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PARABOLE


I. Signification du mot. — 1° Le verbe hébreu mâsâl, analogue à l’assyrien maSdlu, à l’arabe masal, à l’araméen màtal, au syriaque matai et à l’éthiopien masal, signifie « être semblable » et « comparer ». Le substantif dérivé a donc la signification de « comparaison, similitude ». Il se rencontre parfois avec divers synonymes indiquant les nuances qu’il comporte : kîdâh, « énigme ». Ezéch., xvii, 2 ; nielîsafy, « satire », Hab., ii, 6 ; Mr, « cantique », Eccli., xlvii, 17 ; dibré kâkamîm, « paroles des sages », Prov., i, 6 ; èeninâh, « raillerie », Deut., xxviii, 37 ; hérpâh, « outrage », etqelâlâh, « malédiction », Jer., xxiv, 9 ; ’ôl, « signe », Ezech., xiv, 8,

, et nehî, « lamentation ». Mich., ii, 4. Le mâsâl serait par conséquent un discours un peu énigma tique, dont le sens obvie en cache un autre, et qui sert à formuler un enseignement élevé, parfois à railler ou à célébrer, à maudire ou à plaindre. — 2° Le grec itapaëoXiri vient de napaêâXXw, « jeter auprès, comparer ». Il est employé dans les auteurs classiques avec le sens de « comparaison » et de « ressemblance ». Ilapociita ahabituellement le sens de « proverbe ». Saint Jean emploie toujours ce mot, à’I’exclusion du précédent, pour désigner ce que les autres Évangélistes appellent « paraboles. » — 3° Les termes latins identifient la parabole avec la similitude et la comparaison. Il est curieux de remarquer que parabola, en passant par paravla et paraula, a donné en français le mot « parole », cf. A. Darmesteter, Cours de grammaire historique, Paris, t. i, p. 102, ce qui prouve que, pour nos pères, les paraboles qu’ils entendaient expliquer constamment sont devenues les « paroles » par excellence. Cf. Littré, Dict. de la langue franc., t. iii, p. 963. — 4° La parabole est donc comme un composé de corps et d’âme. Le corps, c’est le récit lui-même dans son sens obvie et naturel, récit qui se tient par lui-même et ne renferme que des éléments appartenant aux réalités ordinaires. L’âme est une suite d’idées parallèles aux premières, se déroulant dans le même ordre, mais dans un plan supérieur, de sorte qu’il faut être averti et apporter de l’attention pour les saisir. La parabole ne doit donc pas être confondue aveg h fable, dans laquelle les êtres ne se comportent pas toujours conformément à leur nature et dont le sens instructif ne dépasse pas le niveau des observations ou des leçons utiles à la vie ordinaire. Voir Apologue, t. i, col. 778. La parabole est également distincte du proverbe. Ce dernier peut parfois contenir en germe une parabole :

Comme des pommes d’or sur des ciselures d’argent, Ainsi est une parole dite à propos. Prov., xxv, 11. Vin nouveau, .nouvel ami,

Qu’il vieillisse, tu te boiras avec plaisir. Eccli., IX, 10.

Mais la plupart du temps, il exprime une vérité sans faire appel à aucune similitude proprement dite :

On équipe le cheval pour le jour du combat,

Mais de Jéhovan dépend la victoire. Prov.. xxi, 31.

Il y a une réprimande qui n’est, pas à propos,

Tel, qui se tait, fait preuve de prudence. Eccli., xx, 1.

La parabole n’est pas non plus le mythe, dans lequel le fond et la forme se confondent de telle sorte qu’il faut un long travail pour les distinguer, ou plutôt pour substituer peu a peu un sens acceptable à une vieille légende reconnue absurde. Enfin, la parabole ne se confond pas absolument avec l’allégorie. Celle-ci n’est qu’une métaphore continuée et développée, voir Allégorie, t, i, col. 368, tandis que la parabole est plutôt une comparaison qui se déroule dans toute la suite d’une action. De plus, l’allégorie à besoin d’une explication venant du dehors ; la parabole au contraire la .renferme en elle-même et se soutient indépendamment de l’idée supérieure qu-’elle suppose.

