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PALESTINE


formation du grès de Nubie révèle la submersion de vastes espaces sous les eaux d’estuaires ou de bassins restreints ; celle des terrains que nous allons décrire indique un développement graduel, en étendue et en profondeur, de l’aire maritime, recouvrant tout à l’exception des plus hauts points des anciennes roches cristallines. La période à laquelle nous sommes arrivés est celle qu’on appelle néocrétacique. Le sédiment qui la caractérise est la craie, roche blanche friable, composée de menus débris d’organismes calcaires, globigérines, polypiers, échinodermes, bryozoaires, etc., devenus plus ou moins méconnaissables par l’action dissolvante qu’a exercée la circulation prolongée des eaux dans cette masse poreuse. Les principales divisions de cette série sont : le cénomanien, le turonien et le sénonien, dont nous signalerons les types en plusieurs endroits de la’Palestine. Mais il suffit de jeter un coup d’oeil sur la carte pour voir comment le système crétacique forme le double plateau de la Cisjordane et de la Transjordane. a) Cisjordane. — Et d’abord les couches de marnes et de calcaires crayeux blanchâtres, avec ou sans silex, dominent dans toute la Galilée. Le Râs el-Abiad ou « cap Blanc » tire son nom de la couleur de ces roches, qui constituent la chaîne de collines qu’il termine. On a recueilli là une grande huître, probablement YOstrea vesicularis, une Janire, Janira tricostata, un Hemiaster, des baguettes fort allongées de Cidaris et un Peclen. Les mêmes couches se retrouvent aux environs de Nazareth, qui est adossée à des collines de craie blanche très tendre et sans silex, au Carmel, où elles renferment des silex à certains niveaux. Au point où cette dernière chaîne se rattache aux montagnes de Samarie, le terrain prend un grand développement. À Djenîn, ces calcaires friables contiennent de nombreux nodules de silex. Aux alentours de Sébastiyeh et de Naplouse, comme en d’autres points du massif samaritain, les marnes blanches sont recouvertes par des calcaires gris compacts avec nummulites. Les silex se développent de plus en plus vers le sud et forment des bancs assez épais. Dans la Judée, le grès de Nubie supporte une puissante assise de calcaires gris, de marnes et de dolomies, avec des fossiles en partie identiques à ceux qui, en Algérie et en Europe, caractérisent le cénomanien : les oursins, Heterodiadema lybicum, Holectypus Larteli, Hemiaster batnensis, etc., les huîtres, Exogyra Mamieti, flabellata et olisiponensis ; les ammonites, Acanthoceras rotomagense et harpacc ; à la partie surieure sont des calcaires à rudistes et nérinées. C’est dans ces couches que sont creusées les grottes naturelles du pays, qu’on a taillé les chambres sépulcrales, et qu’en certains endroits les ermites ont établi leurs demeures souterraines ; c’est de là qu’on a extrait la pierre à bâtir de Jérusalem. À l’horizon des rudistes et des nérinées succèdent des couches qui, par leur riche faune, représentent bien l’étage sénonien. Elles . dominent comme enveloppe du terrain, au moins sur les pentes qui s’abaissent vers la mer Morte. La partie inférieure se compose de marnes crayeuses tendres, d’un blanc jaunâtre, qui alternent avec des bancs de calcaire de même couleur, ou, comme dans le désert de Juda, des bancs dolomitiques gris. Dans la partie supérieure de puissants lits de silex se trouvent souvent ejitre les marnes crayeuses blanches. Ces bancs de marne renferment en certains points une extraordinaire richesse de restes organiques, particulièrement des fossiles des genres Leda, Nucula, Dentalium, Baculites, etc., et de poissons. La présence de tels débris dans cet horizon a son importance, parce qu’elle peut être en relation de causalité avec les substances bitumineuses qu’on rencontre en Palestine, spécialement sur la côte occidentale de la mer Morte. Là, en effet, dans les parties infétieures et moyennes du sénonien, existent des calcaires brumineux noirs, plus on moins riches en bitume. La

