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1807
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JUDE — JUDE (ÉPITRE DE SAINT)


On ne sait presque rien de la vie de cet apôtre. Dans l’Évangile il ne paraît qu’une fois pour adresser une question au Sauveur. Joa., xiv, 22. Saint Jean le désigne sous le nom de « Judas non l’Iscariote ». Il est l’auteur d’une des Lpitres catholiques. Voir Jude (Épitre de). Comme son Épitre combat les mêmes hérétiques que la seconde lettre de saint Pierre, il y a lieu de penser qu’après l’Ascension il évangélisa les contrées adjacentes à celles où avait prêché le prince des Apôtres. Ce qu’il y a de certain, c’est qu’il n’était plus en vie à l’époque de la persécution de Domitien ; car Eusèbe, H. E., iii, 19, suivant une vieille tradition (jiaXoctôç xate’x" Xôyoc), et Hégésippe, ibid.^ iii, 20, t. xx, col. 252, 253, nous apprennent que cette persécution mit à l’épreuve les descendants de Jude. Cf. aussi iii, 32, col. 284. Les auteurs ont enregistré diverses traditions sur la vie et les travaux de Jude : d’après Nicéphore Calliste, H. E., ii, 40, t. lxxiii, col. 693, il aurait d’abord évangélisé la Judée, la Galilée, la Samarie et l’Idumée, et ensuite l’Arabie, la Syrie, la Mésopotamie et la Perse ; quelques auteurs syriens, mentionnés par J. S. Assemani, Biblioth. orient., Rome, 1719-1728, t. i, p. 318 ; t. iii, part. i, p. 299, 302, affirment que l’apôtre Thaddée prêcha l’Évangile à Édesse ; mais cette tradition, déjà consignée dans saint Jérôme, In Matth., x, 4, t. xxvi, col. 61, dérive, par le changement d’Addai en Thaddée, de la Doctrine d’Addai ; voir Abgar, t. i, col. 37-41, et Addaï, t. i, col. 214 ; c’est à ce document qu’Eusèbe, H. E., 1, 13 ; ii, 1, t. xx, col. 120-129, 133-140, a emprunté sa relation. Ces traditions sont communément rejetées. Cf. Tillemont, Mémoires, Bruxelles, 1732, t. i, p. 279. D’après le bréviaire romain, au 28 octobre, il évangélisa la Mésopotamie et la Perse et mourut martyr. Les descendants de saint Jude furent recherchés sous Domitien, comme appartenant à la famille du Christ, mais on les laissa en paix. Eusèbe, H. E., iii, 17-20, t. xx, col. 249-256. D’après un fragment d’Hégésippe, conserve dans Philippe Sidète, l’un des descendants de l’apôtre Jude s’appelait Zocer (Zwxrip) et un autre Jacques flàxtoëoç). C. de Boor, Neue Fragmente des Papias, Hegesippus, dans les Texte und Untersuchungen, t. v, Heꝟ. 2, 1888, p. 169. V. Ermoni.

2. JUDE BARSABAS (grec : ’Ioû5a ; o È7nxa).o’j(ievoç B « p<ja6î{), un des premiers chrétiens de Jérusalem. Act., xv, 22. Il était probablement prêtre, c’est ce que semble indiquer le titre d’ïiyoûjjiEvoç qui lui est donné. Il fut chargé, avec Silas, d’accompagner Paul et Barnabe à Antioche pour porter aux chrétiens de cette ville une lettre des Apôtres contenant les décisions du concile de Jérusalem. Jude et Silas étaient « prophètes », ꝟ. 32, et par leurs paroles, ils confirmèrent les fidèles dans la foi. Leur mission remplie, Jude retourna à Jérusalem, tandis que Silas, d’après la Vulgate et d’autres manuscrits, demeura à Antioche, mais la leçon [jlôvo ; MoûSa ; es èm>pe-j9ï], Judas autem solus abiit Jérusalem, ne se lit pas dans d’excellents manuscrits. Act., xv, 22-34. — On range communément Jude Barsabas parmi les soixante-dix disciples du Sauveur. Tillemont, Mémoires pour servir à l’histoire ecclésiastique, 1701, t. i, p. 27. Son surnom de Barsabas ou « fils de Sabas » a fait supposer qu’il était frère de Joseph Barsabas. Act., i, 23. Voir Barsabas, t. i, col. 1470. C’est sans raison qu’on a essayé de le confondre avec l’apôtre saint Jude, car le langage de l’auteur sacré montre que Jude Barsabas n’avait pas le rang d’apôtre.

    1. JUDE (ÉPITRE DE SAINT)##


3. JUDE (ÉPITRE DE SAINT). — I. Auteur. — L’auteur se désigne lui-même sous le nom de Jude, frère de Jacques, et la plupart des commentateurs, depuis Origène et saint Jérôme, sont d’accord à reconnaître dans ce Jude l’un des douze Apôtres. Voir Jude 1. Ct. les témoignages d’Origène et de saint Jérôme, dans P. G., t. xiii,

col. 1520, note 57. Voir aussi Adumbrationes in Epist., Judse, dans les œuvres de Clément d’Alexandrie, t. ix, col. 731 ; voir plus loin § vi.

