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JUDÉE


bas, puisque le nord de l’Idumée pouvait être représenté par une ligne partant d’Ascalon, passant par Beit Dpbrin, puis se dirigeant vers l’est par les collines qui sont au-dessus d’Hébron. Voir Idumée, t. iii, col. 830. Il y a donc eu de ce côté des variations qui empêchent toute délimitation certaine. — En largeur, la Judée s’étendait de la Méditerranée au Jourdain. Allait-elle au delà du fleuve ? Quelques-uns l’ont cru. Cf. Reland, Palsestina, Utrecht, 1714. 1. 1, p. 32. Ils s’appuient sur Jos., xix, 34, où il est dit que la tribu de Nephthali avait ses limites « vers Juda du Jourdain au soleil levant », et sur Matth., xix, 1, où nous lisons que le Sauveur, quittant la Galilée, « vint aux confins de la Judée, au delà du Jourdain. » Mais le premier passage, difficile à expliquer littéralement, doit renfermer une faute, car les Septante ne font pas mention de Juda et donnent simplement le fleuve comme frontière, ce qui est plus naturel. Quant au récit évangélique, il faut l’entendre en ce sens que Notre-Seigneur vint en Judée en passant par la Pérée (au delà du Jourdain). Du reste, le passage parallèle de saint Marc, x, 1, coupe court à toute difficulté avec la conjonction xai : ioyEztx : et ; ta ôptaTrj ; MouSaîaç xa’i itépav toû MopSâvou, « il vint sur les confins de la Judée et au delà du Jourdain. » Cependant, d’après Ptolémée, V, xvi, 9, quelques places, à l’est du fleuve, appartenaient à la Judée. En résumé, la province, dans sa plus grande étendue, comprenait le territoire des anciennes tribus de Juda, de Benjamin, de Dan, et une partie de celui d’Éphraim.

Divisions.

La Judée était divisée en toparchies,

qui devaient être les suivantes, si nous combinons les témoignages de Josèphe, Bell, jud., III, iii, 5, et de Pline, H. N., v, 14 :

1° Jérusalem ; 2° Gophna (aujourd’hui Djifnëh) ; 3° Akrabatta (Aqrabéh) ; 4° Thamna (Tibnéh) ; 5° Lydda (Ludd) ; 6° Emmaus (Amuds) ; 7° Bethleptepha ; 8° l’Idumée ; 9° Engaddi (’Ain Djidi) ; 10° Herodium (Djebel Furéidis) ; 11° Jéricho (Er-Rihâ). Josèphe ajoute Pella, on ne sait pourquoi, et il donne à Jamnia (Yebna) et à Joppé (Jaffa) une certaine prééminence sur les cités voisines. Pline, de son côté, ajoute VOnne, ’Opetvyj, la partie montagneuse « où se trouvait Jérusalem ». Cf. Retond, Palœstina, t. i, p. 176.

Outre cette division administrative, il y avait une division naturelle que les écrivains rabbiniques et les auteurs ecclésiastiques ont mentionnée après les Livres Saints. Voir Juda (Tribu de), col. 1760. La Mischnah, Schebiith, ix, 2, distingue trois districts : « la montagne » ou « la montagne royale », har ham-mélék ; « la plaine » ou « les basses collines », sefëlâh, et le Darôm, « la vallée » ou « le midi ». On peut en ajouter un quatrième, le midbar, ou « le désert ». Matth., iii, 1. Voir Juda (Désert de), col. 1744. Le Darôm ou Darômâ équivaut au Négéb hébreu, qui désigne la partie méridionale de la Palestine. Voir Darom, t. ii, col. 1307. Eusèbe et saint Jérôme emploient souvent ce terme. Cf. Onomastica sacra, Gœttingue t 1870, p. 93, 116, 119, 221, 243, 246, etc. Le Talmud, Sanhédrin, 2, distingue le Daroma supérieur, qui renfermait la ville de Kefar Dikhrin (aujourd’hui Dhikrin), à l’est d’Ascalon, et s’étendait jusqu’à Lydda, et le Daroma inférieur ou le Négéb proprement dit. La partie méridionale de la Philistie, aux environs de Gérar (Khirbet V-mrn Djerrâr), s’appelait Gerariqû ou région gérarittque. Schebnth, VI, 1. Au nord du Daroma supérieur, depuis Joppé jusqu’à Césarée, s’étendait la région de Sarona ou Saron. Voir Saron (Plaine de). Pour la Séphélah, voir Juda (Tribu de) et Séphélah (Plaine de). Cf. A. Neubauer, La géographie du Talmud, Paris, 1868, p. 59-67.

