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PAUL (SAINT)


parents de Paul, bien qu’établis à Tarse, en Cilicie, étaient « hébreux » et peut-être originaires de Giscala, aujourd’hui El-Djisch, en Galilée. Ainsi s’expliquerait, en partie, la méprise de saint Jérôme qui les fait émigrer en Cilicie, après la naissance de Paul, à la suite -de la ruine de cette cité par les Romains : Paulus…, de tribu Benjamin et oppido Judeese Giscalis fuit, guo [a Romanis capto, cum parentibus sttis Tarsum Ciliciss"commigravit. De vif. ill., 5, t. xxiii, col. 615 ; Ad Philem., 23, t. xxvi, col. 617. Parmi les modernes, Krenkel est à peu près le seul qui adhère à une tradition entachée d’un anachronisme si évident, Beitràge zur Aufhellung d. Geschichte u. d. Briefe d. Apost. P., § i. En effet, Giscala ne fut prise qu’en 67, après les .autres places fortes de Galilée, Josèphe, Bell, jud., V, % 5, près de soixante ans après la naissance de l’Apôtre, peut-être même l’année de sa mort. Paul reçut, au jour de sa circoncision, le nom de Saul (grec, SaûXo ; , Act., IX, 1 ; xin), le demandé, le désiré, nom connu ayant été porté par le premier roi d’Israël. Dans les Actes, xiii, ’9, le nom de Saul se change subitement en celui de Paul (flaOXoç, Paulus) au moment où commence le récit de la conversion du proconsul de Chypre, Sergius Paulus. Serait-ce un hommage rendu à l’illustre converti ou une manière de marquer sa première conquête apostolique ? C’est l’opinion d’Origène, Comment, ad Rom. prsefat., t. xiv, col. 836, de saint Jérôme, Ad Philem. , 1, t. xxv, col. 604, de saint Augustin, Confess., vm, 4, t. xxxil, col. 753. Mais elle paraît mal s’accorder avec la modestie habituelle de l’Apôtre, I Cor., XV, -8-9 ; puis il prend ce nom, ꝟ. 9, avant la conversion qui n’est rapportée qu’au ꝟ. 12. D’autres ont voulu retrouver, dans le nom de Paul, un souvenir de l’affranchissement de son père, par quelque membre de l’illustre famille des Paulus ; plusieurs, une allusion à son apparence chétive (IIoûXo ; , JJaûpoç), II Cor., x, 1. 2, 1Q, ou l’effet d’un sentiment d’extrême humilité, S. Augustin, Serm., cclxxix, 5 ; cccxv, 5 ; t. xxxviii. col. 1278, 1479 ; un grand nombre, la transformation latine de son nom hébreu. Les Juifs hellénistes ajoutaient volontiers, à leur nom juif, le nom grec ou romain qui s’en rapprochait le plus par la prononciation. Ainsi Éliacin se changeait en Alcime, Jésus en Jason, Joseph en Hégésippe, cf. col. 2087. De la sorte, , Saul aura donné Paul. La forme grecque EaûXo ; prêtait, du reste, à un sens plus ou moins ridicule (EaûXoç, celui qui se balance en marchant). Au contraire, le nom latin Paulus convenait à merveille à celui qui devait tant de fois se prévaloir du titre de citoyen romain et qui venait d’inaugurer, dans le monde officiel, sa carrière d’apôtre des gentils. Dès ce moment, les Romains l’appelèrent « Paulus », les <3recs, n « 0Xo{, les Juifs seuls continuèrent à le nommer Saul. Act., xxvi, 14. Le père de Paul possédait un titre dont les prérogatives étaient alors considérables : celui de citoyen romain. Act., xvi, 37 ; xxii, 25, 28. On ne sait d’où lui venait ce privilège. En tous cas, ce n’était pas de la ville elle-même ; Tarse n’était, à cette époque, m un municipe, ni une colonie romaine, comme. Philippe de Macédoine, par exemple, ou Antiochèlde Pisidie, .Act., xvi, 12, mais tout simplement une cité libre, ayant la faculté de se gouverner par ses propres magistrats, et d’exercer elle-même ses droits de police. Fustef de Coulanges, La cité antique, p. 447 ; Dion Chrys., Orat., % Mais rien n’empêche de supposer que le père de saint Paul lui-même ou l’un de ses ancêtres ait acquis cet honneur, soit à prix d’argent, soit par des services de guerre, soit encore au moyen de l’affranchissement. J*Is r Le Camus, L’Œuvre des Apôtres, t. i, p. 136, soutient cette dernière hypothèse, déjà insinuée par Wieseler. Il suppose que dans la lutte entre Octave et Antoine contre Brutus et Cassius, Tarse, ayant pris parti pour les premiers, se vit obligée de capituler devant Cassius. En conséquence, un grand nombre de ses habitants furent

vendus comme esclaves pour payer l’impôt de guerre, dont la ville se trouva frappée. Or, ceux qui arrivèrent à Rome, furent affranchis après la victoire d’Auguste et purent rentrer, dans leurs foyers, avec le titre de citoyens romains. Parmi les Tarsiens rapatriés, se trouvaient sans doute un certain nombre de familles juives. Appien, Bell, civ., iv, 64 ; v, 7. Ainsi s’expliquerait, du même coup, l’expression des Actes, vl, 9, les affranchis de Cilicie. Paul, dans ce cas, aurait pu s’approprier la phrase d’Horace, libertino pâtre natus.

