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PARABOLE


qu’il ne voie pas ». Le texte suppose donc un effet voulu et produit. Saint Marc et saint Luc transcrivent : "va [j.7] ftiwtnv ou pXentôffiv, ut non videant, tandis que saint Matthieu atténue : Su où p).énov< ; tv, quia non vident, « parce qu’ils ne voient pas », sans doute par égard pour les Juifs auxquels il s’adresse ; mais sa transcription est moins conforme au texte hébreu. Cf. L. Fonck, Die Parabeln des Herrn, Inspruck, 1904, p. 21-3ô. Il faut observer cependant que « très souvent dans le Nouveau Testament îva est employé de telle sorte qu’il perd sa signification propre pour se rapprocher du mot ôti. » Beelen, Grammat. grœcilalis N. T., Louvain, 4857, p. 481. Cependant saint Jérôme, In Is., iii, 7, t. xxtv, col. 100, prend le texte d’Isaïe d’après l’hébreu ; pour le justifier, il le compare à d’autres textes analogues, Exod., x, 27 ; Ps. lxix (lxviii), 24 ; Act., xxviii, 25, 26, et, d’après Rom., xi, 25, explique que les Juifs ont dû être aveuglés pour rendre possible le salut du inonde ; car, reconnaissant le Messie, ils ne l’auraient pas crucifié. — Il est possible de concilier les deux manières de voir, en atténuant ce qui peut paraître trop dur dans la seconde. Le Sauveur, sans nul doute, veut dérober ses mystères à la connaissance d’hommes mal disposés pour les entendre. Cf. Fouard, La vie de N.-S. J.-C, Paris, 1880, t. i, p. 392-394. Toutefois sa manière de procéder, qui laisse aux Juifs le moyen de se convertir en tirant un certain profit de ses paraboles, ne constitue encore qu’un commencement de châtiment. « Ce n’est ni par une volonté première de Dieu, comme on pourrait le croire d’après le texte d’Isaïe, ni par sa volonté dernière, mais par un décret intermédiaire, un jugement de sa providence, que tout cela arrive… Si Jésus inaugure un nouveau mode d’enseignement, c’est qu’on n’a pas voulu comprendre ses discours plus clairs. Il retire la lumière : c’est un châtiment qui commence, mais qui n’est ni complet ni définitif. Les Juifs pourraient, en s’appliquant encore, percer Pécorce des paraboles et inviter la bonté divine â revenir à eux dans toute la manifestation de sa vérité. S’ils ne le font pas, c’est que leurs cœurs de chair sont absolument voués à la mort ». Le Camus, La vie de N.-S. J.-C, Paris, 1901, t. ii, p. 57. —On peut se demander s’il est nécessaire d’étendre en rigueur à toutes les paraboles évangéliques ce qui est dit à propos des premières paraboles sur le royaume des cieux. Toutes, sans doute, gardent quelque chose dé mystérieux ; toutes aussi offrent un sens accessible à tous les auditeurs. Mais il est clair que celles qui portent sur les conditions actuelles du royaume sont plus faciles à saisir que celles qui en tracent l’histoire à venir. À ce point de vue, certaines paraboles, celles du pharisien et du publicain, Luc, xviii, 9-14, du riche insensé, Luc, xii, 16-21, du bon Samaritain, Luc, x, 30-37, du serviteur impitoyable, Matth., xviii, 23-35, de la brebis perdue, Matth., xviii, 12-14, etc., semblent être à la portée de tous. Néanmoins, il ne faudrait pas s’y tromper. Il n’en est pour ainsi dire aucune dont une application individuelle et immédiate épuise tout le sens. Les destinées et les conditions du royaume des cieux y apparaissent toujours à un plan supérieur. Ainsi la parabole du fils prodigue, Luc, xv, 11-32, met dans une lumière éclatante la notion de la miséricorde divine à l’égard de chaque âme ; mais n’y a-t-il pas dé plus à reconnaître dans ce prodigue le gentil qui s’est éloigné de Dieu et revient à lui, dans cet aîné si jaloux, le Juif resté officiellement au service du Seigneur ? La parabole du bon Samaritain est une merveilleuse leçon d’amour du prochain ; mais en même temps n’établit-elle pas un contraste entre l’impuissance du sacerdoce lévitique et l’efficacité du sacerdoce de Jésus-Christ ? La parabole des dix vierges, Matth., xxv, 1-13, prêche éloquemment la vigilance spirituelle ; mais ne classe-t-elle _pas les âmes en deux catégories fort distinctes au point


de vue du salut, celles qui ont leur provision de foi et de charité et celles qui ne l’ont pas ? Le but visé par NotreSeigneur en commençant ses paraboles peut donc s’appliquer à toutes, plus ou moins complètement, suivant le sujet traité.