II. Raisons d’être de la parabole. — 1° Le langage imagé a toujours été dans le goût des Orientaux, qui

aiment à mettre dans leurs paroles le mouvement, la couleur et la vie. Or, rien de plus vivant qu’une parabole bien faite. C’est toute une action, quelquefois un petit drame, qui se déroule devant l’auditeur, avec des péripéties qui piquent sa curiosité et tiennent son attention en haleine. Quoi de plus frappant, à ce point de vue, que les paraboles du fils prodigue, du bon Samaritain, etc. ? — 2° La parabole constitue une forme concrète d’enseignement qui aide puissamment à retenir la leçon. Il y a là un récit simple, mais attachant, qui s’échappe difficilement de la mémoire et ne laisse pas lui-même échapper l’idée supérieure qu’il renferme ; le contenant ne perd jamais son contenu, et lui-même se. retrouve toujours. Aussi, d’après la remarque de saint Jérôme, In Matlh, , xviii, 23, t. xxvi, col. 137, « les Syriens et surtout les Palestiniens ont coutume de joindre des paraboles à tous leurs discours, afin que les auditeurs’, qui ne pourraient retenir sur une simple recommandation, retiennent au moyen de la similitude et des exemples. » Sénèque, Epist. ad Lucil., lix, 6, avait précédemment fait ressortir l’utilité des paraboles, en disant qu’  « elles sont des soutiens pour notre faiblesse, afin que le disciple et l’auditeur pénètrent dans l’idée qu’on leur présente ». — 3° Plus encore que la mémoire, le jugement s’exerce à l’occasion delà parabole. Celle-ci en effet a toujours quelque chose d’énigmatique qu’il faut élucider. Mais ce n’est pas une énigme proprement dite. Voir Énigme, t. ii, col. 1807. L’auteur de la parabole en fournit la clef ; l’auditeur peut donc savoir à quelle idée il doit s’élever, mais c’est à lui ensuite de comprendre et d’appliquer les détails de la parabole. Notre-Seigneur prend soin généralement de donner la clef de ses paraboles, à moins que les circonstances ne la fournissent d’elles-mêmes. Beaucoup de ses paraboles commencent par ces mots : « Le royaume des cieux est semblable à… » La clef de la parabole du bon Samaritain est dans cette question : « Qui est mon prochain ? » Luc, x, 30 ; celle de la parabole des conviés au festin dans l’exclamation : <s Heureux qui aura part an banquet dans le royaume de Dieu ! » Luc, xiv, 15 ; celle de la parabole du fils prodigue dans la pensée de la joie causée au ciel par la conversion du pécheur. Luc, xv, y. 10, etc. — 4° Malgré les analogies qui permettent d’établir une comparaison entre un récit parabolique et une idée d’ordre supérieur, la similitude n’est jamais telle qu’on puisse et qu’on doive la chercher dans tous les détails. Il se trouvera donc dans une parabole des traits qui sont là pour l’ornement du discours, ou qui n’ont pas d’équivalents dans l’autre ordre d’idées. Aussi faut-il se garder d’explications serviles et de conclusions fondées sur de simples analogies. — 5° En réalité, dans la Sainte Écriture, la parabole se compose de trois éléments distincts : une description ayant son indépendance et son intelligibilité propre, une vérité supérieure d’ordre surnaturel, et la superposition des deux premiers éléments, de telle sorte que ce qui est dit du premier se rappporte aussi au second. Il en est de la parabole comme d’un vêtement qui prend la forme du corps, le couvre et le révèle tout à la fois, en demeure distinct cependant et ne peut être confondu avec lni, malgré ce que l’un et l’autre ont de commun ou de semblable. On doit tenir compte de ces divers éléments pour interpréter la parabole. D’ailleurs, la relation entre les deux premiers n’est pas tellement nécessaire et exclusive qu’on n’en puisse imaginer d’autres. Ainsi Notre-Seigneur entend par la semence la parole de Dieu. Matth., xiii, 19. S’il n’avait pas daigné expliquer lui-même sa parabole et en donner la clef, on aurait pu entendre la semence de beaucoup d’autres choses, de la ; grâce, par exemple, de l’Eucharistie, etc. La-perle de grand prix, à laquelle est comparé le royaume de Dieu, Matth., xiii, 46, pourrait aussi figurer divers biens surnaturels. Il suit de là que le