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JUDEE


sont marquées par certaines oasis, et l’on n’en rencontre que deux sur le bord occidental du lac Asphaltite. Vers le nord, est une belle source, appelée Ain eï-Feschkhah, d’où part une route qui rejoint et suit assez longtemps le torrent de Cédron.Plus bas, se trouve Engaddi, d’où l’on monte par divers sentiers vers le plateau supérieur, et qui servit parfois de point de ralliement aux bandes pillardes venant de Moab pour envahir la Palestine méridionale. Au sud, Bersabée (Bir es-Sébâ) et Khirbet el-Milh sont les deux grands carrefours par où passent les voies qui vont du Négéb à Hébron et aux pays environnants. Cette frontière offre un accès plus facile que celle de l’orient, mais elle est fermée par les chaînes et plateaux dont le Négéb est parsemé, par les contrées arides et nues qui la rendent inhabitable en beaucoup d’endroits ; en un mot, elle est défendue par sa pauvreté même. Enfin, du côté de l’ouest, la Judée a pour barrière protectrice la partie haute de la Séphélah, c’est-à-dire une région moyenne de collines qui s’étend entre l’arête montagneuse proprement dite et la plaine côtière. C’est une série de défilés qui forme un vrai terrain d’embuscades. Plusieurs larges vallées pénètrent le massit et semblent des voies naturellement ouvertes vers le cœur du pays, mais faciles à défendre.

La Judée est donc une forteresse, sinon imprenable, au moins très difficile à prendre. Une armée a-t-elle réussi à franchir les étroits défilés, les passes montueuses qui conduisent au plateau supérieur, que va-t-elle trouver ? Une ville bâtie elle-même sur une presqu’île de rochers, attaquable seulement par le nord. Enfermée dans de solides murailles, Jérusalem forcera l’ennemi à entreprendre un long siège, et l’étranger n’aura pour s’élablir qu’un désert sans eau. Il est curieux do constater comment les plus grandes invasions de la Judée ne se sont faites que par des marches bien calculées et d’habiles précautions. Les envahisseurs ne se sont pas aventurés sur l’arête centrale avant d’en avoir bien occupé tous les abords, avant même de s’être rendus maîtres du reste de la Palestine. C’est ainsi que Vespasien commença par s’emparer de la Galilée et de la Samarie, puis il dépensa près d’un an à prendre, à fortifier Jamnia, Azot, Hadida à l’ouest, Béthel et Gophna au nord, Jéricho à l’est, Hébron et les autres forts au sud. Ce n’est qu’après avoir établi cette large ligne de circonvallation qu’il lança sur Jérusalem ses légions impatientes.

Ces montagnes, ces rochers, ce désert de Judée ont donc leur muette éloquence. Cette contrée si singulière devait produire dans l’âme de ceux qui l’habitaient des sentiments tout particuliers, celui de l’isolement, d’où le particularisme qu’on remarque chez les Juifs, celui d’une certaine sécurité qui n’exclut cependant ni la vigilance, ni la discipline, ni la valeur, caractères essentiels d’une nation. À côté de la force est la poésie. C’est en Judée surtout que se développa la vie pastorale chez les Hébreux ; le terrain s’y prêtait. C’est parmi les pâtres de Juda que Dieu prit des rois et des prophètes, David, Amos, etc. Cf. G. A. Smith, The historical Geography of the Holy Land, p. 259-320.

Population.

La Judée était un pays très peuplé.

Ses villes principales sont les plus connues des différentes tribus dont elle occupait le territoire. Il nous suffit de rappeler les plus importantes en dehors de Jérusalem, en y ajoutant quelques-unes mentionnées par les Talmuds et par Josèphe. À l’ouest, dans la plaine, Yabnéh (aujourd’hui Yebna/, l’ancienne Jebnéel ou Jamnia, célèbre par son école rabbinique ; Lod ou Lydda, qui, d’après un passage talmudique, aurait été le siège d’un tribunal ayant droit de prononcer la peine capitale ; Yafo ou Joppé ; Antipatris (Qala’at Râs-el-’Aïn ou Medjdel Yaba), bâtie par Hérode le Grand sur l’emplacement de Caphar Saba, suivant Joséphe, Ant. jud., XIII, xv, I, mais, selon les Talmuds, distincte de cette localité,