3° Classification des paraboles. — 1. Les paraboles évangéliques, envisagées au point de vue de leur contenu, peuvent se diviser en trois classes : les paraboles qui se rapportent au royaume dès cieux, à son existence, son développement, son action ; les paraboles qui se rapportent aux sujets du royaume des cieux et à leurs devoirs ; enfin les paraboles qui se rapportent au chef du royaume des cieux et à ses relations avec ses sujets. Voir Jésus-Christ, t. iii, col. 1494-1497. Toutes ces paraboles sont l’œuvre du Sauveur lui-même. D’après Jùlicher, Die Gleichnissreden Jesu, Fribourg-en-Br. , 1899, suivi par Loisy, Études évangéliques, Paris, 1902, p. 1-121, le Sauveur se serait servi de fables toutes simples pour aider ses humbles auditeurs à saisir sa pensée religieuse. Par la suite, les derniers rédacteurs de l’Évangile ont dû mêler à ces fables, d’ailleurs assez maladroitement, d’autres paroles de Jésus-Christ et des réflexions inspirées à la première génération chrétienne, habituée à traiter les textes d’après la méthode allégorique. C’est ainsi que les paraboles seraient devenues la révélation prophétique du royaume de Dieu. Cette théorie permet de tout bouleverser dans les paraboles, sous prétexte de les ramener à leur état primitif ; elle autorise à regarder comme provenant d’une source commune, exploitée par deux rédacteurs différents, les paraboles des mines et des talents, à déclarer que la première est le produit d’une « fantaisie de l’évangéliste », cf. Jùlicher, t. ii, p. 485, à soutenir que la parabole des vignerons homicides, rapportée par les trois synoptiques, est un développement théologique dû à des rédacteurs postérieurs, t. ii, p. 405, et ainsi de suite pour la plupart des paraboles. Les hypothèses de Jùlicher ont été bien appréciées et refutées par un auteur protestant, C. A. Bugge, Die Hauptparabeln Jesu, Giessen, 1903. Elles reposent sur des conceptions arbitraires et aboutissent à des affirmations gratuites. Il est toujours possible de prendre un texte ancien, comme celui des Evangiles, de le disséquer phrase par phrase, d’attribuer tel passage à un auteur, tel passage à un autre, et à réduire le canevas primitif à quelques mots. Mais un pareil travail ne prouve absolument rien ; on peut l’exécuter sur tout texte, quel qu’il soit. Ses conclusions se heurtent ici à la parfaite harmonie des paraholes et à l’impossibilité où serait une collaboration lente et multiple d’aboutir à un résultat semblable. D’ailleurs pour beaucoup de paraboles, il nous reste le récit conforme de deux ou trois évangélistes, et nulle trace ne se rencontre des ébauches primitives qui auraient dû nécessairement précéder le travail définitif. C’est donc bien i’œuvre du Sauveur que nous ont transmise les synoptiques, et, dans cette œuvre, il a entendu parler du royaume de Dieu. — 2. Au point de vue du nombre des paraboles, les auteurs ne sont pas d’accord. Les uns n’en comptent guère que vingt-cinq, en n’admettant à ce titre que celles qui se présentent avec un certain développement ; d’autres vont à plus de cent, en traitant comme paraboles de simples comparaisons, et même des proverbes, comme « médecin, guéris-toi toi-même. » Le P. Fonck, Die Parabeln, p. xi-xii, en compte soixante-douze, qui se répartissent ainsi dans les trois classes indiquées plus haut : I’" classe, 4, la semence, Matth, , xiii, 3-9, 18-23 ; Marc, iv, 3-9, 13-21 ; Luc, viii, 5-8, 11-15 ; — 2, le grain qui pousse, Marc, iv, 26-29 ;

— 3, l’ivraie, Matth., xiii, 24-30, 36-43 ; — 4, le sénevé, Matth., xiii, 31, 32 ; Marc, iv, 30-33 ; Luc, xiii, 18, 19 ;

— 5, le levain, Matth. j xiii, 33 ; Luc., xiii, 20, 21 ; — 6, le trésor caché, Matth., xiii, 44 ; — 7, la perle^.

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