plus connue de ces roches est celle que les Arabes appellent hadjar Mûsa, « pierre de Moïse, » et que les chrétiens de Bethléhem travaillent sous le nom de pierre de la mer Morte. Au milieu des marnes crayeuses blanches qui apparaissent, par exemple, dans les environs de Zûéirah elfôqâ, on voit des bancs de gypse compacte, terreux, coloré en jaune très clair ou en brun et parsemé en certains endroits de quelques veinules d’un vert très vif et très beau. Entre le cénomanien et le sénonien, le turonien., autant qu’on peut le distinguer des précédents, donne, aux environs de Jérusalem, la pierre qu’on appelle le mizzi supérieur ou mizzi helu, c’est-à-dire « doux, tendre ». C’est un calcaire à rudistes, principalement Sphmrulites syriacus, mais plus encore à nérinèeSj comme Nerinea Requieniana d’Orbigny, N. cf. Fleuriausa d’Orb. et Trochactœon (Actseonella) ISalomonis Fraas, etc. Voici, en effet, comment, au point de vue géologique, on range les couches du terrain crétacique sur lesquelles est bâtie la ville sainte, et qui s’étendent aux alentours.

Au cénomanien appartiennent :

I. Le mizzilou mezzéh) inférieur, ou la zone de Y Ammonites {Acanthoceras) Palœstinensis n. sp. (= A. Newboldi).

II. Le mélékéh ou marbre à rudistes. Au turonien :

III. Le mizzi supérieur ou calcaire à nérinées. Au sénonien :

IV. Le ka’kûléh inférieur ou la zone de V Ammonites {Schlœnbachia)olivetin. sp. (= S. quinquenodosaHeàt).

V. Le ka’kûléh supérieur ou calcaire crayeux tendre avec Leda perdita Conr., Haculites et débris de poissons.

VI. Bancs de silex alternant avec calcaires bitumineux, gypse et marne.

Lenâri ou la croûte calcaire superficielle appartient à une époque plus récente. Pour cette étude du terrain de Jérusalem, cf. Max Blanckenhorn, Géologie der nâheren Umgebung von Jérusalem, dans la Zeitschrift des Deutschen Palâstina-Vereins, Leipzig, t. xxviii, 1905, p. 75-120, avec carte. Les dérangements qui ont affecté le massif judéen permettent de suivre en plus d’un endroit les couches crétacées dont nous venons de parler. Ainsi, avec M. Blanckenhorn, Entstehung und Geschichte des Todten Meeres, dans la Zeitschrift des Deutschen PalàstinarVereins, t. xix, 1896, pi. iii, établissons une coupe allant en droite ligne du rivage de la Méditerranée, près d’Esdùd, jusqu’à la mer Morte, en passant par Bethléhem. Voir Morte (Mer), col. 1289, fig. 360. Nous verrons, à la hauteur de Meghullis, 177 mètres, le sénonien sortir de dessous les. dépôts marins récents, puis disparaître à Khirbet Zanû’a, 412 mètres, pour faire place au cénomanien. Au point culminant du plateau, El-Khadr, 860 mètres, le sénonien redevient visible, puis, à partir de Bethléhem, l’on suit ses couches peu épaisses, disposées en échelons, jusqu’à une altitude voisine de celle du niveau méditerranéen. Alors, au-dessous, réapparaît le cénomanien, au pied duquel se montrent des dépôts plus récents. Il est facile de faire les mêmes constatations en examinant le cours du Cédron, ouadi en-Ndr, depuis Jérusalem jusqu’à son embouchure dans la mer Morte, et en allant d’Hébron à la pointe sud-ouest du même lac, par Zûéirah et-tahta. Voir plus loin fig. 537. Le [cénomanien longe ainsi le pied des falaises occidentales de la mer Morte d’un bout à l’autre ; il se prolonge au nord jusqu’au delà du Djebel Qarantal, et, au sud, il contourne le bas de la montagne jusqu’au-dessous de Kurnub. Le sénonien occupe ensuite une large bande qui rencontre le cénomanien à Jérusalem, Bethléhem, khirbet Tequ’a, Hébron, etc. Cf. Blanckenhorn, Zeitschrift des Deut. Pal. Ver., t. xix, pi. 2, carte géologique de la mer Morte et de ses environs.