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LËVI (TRIBU DE)


un rapprochement intéressant avec certaines inscriptions minéennes trouvées par Euting à el-Ola, au nord de Médine, et où il est question de personnes appartenant au Dieu Wadd, désignées sous le nom de lawi’u, féminin, lawVat, « prêtres, prêtresses. » Le rapport de ces mots avec l’hébreu lévi est accepté par Mordtmann, Beitrâge zur tninâiscken Epigraphik, Weimar, 1893, p, 43, et Sayce, Early history of the Hebrews, Londres, 1897, p. 80. Mais en admettant que telle soit leur signification exacte, leur emploi n’est pas conforme à celui de lêvî. Si l’on peut dire : « le prêtre, la prêtresse de Wadd, » on ne trouve nulle part dans l’Ancien Testament : « le lévi de Jehovah. » L’idée de « prêtre » est exclusivement représentée en hébreu par kôhên. S’il y a eu emprunt, c’est plutôt du côté des Minéens, emprunt qui s’expliquerait par l'établissement de colonies israélites dans le pays. — Wellhausen, Prolegomena zur Geschichte lsræls, Berlin, 1899, p. 146, prétend que Lêvi est simplement le nom ethnique dérivé de Lé'dh (Vulgate : Lia). Tel est aussi le sentiment de Stade, Lea und Rahel, dans la Zeitschrift fur die alttestamentliche Wissemchaft, Giessen ; t. i, 1881, p. 116.

II. Origine. — II y a là, on le voit, bien des subtilités pour échapper à l’autorité de la tradition biblique. C’est pourtant la seule qui réponde aux exigences de l’histoire. Il est certain qu'à l’origine il a existé une tribu distincte, du nom de Lévi, Nous en avons la preuve dans la Bénédiction de Jacob, Gen., xlix, 5-7 : où elle a sa place marquée parmi les descendants du patriarche, à côté de Siméon. Voici, d’après l’hébreu, la traduction de ce très ancien morceau poétique. Il est probable cependant que le texte massorétique ne représente pas partout le texte primitif ; de là certaines restitutions qu’il est permis de faire d’après les anciennes versions ou d’après des conjectures critiques. Cf. J. M. Lagrange, La prophétie de Jacob, dans la Revue biblique, Paris, t. vii, 1898, p. 525 ; C. J. Bail, The Book of GenesU in hebrew, Leipzig, 1896, p. 107.

y. 5. Siméon et Lévi sont frères,

Ils ont consommé la violence avec leurs ruses : t. 6. Que mon âme n’entre pas dans leur complot,

Que mon honneur ne s’unisse pas à leur coalition,

Car dans leur colère ils ont tué des hommes,

Et dans leur caprice ils ont énervé des taureaux. y. 7. Maudite soit leur colère, car elle a été violente,

Et leur fureur, car elle a été inflexible.

Je les diviserai dans Jacob,

Et je les disperserai dans Israël.

Il est clair que ce passage fait allusion au récit de Gen., xxxiv, 25-31, à la fourberie et à la cruauté de Siméon et de Lévi à l'égard des Sichémites. Voir Lévi 1. C’est pour cela que, dans le premier vers, au lieu de 'ab-im, « frères, » on propose de lire 'ôhîm, « hyènes » (Bail) ou « hurleurs » (Lagrange). Cf. Is., xiii, 21. Des allusions semblables sont faites à propos de Ruben. Cf. Gen., xlix, 4 ; xxxv, 22. On remarquera que, dans la Bénédiction, Lévi, représentant réel ou simplement idéal de la tribu, n’apparaît pas comme type de l’ordre sacerdotal. Par conséquent, ce n'était pas non plus comme ministres du culte que les Levîîm portaient ce nom. . Par là même aussi, puisque nous trouvons, dès les premiers temps de l’histoire d’Israël, une vraie tribu de Lévi, qui n’est pas envisagée comme la tribu sainte, nous en conclurons qu’elle existait comme tribu politique, au même titre que les autres, et indépendamment de sa consécration au service divin.

