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PARABOLE

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pour les paraboles suivantes. Beaucoup de paraboles sont dues à la seule initiative de leur auteur ; elles constituent des chefs-d’œuvre d’exposition doctrinale et d’adaptation au sujet traité. On comprend qu’un pareil enseignement ait ravi les foules et créé au Sauveur un rang à part parmi les docteurs d’Israël, anciens et contemporains. Cf. "Wiseman, Mélanges religieux, trad. Bernhardt, Paris, 1858, p. 26, 27.

2° Double but des paraboles évangéliques. — 1. Le Sauveur se proposait tout d’abord, au moyen des paraboles, da transmettre sa doctrine à ses disciples, sinon dans sa totalité, du moins dans plusieurs de ses points principaux. Il leur enseigna d’abord ce que devait être le royaume de Dieu, en enveloppant cet enseignement dans des paraboles faciles à retenir, à l’intelligence desquelles il prit d’ailleurs soin de les initier, qu’il proportionnait à leur capacité présente, et qu’ils comprirent certainement mieux plus tard. Voir Royaume de Dieu. « Il les enseignait ainsi par diverses paraboles, selon qu’ils étaient capables de l’entendre. Une leur parlait point sans paraboles ; mais, en particulier, il expliquait tout à ses disciples. » Marc, iv, 33, 34. Les paraboles qui ont trait aux conditions de la vie chrétienne étaient plus faciles à saisir. Cet enseignement n’en gardait pas moins quelque chose de mystérieux. Quand, à son dernier jour, le Sauveur dit aux apôtres : « Je vous ai dit ces choses en paraboles. L’heure vient où je ne vous parlerai plus en paraboles, mais où je vous parlerai ouvertement de mon Père, » Joa., xvi, 25, ils ne purent s’empêcher de faire cette remarque, qui constatait l’impuissance où ils avaient été de bien comprendre ce genre d’enseignement : « Voilà que vous parlez ouvertement et sans vous servir d’aucune parabole. » Joa., xvi, 29. Pourtant il était fort bien approprié à la situation morale dans laquelle se trouvaient les disciples. Ce qu’ils pouvaient entendre de la parabole, dans sa forme concrète et saisissante, leur suffisait pour la retenir ; plus tard, éclairés par les événements et surtout par l’Esprit de Dieu, leur intelligence pénétra mieux ce que conservait leur mémoire. On peut remarquer, du reste, que « Notre-Seigneur lui-même partagea son enseignement en deux parties. Tant qu’il s’occupa de l’Église, de ses devoirs et de ses vicissitudes, en d’autres termes tant qu’il ne traita que de ce qui devait être extérieur et un jour historique, mais qui, au moment où il parlait, n’existait encore qu’en prophéties, il se servit de ce qui constitue l’élément prophétique du Nouveau-Testament, c’est-à-dire de l’enseignement sous forme de paraboles. Mais lorsqu’il vint à parler de ce qu’il était déjà, de lui-même, de son existence antérieure à celle d’Abraham, de son égalité avec le Père, de sa propre divinité, il repoussa toute espèce de parabole et s’exprima en termes clairs et précis ». Wiseman, Mélanges religieux, p. 65, 66.— 2. Vis-à-vis de la foule incrédule, les paraboles de Notre-Seigneur tendaient à un autre but, qui est ainsi indiqué : « À Vous, il est donné de connaître les mystères du royaume des cieux, mais à eux, il ne leur est pas donné… Je leur parle en paraboles, parce qu’en voyant ils ne voient pas, en entendant ils n’entendent pas et ne comprennent pas (dans S. Marc et S. Luc : afin qu’en voyant ils ne voient pas, en entendant ils n’entendent pas et ne comprennent pas), pour que s’accomplisse en eux la prophétie d’Isaïe : Vous entendrez de vos oreilles et ne comprendrez pas, vous verrez de vos yeux et ne verrez pas. Le cœur de ce peuple s’est endurci, ses oreilles se sont alourdies pour entendre et ils ont fermé leurs yeux, afin qu’ils ne voient pas de leurs yeux, n’entendent pas de leurs oreilles, ne comprennent pas dans leur coeur, de sorte qu’ils se convertissent et que je les guérisse. ».Matth., xiii, 1115 ; Marc, iv, ii, 12 ; Luc, viii, 10. Ce texte est compris de deux manières. Beaucoup de modernes n’admettent

