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1825
1826
JUDITH (LIVRE DE)

été édité par Lagarde, Libri Vet. Test, syriace, 1861, p. 744-790.

Version latine.

Elle fut faite par saint Jérôme sur

les instances de quelques amis, peut-être Chromatius et Héliodore, au milieu d’autres' occupations absorbantes. Le grand docteur ne consacra à ce travail qu’une seule séance (huic unam lucubratiunculam dedi) et comme il n'était pas très familier avec l’araméen, il dut procéder comme il avait fait pour Tobie : un Juif versé dans les deux langues traduisait en hébreu le texte araméen et saint Jérôme le dictait en latin à son secrétaire. Il déclare avoir voulu plutôt rendre le sens que le mot à mot (inagis sensume sensu quant ^ex verbo verbum transfèrent). On voit par la comparaison dés versions qu’il a utilisé l’ancienne Vulgate et qu’il s’est sans doute borné quelquefois à la corriger. Il a retranché tout ce qui ne se trouvait pas dans son exemplaire araméen qu’il regardait comme l’original (multorum codicum varietatem vitiosissimam amputavi) et n’a rendu en latin que ce qui fournissait un sens complet en chaldéen (sola ea, qum intelligentia intégra in verbis Chaldseis invenire potui, LaUnis expressï). Les abréviations qui résultèrent de ce travail, par rapport au grec et à l’ancienne Vulgate, sont très considérables. Elles se montent à peu près au cinquième de l’ouvrage entier.La question de savoir quelle version représente le mieux le texte original est donc tort importante, mais encore indécise. Il est bon de remarquer cependant que les divergences portent surtout sur des faits accessoires, étrangers à l’objet principal du livre : construction d’Ecbatane, révolte contre l’Assyrie, campagnes d’Holoferne, prières plus ou moins longues de Judith, etc. On trouve le texte de l’ancienne Vulgate dans Sabatier, Biblior. sacr. Lat. versiones antiquæ, 1743, t. i, p. 744-799. Elle diffère notablement de la Vulgate actuelle.

L’histoire de Judith en hébreu.

Nous avons dit

que les originaux de nos versions étaient perdus ; mais on connaît maintenant plusieurs écrits hébraïques où sont relatés les exploits de Judith. Ce sont des compositions du genre midrasch. Il y en a deux dans Jellinek, Bel h hamidrasch, 1. 1, p. 131-132 ; t. ii, p. 12-22, et, en allemand, dans Scholz, Commentât Mer Judith, appendice, p. iii-cxvii, cxlviii-cl. Le plus court de ces écrits n’est qu’un résumé de l’histoire de Judith, reproduite de mémoire et très librement. Le plus étendu, à partir du chap. vi, suit assez fidèlement le grec et la Vulgate. Pour les cinq premiers chapitres, il n’y a qu’une introduction de quelques lignes : Holoferne, roi des Grecs (Javan), vient mettre le siège devant Jérusalem, avec 120000 fantassins et 12000 cavaliers ; un de ses vassaux, roi lui aussi, lui prédit les difficultés de l’entreprise. — Gaster, An unknown Hebrew version of the history of Judith (dans les Proc. of the Soc. of bibl. Arch., 1894, t. xvi, p. 156-161), fait connaître une nouvelle recension, découverte par lui, du texte le plus court. Judith est une vierge, le roi ennemi est Séleucus ; il assiège en personne Jérusalem. Le récit n’a qu’une soixantaine de lignes. Il s’ouvre par cette note intéressante : 6 Nos docteurs disent : Le 18 adar ( « fête » ou « défense déjeuner » ) ; c’est le jour où Séleucus monta. » Cette note est dans le style des dates de la Megillath Taanith. Il est d’ailleurs à noter que la synagogue aimait à rapprocher l’exploit de Judith de l’histoire des Machabées ; on lisait ce merveilleux récit à la fête de la Dédicace établie par Judas Machabée. Cf. Gaster, p. 158, Jellinek, ii, 12-22. — En résumé, pour les rabbins, la ville délivrée est toujours Jérusalem ; l’héroïne est tantôt une veuve, tantôt une vierge ; le roi ennemi est soit Holoferne, roi des Grecs, soit le Roi des nations, soit Séleucus.

II. Analyse sommaire.

Dans ce court exposé nous suivons l’ordre et le texte de la Vulgate.

PREMIÈRE PARTIE : ANTÉCÉDENTS HISTORIQUES, I-VII.

— Première section. Guerres de Nabttchodonosor, i-m.