3° Description ; caractères topographiques. — La description complète de la Judée serait la répétition des détails qui concernent chacune des tribus dont elle occupait le territoire. Voir Juda, col. 1767 ; Benjamin 4,

t. i, col. 1593 ; Dan 2, t. ii, col. 1236 ; Éphraïm 2, t. ii, col. 1875. Un aperçu général suffira, avec l’indication de certains caractères particuliers, qui la distinguent des deux autres provinces palestiniennes. Le sol de la Judée, nu et rocailleux, domaine des buissons et des chardons, contraste étrangement avec celui de la Galilée, et, si le contraste est frappant aujourd’hui, il devait l’être plus encore au ie siècle de notre ère. Dans la Galilée, la nature était partout riche et luxuriante, la terre très fertile, l’eau abondante, les champs bien cultivés, le pays bien boisé. Dans la Judée, les montagnes dominaient et dominent encore, abruptes, arides, incultes, et l’impression générale est celle de la sécheresse et de la désolation. S’il est un coin à l’aspect maudit dans la Terre Sainte, c’est bien celui que baignent à l’est les eaux de la mer Morte, et qui, au sud, plonge ses racines jusqu’au désert, n’ayant une longue bande de verdure que du côté de l’ouest. Le centre est un plateau dont l’altitude moyenne va de 600 à 800 mètres, parsemé de collines, et d’où descendent de tous côtés, excepté au nord, des pentes plus ou moins raides et plus ou moins découpées. Autrefois cependant, il y avait, dans cette contrée, des vignes renommées, de bons pâturages. Les Talmuds, dans leur style exagéré, racontent qu’à Lod ou Lydda on enfonçait jusqu’aux genoux dans le miel des dattes. Talmud de Babylone, Ketuboth, 1Il a.

Le trait caractéristique de la Judée, c’est qu’elle est un pays fermé, et c’est en cela que consiste sa force. La Galilée a été la grande route des nations, la Samarie une contrée ouverte, principalement du côté du nord, la Judée est comme une province isolée du reste du monde. Au point de vue stratégique, elle a tous les avantages d’une péninsule. Elle se rattache, par sa partie septentrionale, à la chaîne montagneuse de la Palestine, mais, à l’est, un immense fossé la sépare des plateaux de Moab ; au sud, le désert l’enferme comme un océan de mort ; la Méditerranée et la plaine maritime forment la barrière occidentale. Au-dessus de cette triple enceinte, le massif judéen élève son amas compliqué de collines, de vallées et de torrents. La grande voie militaire et commerciale qui traverse la Séphélah, pour aller d’Egypte en Assyrie, passe assez loin des hauteurs qui la dominent à l’est pour ne pas laisser soupçonner la vie et les forces cachées au sein de cette région. La Judée n’avait donc rien pour attirer l’attention, la convoitise des conquérants. Elle ressemblait à ces montagnes que le voyageur aperçoit de la plaine, à ces îles dont il longe les bords, mais dont la nature intime échappe à son regard. L’accès, du reste, en était difficile de trois côtés. Le Jourdain même une fois passé, comment arriver au plateau central, au cœur du pays ? Il fallait escalader une hauteur de 1 000 à 1 200 mètres, par les sentiers que les torrents ont creusés. De Jéricho, qui est la clef du massif, du côté de l’est, trois routes montent vers le centre. La première, dans la direction du nord-ouest, va vers Machmas, Ai et Béthel. C’est celle que suivirent les Israélites dès le début de la conquête. Jos., vu. La seconde, vers le sud-ouest, est la fameuse « c montée d’Adommim », que les Arabes appellent aujourd’hui’aqabet er-Riha, « la montée de Jéricho. » Elle suivait autrefois une voie antique, aux pavés disjoints, et qui, par intervalles, s’élevait en escalier ; elle est davenue carrossable de nos jours. Voir Adommim, t. i, col. 222. C’est la route mentionnée dans la parabole du bon Samaritain, Luc, x, 30, celle que prenaient ordinairement les gens de la Pérée ou les pèlerins galiléens qui, pour éviter le territoire samaritain, venaient à Jérusalem par la vallée du Jourdain. Notre-Seigneur la suivit plus d’une fois. La troisième, plus au sud, après avoir longé le pied des montagnes, s’engage dans un dédale de ravins sauvages, et se bifurque pour aller, d’un côté vers Jérusalem, de l’autre vers Bethléhem. Dans le désert, les voies historiques