II. Occasion et but.

L’Épltre fut écrite à l’occasion de doctrines dangereuses répandues au milieu des fidèles par les faux docteurs. L’auteur caractérise en termes énergiques ces faux docteurs : ce sont des hommes dont la condamnation est depuis longtemps portée, des impies, qui changent la grâce de Dieu en libertinage et renient Notre-Seigneur Jésus-Christ, ꝟ. 4 ; ils méprisent l’autorité, blasphèment la majesté, et tout ce qu’ils ignorent, ꝟ. 8 ; ils paraissent faire encore partie de l’Église, mais en réalité ce sont des membres morts, des arbres déracinés et desséchés, des astres errants, jr. 12-13 ; des esprits inquiets, turbulents, orgueilleux, ꝟ. 16 ; ils cherchent à égarer les autres et suivent leurs inclinations impies, ꝟ. 18 ; leur immoralité est scandaleuse ; ils obéissent aux impulsions de la chair, ꝟ. 4, 8, 10, 12, 16, 23 ; ils se sont séparés eux-mêmes [du reste des fidèles], ce sont des psychiques, tyv£ixo{, qui n’ont pas l’esprit [de Dieu], uveû[jia [iï| é’xovteç, ꝟ. 19. Ces dernières paroles, où il est question des psychiques et des pneumatiques, nous indiquent clairement que ces faux docteurs avaient à tout le moins des tendances gnostiques ; leur immoralité notoire nous porte à penser qu’ils appartenaient à cette classe d’hérétiques, connus par leur antinomisme, dont Carpocrate sera plus tard le plus célèbre représentant. Ct. S. Irénée, Adv. hær., i, 25, 26, t. vii, col. 680-687 ; Clément d’Alexandrie, Strom., ii, 20 ; iii, 2, 4, t. viii, col. 1048-1072, 1104-1113, 1129-1144. —Le but de l’Épitre est de prémunir les fidèles contre les erreurs et les lausses doctrines dont ils étaient menacés ; il leur recommande, ꝟ. 3, de rester fermement attachés à la foi qu’ils ont reçue.

III. Destinataires.

L’Épitre est adressée, ꝟ. 1, à ceux qui ont été appelés, qui sont sanctifiés en Dieu le Père et conservés pour Jésus-Christ. On peut donc conclure qu’il s’agit de chrétiens en général, venus du judaïsme ; l’Épitre n’est pas adressée à une église particulière, ni à un individu quelconque, et c’est pour cela qu’elle est à bon droit dite « catholique ». La conclusion, ꝟ. 25, est marquée du même caractère. Voir Catholiques (Épures), t. ii, col. 350. L’expression « nos bien aimés », ꝟ. 3, 17, 20, pourrait faire penser à un cercle plus restreint ; mais elle a en réalité une signification générale" ; elle s’applique à tous les chrétiens que l’auteur aime en Jésus-Christ. Cf. Julicher, Einleitung m das Neue Testament, in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 1894, p. 145. Rien n’oblige pourtant à y voir une lettre « encyclique », dans la plus large signification du mot. Kaulen, Einleitung in die heilige Schmft, 3e édit., in-8°, Fribourg-en-B., 1893, p. 678.

IV. Analyse.

Outre la suscription, la salutation et une courte introduction, ꝟ. 1-4, l’Epitre embrasse deux parties, J. 5-19, 20-23, et se termine par une doxologie, ꝟ. 24-25. — Dans l’introduction, l’auteur commence par déclarer, j^. 3, que sa sollicitude pastorale l’a porté à écrire cette lettre ; son intervention a été rendue nécessaire par, la prédication des faux docteurs, ꝟ. 4. — La première partie, ꝟ. 5-19 est plutôt descriptive. Pour montrer le châtiment qui menace les faux docteurs, l’auteur rappelle l’exemple des mauvais anges, de Sodome et de Gomorrhe, ꝟ. 6-7 ; à cause de leurs crimes, les sectaires subiront le même sort ; ils sont tellement coupables que l’archange saint Michel lui-même n’ose pas prononcer leur jugement, ꝟ. 9 ; ils ont marché sur les traces de Caïn, de Balaam et de Coré, j^. Il ; aussi doivent-ils s’attendre au même châtiment, ꝟ. 13 ; déjà le patriarche Enoch avait prédit leur sort, jr. 14-15 ; les Apôtres du reste avaient annoncé leurs manœuvres, ji. 17-18. — La seconde partie, 20-23, est parénétique ; l’auteur exhorte les fidèles à rester fermes dans la foi, l’amour de Dieu et l’attente de la miséricorde de Jésus-