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LÈPRE


avec succès, ni dans des organismes vivants, ni dans les substances qui conviennent le mieux à la multiplication et au traitement des autres microbes. — Si la médecine ne peut guérir lalèpre, » il est un fait d’expérience, c’est que souvent un climat sain, une alimentation choisie et la propreté semblent suffire pour produire des rémissions de deux, cinq, dix, quinze, vingt années, équivalant à une guérison. » Dom Sauton, La léprose, p. 445. Ces sortes de guérisons spontanées ont été constatées’de temps en temps, même dans les pires conditions hygiéniques. On a trouvé récemment, dans l’infecte léproserie de Siloàm, près de Jérusalem, plusieurs malheureux chez lesquels la lèpre était arrêtée depuis quinze et vingt ans, et qu’on aurait pu rendre à la vie ordinaire sans aucun inconvénient. Quand la maladie arrive à cet état neutre, le lépreux ne garde plus que les cicatrices de ses plaies antérieures, comme du reste garde les siennes celui qui a eu à subir des blessures ou des brûlures. Si le lépreux meurt pendant cette période d’inaction microbienne, on peut croire qu’il a été radicalement guéri de sa lèpre. Il n’en était rien cependant ; les bacilles pouvaient toujours reprendre leur virulence à un moment donné.

6° Sa propagation dans le monde. — C’est dans le Pentateuque que se trouve la mention la plus ancienne et la plus détaillée de la lèpre. L’Egypte paraît avoir été le berceau de ce mal, Lucrèce, De nat. rerum, vi, 11-12, en attribue l’origine à l’action du Nil. Les Hébreux emportèrent avec eux la lèpre à leur sortie d’Egypte. Un roman égyptien, qu’enregistre Manéthon, Eistoric. Grsec. fragm., édit. Didot, t. ii, p. 578-581, fait des Hébreux un ramassis de lépreux que les Égyptiens auraient chassés des bords du Nil. Cf. Justin, xxxvi, 2 ; Tacite, Hist., v, 3 ; Maspero, Histoire ancienne des peuple » de l’Orient classique, Paris, t. H, 1897, p. 449-450. Josèphe, Cont. Apion., i, 26, s’élève avec raison contre cette allégation. Les Hébreux n’avaient pas la lèpre avant de venir en Egypte, car il n’en est nullement question dans l’histoire des patriarches ; mais c’est en ce pays qu’ils furent contaminés au contact des indigènes. Les anciens auteurs signalent également l’Inde comme l’un des foyers de la lèpre. Ctésias, Persic, 41 ; Hérodien, I, 1, 38. Mais là encore elle était probablement un legs des Egyptiens. Les Phéniciens furent contaminés à la même source que les Hébreux : ils semèrent le mal dans les pays avec lesquels ils avaient de fréquents rapports commerciaux. Les Syriens le gagnèrent rapidement, au contact direct des Égyptiens, des Hébreux ou des Phéniciens. La lèpre sévit chez les Israélites pendant tout le cours de leur histoire. La dispersion des Juifs, les campagnes des Grecs et des Romains en Asie favorisèrent sa propagatiou en Occident. La conquête arabe et ensuite les croisades contribuèrent à raviver le mal dans nos pays. Cf. G. Kurth, La lèpre en Occident avant les croisades, dans le Congres scient, internat, des catholiques, Sciences historiques, Paris, 1891, p. 125-147. Il n’a cédé depuis lors qu’aux précautions prises pour l’isolement des lépreux. En Orient, les lépreux sont encore assez nombreux aujourd’hui. À Jérusalem, ils ont une maison de refuge dans laquelle, en 1888, ils étaient près d’une cinquantaine, vivant du pain et de l’eau que leur fournit le gouvernement et des aumônes que leur accordent les passants. Cf. E. Le Camus, Notre voyage aux pays bibliques, Paris, 1890, t. i, p. 375-376. La léproserie turque est située à Siloam. Il y en a encore deux autres à Ramlèh et à Naplouse. Le séjour des autres villes et villages est interdit aux lépreux. On a remarqué que ces malheureux sont tous des paysans, venant de la campagne, et que les habitants des villes de Palestine, malgré les déplorables conditions hygiéniques dans lesquelles ils vivent, ne sont jamais atteints par le terrible mal. Lortet, La Syrie d’aujourd’hui, Paris, 1884, p. 305 ; cf. dom Sauton, La léprose, p. 64-G6.

