiques dans le sens de la thèse chrétienne. L’orateur, instruit par ce qui s’était passé à Thessalonique, préparait avec beaucoup de ménagements sa conclusion finale. Quand il jugea que les esprits étaient suffisamment disposée à recevoir toute la vérité, il se mit à prêcher ouvertement les mystères de Jésus crucifié.

L’arrivée de Silas et de Timothée, survenue dans les entrefaites, ranima l’ardeur de son zèle. Aidé par de si précieux auxiliaires, il se livra tout entier à son œuvre de prosélytisme, établissant que Jésus de Nazareth était le Messie attendu, ’promis aux patriarches. Tous les Juifs n’obéirent point à sa voix. Un certain nombre d’entre eux s’opposèrent avec rage et fureur à la prédication nouvelle. On allait en venir aux insultes et aux