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JUDE (ÉPITRE DE^SAINT)

1842

aux anges qui n’ont pas conservé leur dignité, mais ont quitté leur séjour, » permettent de conclure qu’elles ne sont nullement un emprunt à un apocryphe, mais une simple conclusion tirée par l’auteur de Gen., VI, 1, 2. — 3° Quant au t- 9, Origèney oyait, De princ, iii, 2, t. xi, col. 803, un emprunt à l’apocryphe, l’Ascension de Moïse ; mais il semble plus exact de dire que 9 l est un emprunt à cet apocryphe ou à une tradition orale, et 9 b un emprunt à Zach., iii, 2 ; d’ailleurs un livre apocryphe peut contenir des choses vraies. — 4° Le ꝟ. 14 no tire pas non plus à conséquence ; en admettant que l’auteur cite le Livre d’Hénoch on peut dire qu’il le cite uniquement comme un argument ad hominem contre les hérétiques qu’il a en vue ; de plus ce livre, comme beaucoup d’autres apocryphes, contenait des traditions juives ; des lors Judea pu utiliser ces traditions, comme IITim., m, 8 ; mais rien ne prouve qu’il ait puisé à cet apocryphe ; certains auteurs pensent que Jude et l’auteur de V Assomption de Moïse ont puisé à une source commune. Cf. Rampf, Der Brief Judâ, p. 201-332 ; Bacuez, Manuel biblique, 10e édit., t. IV, p. 536-538.

VIII. Rapports de l’Épitre de Jude avec la seconde Épitre de Pierre. — Il existe beaucoup de ressemblances entre ces deux Épitres. En ce qui concerne II Pet., toutes les ressemblances importantes sont dans le chapitre n, comme on peut le constater par le tableau ci-dessous :

Jude. 3.

II Pet.

…. ii, 21.

4 ii, l-3.

6 ii, 4.

7 ii, 6.

7, 8 ii, 10.

9 ii, 11.

Jude.

10…

11…

12… 12, 13 ; 16…

II Pet.

. ii, 12.

. ii, 15.

. ii, 13.

. ii, 17.

. ii, 18.

17, 18 iii, 1-3.

A côté de ces rapports très clairs, on constate aussi des allusions ou des réminiscences :

24 iii, 14.

25 ni.18.

1, 2 I, 2.

3 1, 5, 15.

Pour expliquer ces rapports on a fait deux hypothèses :

I. HYPOTHESE DE LA DÉPENDANCE DE JUDE PAR RAP-PORT A la II pétri. — Les raisons dç cette hypothèse sont : « 1° Il n’y a pas de parité entre les allusions que saint Pierre a pu faire dans sa première Épître à certains passages de saint Paul et un emprunt si littéral et si étendu, qui comprendrait la plus grande partie de l’Épitre de saint Jude. — 2° Saint Pierre n’avait pas d’intérêt à s’approprier la lettre de saint Jude. Saint Jude, au contraire, trouvait un avantage à citer saint Pierre : il ajoutait à sa considération et à son autorité personnelle celle du prince des Apôtres et du chef de l’Église. — 3° L’Épitre de saint Pierre paraît avoir été écrite la première ; elle parle au futur, elle prédit les hérésies qui vont paraître, II Pet., ii, 1-3 ; celle de saint Jude parle au passé, elle donne les faits qu’elle décrit pour l’accomplissement des prophéties faites par les Apôtres. Sans réfuter les sectaires, comme saint Pierre, saint Jude les attaque avec plus de force et les caractérise d’une manière plus précise. — 4° Le style de saint Jude est meilleur, plus soigné, plus soutenu. On y voit moins de répétitions. — 5° Saint Jude paraît commenter saint Pierre. Au ꝟ. 10, il développe et éclaircit ce que saint Pierre avait laissé dans l’ombre. II Pet., ii, 14, 15. — 6° La citation du livre de l’Assomption de Moise, faite par saint Jude au t. 9, semble n’avoir pour but que d’éclairer et de confirmer ce qu’a avancé saint Pierre, ii, 11. L’Épitre de saint Jude nous semblerait donc postérieure à la IIe de saint Pierre, et d’une date assez rapprochée de la ruine de Jérusalem. » Bacuez, Manuel biblique, t. iv, p. 535-536.