7° Les maladies similaires. — On a longtemps confondu avec la lèpre un certain nombre d’affections cutanées, telles que scrofules, dartres, ulcères de diverge nature et d’autres maladies qui sont le fruit de l’inconduite et dont les stigmates ressemblent parfois extrêmement aux pires manifestations de la lèpre. On a rangé parmi les espèces de la lèpre l’éléphantiasis, dont les effets sont analogues. Voir Éléphantiasis, t. ii, col. 1662 ; Pline, H. N., xxvi, 5 ; C. Celse, De re medic., iii, 25 ; Arétée, Morb. diut., ii, 13. Les Grecs appelaient éléphantiasis la lèpre elle-même. Sous le nom de dartres, on a aussi désigné différentes maladies de peau que produisent les causes les plus diverses, ingestion de substances acres, suppression brusque de certaines évacuations, débilité générale, action des parasites, hérédité, contagion, etc. Parmi ces maladies qui empruntent des caractères extérieurs à la lèpre, il faut signaler l’eczéma, maladie éruptive assez voisine de l’impétigo, voir Impétigo, col. 844 ; l’érysipèle, mal épidémique, dû à l’action de micro-organismes végétaux et produisant sur la peau des taches rouges à rebords saillants ; l’exanthème, se manifestant par des accidents superficiels, taches, éruptions ou ulcérations ; là gale, voir Gale, col. 82 ; la gourme ou maladie cutanée de l’enfance ; le pityriasis, la lèpre des Grecs, que caractérisent des sécrétions abondantes de l’épiderme ; le psoriasis, dans lequel se forment sur quelques parties du corps, spécialement aux articulations, des squames d’un blanc nacré qui se détachent ; la rougeole, qui s’annonce à l’extérieur par des taches rouges de forme et de dimensions variées ; la scarlatine, caractérisée par de larges plaques d’un rouge écarlate sur presque toute la surface du corps ; la teigne, voir Teigne. La syphilis surtout et les maladies du même ordre ont été confondues avec la lèpre chez tous les anciens et jusqu’au XVIe siècle. La syphilis est une maladie cutanée contagieuse, qui doit son origine à l’inconduite. — Sur la lèpre, voir F. Pruner, DieKrankheitendes Orients, ih-8°, Erlangen, 1847, p. 163 ; Trusen, Die Sitten, Gebrâuche und Krankheiten der alten Hebrâer, 2e édit., Breslau, 1833 ; H. Leloir, Traité pratique et théorique de la lèpre, Paris, 1886 ; Zambacopacha, État de nos connaissance, actuelles sur la lèpre, dans la Semaine médicale, Paris, 10 juin 1893 ; M. Lefebvre, La lèpre, dans la Revue des questions scientifiques, Bruxelles, avril 1894, p. 437-479 ; Danielsen et Boeck, Traité de la Spédalskhed, Paris, 1898 ; A. Dastre, Lèpre, dans la Revue des Deux Mondes, Paris, 1° juillet 1901, p. 198-218 ; D’dom Sauton, La léprose, Paris, 1901.

II. La législation MOSAÏQUE SUR LA LÈPRE. — 1° Diagnostic de la lèpre. — Le Lévitique, xiii, 2-46, indique minutieusement les signes auxquels on reconnaît la lèpre et les précautions à prendre en conséquence. — 1. Lèpre en général. Lev., xiii, 1-8. L’homme qui aura sur le corps une tumeur (sé’êf, o-jXtj aTHJuxciaç Tï)XavyYJç, « cicatrice de marque brillante, » diversus color, une partie qui n’est pas de même couleur), une dartre (sajmhaf. pustula), ou une tache blanche (bahérét, lucens quippiam) qui ressemblera à une plaie de lèpre, devra se présenter devant Aaron ou l’un de ses fils, par conséquent devant un prêtre de rang supérieur, auquel la multiplicité des cas donnera une expérience suffisante. Le prêtre examinera la plaie : si le poil de la plaie a blanchi et si la peau forme à cet endroit une dépression, c’est la lèpre. Si la peau présente une tache blanche {bahérét, Xsûxï), lucens candor) sans dépression et sans coloration blanche des poils, le malade est mis en observation pendant sept jours. Si au bout de ce temps aucune modification ne s’est produite, on attend encore sept jours. Si alors la plaie est devenue sombre L (kêhâh, à[iaupdt, obscurior) et ne s’est pas étendue, ce n’est pas la lèpre, mais une dartre (sapahat, arijuxat’a, scabies). Le malade n’a qu’à laver ses vêtements. La plaie pour-