Wellhausen et d’autres critiques admettent cette conclusion, mais prétendent qu’il est impossible de rattacher à cette tribu primitive celle des ministres sacrés : la première aurait disparu de bonne heure, et la seconde, d’origine récente, aurait eu des débuts indépendants. Nous ne pouvons réfuter en détail ces assertions ni les raisons mises en avant. Qu’il nous suffise

de dire que la prétendue disparition est une supposition gratuite, que l’histoire ne nous montre nulle part ces débuts indépendants dont on parle. Ce qu’il y a de certain, c’est que le Deutéronome, quelle que soit son origine, suppose la tribu de Lévi en possession universellement reconnue des prérogatives sacerdotales, et que, dans la Bénédiction de Moïse, Deut, xxxiii, 8-11, la tribu sacerdotale de Lévi est bien, comme dans la Bénédiction de Jacob, sœur de Ruben, de Juda et des autres, par conséquent identique à la tribu primitive. Voici, du reste, le passage de Deut., xxxiii, 8-11 ; il nous apportera quelque lumière sur les origines de la famille lévitique : « Et [Moïse] dit à Lévi (c’est-à-dire au sujet de Lévi) :

t. 8. Donne à Lévi (d’après LXX) ton Tummim

Et ton Urtm à ton homme pieux,

Que tu as tenté à Massa,

Que tu as jugé aux Eaux de Mériba ; ꝟ. 9. Qui a dit de son père

Et de sa mère : Je n’y ai point égard ;

[Qui] n’a pas considéré ses frères

Et n’a pas connu ses enfants.

Parce qu’ils ont observé tes commandements

Et gardé ton alliance, ꝟ. 10. Us enseigneront tes jugements à Jacob

Et ta loi à Israël ;

Es présenteront l’encens à tes narines,

Et l’holocauste sur ton autel. f. M. Bénis, Jéhovah, sa lortune (ou sa force)

Et agrée l'œuvre de ses mains ;

Brise les reins de ses adversaires

Et de ses ennemis, afin qu’ils ne puissent se lever contre lui.

L’Urîm et le Tummîm représentent un des attributs du sacerdoce. Donner au peuple l’enseignement religieux, offrir l’encens et le sacrifice sont les principales fonctions du ministère sacré. Et tels sont les privilèges dont nous trouvons la tribu de Lévi déjà investie. Mais d’où lui vint cette prérogative ? Elle la dut, non pas à un acheminement graduel, comme on le prétend, mais à un choix spécial de Dieu, à une institution positive. Cf. Num., i, 50 ; iii, 3, 6, etc. Cependant la raison de sa vocation est clairement indiquée ici : ce fut sa fidélité envers Dieu. Quelle que soit, en effet, l’obscurité de l’allusion par rapport à Massa et à Mériba (cf. Exod., xvii, 1-7 ; Num., XX, 1-13 ; xxvii, 14), les paroles du ꝟ. 9 sont également l'écho d’un événement historique, raconté Exod., xxxii, 21-29. Moïse, après l’incident du veau d’or, voulant châtier les coupables, s'écria : « À moi quiconque est pour Jéhovah ! » Les Lévites seuls entendirent cet appel. Armés de glaives, ils parcoururent le camp d’un bout à l’autre, frappant tous ceux qu’ils rencontraient, « frères, amis, parents, » c’est-à-dire sans ménagement, sans distinction de personnes. C’est ce que le poète sacré rappelle en disant qu’ils ne connurent ni père, ni mère, ni frères, ni enfants. Il n’a donc pas voulu par là exprimer un principe abstrait, c’est-à-dire le détachement habituel des Lévites, le renoncement aux liens les plus chers, mais un fait réel, qui a mis en relief leur attachement absolu à la cause de Jéhovah. Aussi est-ce ce jour-là qu’ils reçurent la promesse de l’investiture des fonctions saintes. Ils avaient, par leur zèle, changé en bénédiction la malédiction qu’avait attirée sur eux la conduite criminelle de leur père. Il est permis peut-être de remonter plus haut dans l’histoire et d’expliquer les aptitudes spéciales des enfants de Lévi au culte religieux. On a remarqué parmi eux plusieurs noms propres égyptiens ou renfermant un élément égyptien ; tels sont ceux de Phinéès (hébreu : Pinehés), Exod-, vi, 25 ; Num., xxv, 7 ; Phutiel (hébreu : Pûti'êl ; et. Pûlîfar), Exod., VI, 25, et celui de Moïse (MôSëh}- lui même. Il est donc possible que des familles influentes de la tribu soient entrées en rapport avec les Egyptiens, pendant leur séjour dans la vallée du Nil. L’homme de Dieu qui s’adresse au grand-prêtre Héli, rappelle que