SI. HYPOTHESE DE LA DÉPENDANCE DE LA SECONDE ÉPITRE DE PIERRE PAR RAPPORT À JUDE. — Elle est plus

probable et plus communément suivie ; elle s’appuie sur les raisons suivantes : 1° Dans l’Epitre de Jude, le développement est plus détaillé et la pensée contient plus de particularités, tandis que dans II Pet., les idées sont plus condensées et d’un caractère général ; cf. Judæ 6, 7, et II Pet., ii, 4, 6 ; Juda ;, 9 et II Pet., ii, 11 ; Judæ, 12, 13 et II Pet., ii, 17 ; dès lors il est facile de voir que les considérations de Jude s’adressent à un milieu juif, tandis que ces mêmes considérations, exprimées dans une torme plus concise dans II Pet., pouvaient être utiles même à des ethno-chrétiens. — 2° II Pet. accuse un développement de la pensée, et cela provient de ce qu’elle exprime de nouvelles idées, qui sont en germe dans Jude, mais qui avaient besoin d’un autre document pour être explicitement formulées. Cf. II Pet., 2, 7-8 et Judse, 20-22 ; II Pet., iii, 2, et Judæ 17. — Si Jude emploie le passé et II Pet. le futur, cela ne prouve nullement que II Pet. soit antérieure ; car ces futurs : ïuovcai, « ils seront, » napeia-âloiHxtv, « ils introduiront, » II Pet., ii, 1, l[iitopeij(jovTai, « ils marchanderont, » ii, 3, êXeiiuovcai, « ils viendront, » iii, 3, sont des maximes générales qui embrassent tous les temps, comme le passé de Jud., 4 : îcapenrÉSuirav, « ils se sont introduits ; » d’ailleurs II Pet. emploie aussi le présent et quelquefois dans les mêmes passages : âpvoû[j.evot, « reniant, » êTOCYovxeç, « emmenant, » ii, 1 ; cf. aussi, ii, 10, 12, 18, et le passé : oru(*glër )xev, « il [leur] est arrivé, » ii, 22. Cf. Rampf, Brief Juda, p. 129 ; Hundhausen, Bas zweite Pontificalschreiben des Apostelfursten Petrus, Mayence, 1878, p. 102112 ; Kaulen, Emleitung, p. 662 ; Juhcher, Einleitung, p. 150, 151 ; Batiffol, Études d’histoire et de théologie positive, in-12, Paris, 1902, p. 293.

IX. Style et langue.

Le style de l’Épitre est dénué de tout ornement et de toute recherche. Au point de vue de l’art littéraire il ne présente rien de particulier ; la phrase est lourde et embarrassée, quoiqu’elle se dislingue par une certaine abondance d’expressions et une grande hardiesse, par exemple, ji. 4, 7, 8, 10, 12, 13, 16 ; on devine un écrivain qui a de la peine à exprimer ses idées, mais qui les exprime avec force et énergie. L’auteur n’est pas un hellène, parce que la langue grecque manque d’élégance et de pureté ; c’est un sémite qui écrit en une langue étrangère. — Quoique le langage soit généralement énergique et sec, on rencontre pourtant certains passages touchants et pleins d’émotion : Judæ ꝟ. 22-23 (grec). Commeumque exemple de"beauté littéraire, on peut citer l’admirable doxologie, ꝟ. 24-25, qui paraît être une imitation ou un écho de Rom., xvi, 25, 27.

X. Texte.

1° L’original est grec ; l’Épitre se trouve dans presque toutes les versions, à l’exception de la Peschito. — 2° Variantes du texte : la suscription : nB ont : toviSoc, ACK : iov>8a erau’uoXiî, ; et çe touSa to’j arcoirtoXov eTOdtoXï) xaOoXix/] : — $. 1. N AB ont : riYcnjfiivoiç, « aimés, » au lieu de : ^Yiact|xévotç, « sanctifiés ; » — ꝟ. 3. après <rwTir)pfa{, « salut, » N ajoute : Çur|ç, « vie ; »

— ꝟ. 4. AB ont : xâpiTa, au lieu de : x « P' v > « grâce ; » — ꝟ. 5. ABC omettent : ûu, â ;, « vous, » après eîSétaç, « sachant ; » N ADC ont : rcâvTa, « tout, » au lieu de : toûto, « cela ; » d’autres manuscrits ont : Trima ;, « tous » [vous tous] ; — ꝟ. 7. nABC ont : tov o(i.oiov Tpôitov toûtoi ;, au lieu de : tov Su-oiov toûrot ; Tpouov ; — ꝟ. 8. N a : xvpiéTj )Ta ?, « pouvoirs, » au lieu de : xuptoVirra, « pouvoir ; »

— ꝟ. 12. x* C 2 construisent ce verset : ovtoi duiv y°yy, j ~ or « t, (ie[ii} ; [’[it)pot « axa Taç [C 2 ajoute îoïaç] Émèvjisaç o-jtov iuopeud(i£vot, comme le verset 16 à l’exception de la forme anormale [lEjuJHMYpot ; — ꝟ. 15. N a : itaoav ^jj(r è v, « toute âme, » au lieu de : uâvcaç toù ; àaeêsîç, « tous les impies ; » — ꝟ. 18. Xe AC 2 ont : èXev<rovTot !, « viendront, » au lieu de : ëcbvtoci, « seront ; » — t- 20. nAB placent : è7rot<o80|io0vTC{éajToù{ avant : ttj « y"""*’™ !  :

— ꝟ. 22. AC ont : iXif^eie, « reprenez, » au lieu de’: ÈXesÎTE, « ayez pitié ; » — ꝟ. 23. hÀB omettent : èv o66(j), « dans la crainte ; » — ꝟ. 24. À a ont : f.jiâ ;,