pas que Notre-Seigneur parle en paraboles uniquement pour n’être pas compris de la foule et, au contraire, pour l’aveugler. « L’intention prêtée au Sauveur contredit évidemment le choix du sujet traité et la forme simple et familière qu’il emploie. Il a voulu avant tout se mettre à la portée de ses auditeurs qui, bien que matériels, - sont avides de l’entendre. L’allusion à la mission d’Isaïe, loin de contredire notre interprétation, semble au contraire la confirmer. Yahvéh ordonne à son prophète de tenter un dernier effort, qui doit être décisif, pour ramener le peuple de son égarement. Si cette démarche suprême, qu’accompagnent des menaces sévères, est sans succès, alors l’aveuglement viendra de lui-même. Il en est ainsi dans notre cas. Si la foule ne comprend pas le mystère de Jésus, proposé sous la forme claire et limpide de la parabole, il faut désespérer d’elle ; elle est donc endurcie, aveuglée et partant réprouvée. Dans l’intention de Jésus, l’enseignement parabolique est donc un acte d’amour et de divine condescendance, et non pas un acte de réprobation. » Rose, Études sur les Évangiles, Paris, 1902, p. 111. Ce qui empêche les foules de comprendre la prédication du royaume de Dieu, ce sont les idées fausses que les docteurs juifs ont popularisées au sujet de ce royaume. C’est pourquoi, au lieu d’en parler directement, le Sauveur va le décrire en paraboles qui heurteront moins les idées reçues, envelopperont délicatement des révélations auxquelles s’ouvriraient difficilement des esprits pleins de faux préjugés, ’et en prépareront l’acceptation grâce à l’harmonie qu’on pourra constater entre les choses naturelles et les surnaturelles. Si, malgré ces précautions, la foule persiste à ne pas comprendre, son aveuglement aura été, non pas voulu, mais seulement redouté et prévu par le divin Maître. Cette prévision ne l’empêchera pourtant pas de se servir de paraboles jusqu’à la fin de son ministère. D’ailleurs, « les paraboles n’étaient pas sans aucune utilité pour les foules. Si celles-ci ne saisissaient pas leur sens plus profond, elles pouvaient cependant en tirer des leçons profitables pour la conduite ; ainsi ce qui est dit de la semence jetée en terre, convient par une application facile et obvie à tout ce qui est exhortation, règle de vie ou doctrine. Les paraboles qui disent formellement à quoi le royaume des cieux est semblable offrent plus facilement encore l’occasion de tirer un profit ; cette manière de parler excite et invite à chercher, à concevoir le désir du royaume, à reconnaître son prix et sa dignité ; des autres résulte naturellement un encouragement à faire le bien et à éviter le mal. Le langage parabolique est donc de telle nature que chacun en reçoit profit et science, selon sa disposition d’esprit, sa foi dans le Christ et sa connaissance des choses divines, s Knabenbauer, Evang. sec. Matth., Paris, 1892, t. i, p. 519. — D’autres au contraire pensent que le texte d’Isaïe, vi, 9, 10, et sa citation dans saint Matthieu, marquent non seulement une prévision certaine, mais aussi un effet voulu par Dieu. Il faut reconnaître que, pour les Pères, ce texte implique l’idée d’un châtiment véritable : en n’accomplissant pas la loi ancienne, les Juifs se sont rendus indignes de la loi nouvelle. « c On donnera à celui qui a, et il sera dans l’abondance, mais à celui qui n’a. pas, on ôtera même ce qu’il a, » Matth., xiii, 12, dit le Sauveur lui-même avant de citer Isaïe. L’enseignement en paraboles aurait donc le caractère de châtiment, pour les Juifs incrédules. Cf. S. Jean Chrysostome, In Matth., homil, xlv, t. lviii, col. 471 ; Opus imperf. i » Matth-, homil. xxxi, t. lvi, col. 796 ; Théophylacte, In Matth., etc., t. cxxiii, col. 280, 529, 800J ; Euthymius, In Matth., t. cxxix, col. 400 : S. Augustin, In Matth., qusest. xiv, t. xxxv, col. 1372 ; Vén. Bède, In Matth., t. xcii, col. 66, etc. Dans sa prophétie, Isaïe, VI, 10, reçoit l’ordre de boucher les yeux du peuple, pén îr’éh, [iïjitoTS î’Scixrt, ne videat, « pour