qui porte encore aujourd’hui le nom de Kefr Saba. — Au nord-ouest et au sud-ouest de Jérusalem : Modin (El-Midiyéh), la ville des Machabées, I Mach., ii, 1, 15 ; Emmaûs-Nicopolis (Amuâs), I Mach., iii, 40, 57, la même que l’Emmaus évangélique, Luc, xxiv, 13, selon plusieurs palestinologues, distincte de celle-ci, suivant d’autres, qui la cherchent à El-Qitbéibéh ; Beth Gubrin ou Éleuthéropolis (Beit Djibrin), située dans une contrée fertile, selon le Midrasch, Èereschith rabba, ch. 6. Au sud et au sud-est de la même ville : Bethléhem, Hébron, Masada (Sebbéh), bâtie par Jonathas Machabée, rendue imprenable par Hérode le Grand et devenue le tombeau de l’indépendance juive (Josèphe, Bell, jud., VII, viii, 3 ; ix, 1) ; Engaddi (’Ain Djidi), renommée pour ses vignes, ses palmiers et le baume qu’on y recueillait (Talmud de Babylone, Sdbbath, 26 a). — À l’est, Jéricho.

— Au nord, Béthoron (Beit’Vr), souvent mentionnée dans les Talmuds comme ville natale de docteurs ; Éphrem (Et-Tayibéh), où Notre-Seigneur se retira quelque temps avant sa passion, Joa., xi, 54 ; Gophna (Djifnéh), ville très populeuse, selon les Talmuds ; ’Akrabah (Aqrabélt), capitale de la toparchie de même nom. Cf. À. Neubauer, La géographie du Talmud, p. 67163.

II. Histoire.

La plupart des Hébreux qui revinrent de la captivité étaient de la tribu de Juda et occupèrent le territoire de l’ancien royaume de Juda. De là, le nom de Judée donné à ce nouveau district et celui de Juifs donné à ses nouveaux habitants. Sous les Perses, le pays formait une province (niedînâh) appartenant à la cinquième satrapie de l’empire (Hérodote, iii, 91) et administrée par un gouverneur (péhàh), qui était généralement un Juif assisté d’un conseil des anciens, résidant à Jérusalem. Agg., i, 1, 14 ; ii, 3, 22 ; II Esd., v, 14, 18 ; Tii, 26. Après la prise de Tyr et de Gaza, il passa sans secousse violente sous la domination d’Alexandre. Après avoir été au pouvoir des Plolémées et des Séleucides, il recouvra son indépendance sous les Machabées, puis devint tributaire des Romains. L’an 37 avant J.-C, Hérode le Grand, déjà proclamé roi des Juifs par un décret du Sénat romain, monta sur le trône de Jérusalem, et c’est sous son règne que naquit le Sauveur. Matth., Il, 1 ; Luc, i, 5. Il eut pour successeur son fils Archélaus, Matth., Il, 22, qui, après avoir perdu son titre de roi, pour ne conserver que celui d’ethnarque, fut déposé au bout de dix ans. Le territoire fut alors rattaché à la province de Syrie, puis il fut administré par des procurateurs. C’est sous le gouvernement d’un de ces derniers, Ponce-Pilate, que se passèrent les grands faits évangéliques, la prédication de saint Jean-Baptiste, Luc, iii, 1, la vie publique, la passion, la mort et la résurrection du divin Rédempteur. Matth., xxvir, 2. En 41, la Judée fut mise par Claude entre les mains d’un petit-fils d’Hérode le Grand, Agrippa I er, puis elle fut de nouveau confiée à des procurateurs, dont deux sont connus dans l’Écriture, Félix (52-60), Act., xxiii, 24, 26, et Porcius Festus (60-62). Act., xxiv, 27. Le dernier procurateur romain fut Gessius Florus (64-66). Enfin la Judée tomba avec Jérusalem (70), et fut représentée sur un grand nombre de monnaies sous les traits d’une femme assise sous un palmier et pleurant, avec la légende Jud^ea. capta. Voir fig. 263, col. 1394. Cf. F. W. Madden, History of Jewish comage, Londres, 1864, p. 183-196. Ce simple résumé suffit, l’histoire de la Judée se confondant avec celle de Jérusalem et des Juifs. Voir Jérusalem, col. 1384-1395. La gloire de cette province est de garner le berceauetletombeau de Notre-Seigneur. — Pour le caractère des habitants, par opposition à celui des Galiléens, voir Galiléen, col. 95. Pour le reste, voir Palestine III. Bibliographie.

Reland, Palœstina, Utrecht, 1714, 1. 1, p. 31-37, 176-179, 185-193 ; A. P. Stanley, Smai and Palestine, Londres, 1866, p. 159-166, 199-223 ; A. Neubauer, La géographie du Talmud, Paris, 1868,.