II. Éducation. — Le judaïsme palestinien, sous sa forme la plus pure, la plus sévère, la plus ardente, le pharisaïsme, façonna l’âme de Paul. Act., xxiii, 6. Personne n’a plus hautement estimé que Paul les privilèges d’Israël, ni exalté davantage les prérogatives de son élection divine, Rom., iii, 1, 2 ; ix, 4, 5 ; xi, xv, 8 ; Phil., iii, 7, ni si passionnément aimé la race juive, Rom., lx, 1, 5 ; XI, 14 ; personne ne s’est plus intimement assimilé les doctrines et les espoirs d’Israël. Act., xiii, 32, 33 ; xxiv, 14 ; Gal., iii, 7, 14 ; vl, 16 ; II Cor., xi, 22 ; Rom., iv, 16, 17 ; IX, 4, 6 ; x, 4 ; xv, 1812, ni poussé aussi loin les observances de la loi mosaïque. Act., xiii, 33, 39 ; Rom., iv, 13-15 ; vii, 5-25 ; vm, 3 ; ix, 31-x, 4 ; Gal., ii, 15, 16 ; iii, 10-25 ; v, 2-3 ; I Cor., xv, 66, etc.

1° À Tarse. — Quant à la langue maternelle, Paul s’est trouvé sans doute dans la condition des enfants d’émigrés qui apprennent en même temps et parlent avec une égale facilité la langue de leur père et celle de leur patrie d’adoption. Le grec et l’hébreu paraissent avoir été, en effet, également familiers à l’Apôtre. Act., xxi, 37, 40 ; xxii, 2. Paul parlait habituellement et facilement en grec ; il écrivait dans cette langue sans aucun effort ; il possédait le vocabulaire et pouvait même, à l’occasion, l’enrichir de mots nouveaux. Mais sa phrase était, en ce qui regarde la syntaxe, chargée d’hébraïsmes et de syriacismes difficiles à saisir pour celui qui ignore le génie particulier des langues sémitiques. II Cor., xi, 6. Voilà pourquoi on ne parvient à comprendre parfaitement le grec des Épîtres qu’en devinant le tour hébraïque que Paul avait dans l’esprit au moment où il les dictait. Il n’y a donc pas à chercher là les traces d’une éducation hellénique proprement dite. Le fait d’être né à Tarse, un des centres les plus brillants de la civilisation grecque d’alors, ne suffit pas pour établir que Saul ait reçu une culture classique. Philostrate, Apollonius, l, 7. Le zèle des Tarsiens pour la philosophie et pour les lettres dont parle Strabon, xiv, 10, 13-15 ; devait s’arrêter sur le seuil des quartiers juifs. L’effet produit sur l’âme du jeune pharisien par cette culture profonde ne fut pas celui de l’attrait, mais plutôt celui d’une répulsion profonde. Le levain d’idolâtrie qui pénétrait toute la vie grecque ne lui inspire qu’horreur et mépris. Insensible aux beautés de l’art, il s’aigrissait contre ce qu’il prenait pour un hommage rendu aux démons. Act., xvii, 16. En réalité, la Grèce n’a eu que peu d’influence sur l’esprit de Paul.

2° À Jérusalem. — Vers l’âge de quinze ans, c’est du moins l’hypothèse qui paraît réunir le plus de probabilités, si l’on tient compte du passage des Actes xxii, 3, où àvaTeOpatinevà* âv ttj itôXsi Taûiri est contrebalancé par l’épithéte v£Ôt7)to ; , Act., xxvi, 4, qui suppose toujours un adolescent, Paul fut envoyé à Jérusalem, pour y être instruit dans la science de la Loi. Son père le destinait sans doute à être scribe. Yoir Scribe. Paul dut sa subsistance à l’exercice d’un art mécanique. Il apprit à faire ou à coudre (l’expression sxTjvoitoKfc ; suggère plutôt l’idée d’un travail consistant à confectionner les tentes elles-mêmes) ces grosses toiles de Cilicie qu’on appelait cilicium et qui servaient spécialement à faire des tentes ; c’était, sans doute, l’industrie dont vivait sa famille. Act., xviii, 3 ; I Cor., iv, 12 ; I Thess., ii, 9 ; II Thess., iii, 8. Il ne