— 1. Défaite d’Arphaxad. Défection de l’Occident, 1, 112. — 2. Holoferne chargé de châtier les vassaux rebelles, ii, 1-10. — 3. Campagnes d’Holoferne en Asie Mineure, en Mésopotamie, en Syrie, ii, 11-m, 15. — Deuxième section. Invasion de la Palestine, iv-vn. — 1. Les Juifs se préparent à la résistance, rv. — 2. Achior résume, devant Holoferne, l’histoire des Juifs, v. — 3. Il est livré aux Juifs par Holoferne irrité, VI. — 4. Les Assyriens bloquent étroitement Béthulie, vu.

DEUXIÈME PARTIE : EXPLOITS DE JUDITH, VIII-XVI. —

Première section. Préparatifs, viii-ix. — 1. Judith fait agréer ses projets aux chefs de la ville, viii. — 2. Elle adresse une tervente prière au Dieu d’Israël, rx. — Deuxième section. Exécution, x-xiii, 10. — 1. L’héroïne se rend auprès d’Holoferne, x. — 2. Elle expose les motifs de sa conduite, xi. — 3. Sa vie au camp assyrien. Le banquet, xii. — 4. Elle tranche la tête d’Holoferne et s’enfuit, xhi, 1-10. — Troisième section. Retour triomphal, xiii, 11-xvi. — 1. Judith rentre à Béthulie avec son sanglant trophée, xiii, 11-31. — Sortie générale des assiégés ; désastre des Assyriens, xiv, l-xv, 8. — 3. Judith comblée de bénédictions et de dons, xv, 9-15. — 4. Cantique de Judith, xvi, 1-21 ; réjouissances publiques, 22-24. — 5. Derniers jours et mort de l’héroïne, XVI, 25-30 ; fête commémorative, 31.

III. Canonicite et historicité.

Ces deux caractères, généralement étudiés ensemble, sont cependant très distincts, puisqu’un livre peut faire partie du canon sans être de l’histoire, à plus forte raison de l’histoire au sens strict du mot. Il importe donc de les étudier séparément, avec leurs arguments respectifs.

I. CANONKITÊ.

Judith est un des sept livres deutérocanoniques de l’Ancien Testament. Rien ne montre qu’il ait jamais fait partie du canon palestinien. Origène assure que les Juifs de son temps ne le possédaient pas en hébreu. Saint Jérôme, qui le trouva en araméen, nous apprend que les Juifs le lisaient, mais en qualité d’apocryphe. Ces informations divergentes s’expliquent par la différence des Juifs consultés. Ce livre devait entrer dans le canon alexandrin, bien que Philon n’ait pas eu occasion de le mentionner, et l'Église, en adoptant le canon alexandrin, le reçut comme inspiré. Il est cité par Clément de Rome, I Cos., 55, t. i, col. 320 ; Clément d’Alexandrie, Strom., IV, 19, t. viii, col. 1328 ; Origène, Hom.xix in Jerem., t. xiii, col. 516 ; Tertullien, Monog., 17, t. ii, col. 952 ; S. Ambroise, De offic, iii, 13, et De vid., 7, t. xvi, col. 169, 240 ; S. Fulgence, Epist., Il, 14, t. lxv, col. 319. Saint Jérôme qui, au point de vue du canon juif, le place quelquefois parmi les apocryphes, Prsef. in libr. iSalom., t. xxviii, col. 1 242, ou émet des doutes sur sa canonicite, Epist., liv, 16, t. xxii, col. 559, n’en écrit pas moins à Principia, Epist., lxv, t. xxii, col. 623 : Ruth, Esther et Judith ont eu la gloire de donner chacune son nom à un livre sacré. Saint Augustin, met Judith dans sa liste des livres inspirés, De doctr. christ., ii, 8, t. xxxiv, col. 41. Cette liste, approuvée par le concile de Carthage, en 397, sanctionnée par les conciles de Florence et de Trente, est devenue le canon de l'Église catholique. — Le livre de Judith n’est pas cité dans le Nouveau Testament et les allusions qu’on veut y voir sont pour le moins très incertaines. Cf. I Cor., x, 910, et Judith, viii, 24-25 ; Luc, i, 42, et Judith, xiv, 7 ou xiii, 24 (Vulgate) ; Matth., xiii, 42-50, et Judith, xvi, 21 ; Act., IV, 24, et Judith, ix, 11 (grec, 12). — Les Juifs du Talmud, tout en excluant Judith de leur canon, admettent que ce livre, composé après les derniers prophètes, c’està-dire après que l’Esprit-Saint eut quitté Israël, fut cependant écrit, comme Tobie et d’autres ouvrages, avec le secours de la Bath qôl, « fille de la voix, n sorte d’inspiration inférieure. Voir t. i, col. 1056. Cf. R. Martin, Pugio fidei, Paris, 1651, observ. de J. de Voisin, p. 104 ; Jellinek, Beth hamidrasch, Leipzig, 1851, 1. 1, p. 130. //, historicité. — Elle ne tut pas révoquée en doute

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